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19/09/2018 | FRANCE | N°18BX00748

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 19 septembre 2018, 18BX00748


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser une provision de 166 550,02 euros, à valoir sur la réparation de son préjudice né du défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de retraite, augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable.

Par ordonnance n° 1702262 du 2 février 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à M. B..

.une provision de 166 550,02 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2012. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser une provision de 166 550,02 euros, à valoir sur la réparation de son préjudice né du défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de retraite, augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable.

Par ordonnance n° 1702262 du 2 février 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à M. B...une provision de 166 550,02 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2012.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 21 février 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande au juge d'appel des référés :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de de Toulouse du 2 février 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- l'ordonnance est entachée d'irrégularité dès lors que la minute de l'ordonnance attaquée ne comporte pas la signature du juge des référés et du greffier en chef ;

- les sommes perçues postérieurement au 31 décembre 1989 en exécution d'un mandat sanitaire sont assimilées à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale, par conséquent, les sommes perçues par M. B...au cours des années 1990, 1991 et 1992 au titre d'une telle activité ne peuvent être prises en compte pour calculer le montant de son préjudice ;

- la créance dont M. B...se prévaut à l'encontre de l'Etat est sérieusement contestable dans son montant, dès lors que l'assiette forfaitaire prévue à l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale ne peut pas s'appliquer au calcul de l'indemnité correspondant au montant du préjudice économique que l'intéressé a subi au titre des périodes d'activité liées au mandat sanitaire ; la période des missions de prophylaxie est de soixante-dix jours alors que l'article R. 351-11 prévoit une durée minimale de quatre-vingt-dix ;

- M. B...ne peut pas bénéficier du versement des intérêts moratoires dès lors qu'il n'avait pas vocation à percevoir les sommes correspondantes aux arriérés de cotisation si l'Etat l'avait affilié aux régimes général et complémentaire, et que les intérêts concernant l'indemnisation du différentiel de pension pour pensions échues ne peuvent courir à la date d'échéance de chaque arrérage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2018, M.B..., représenté par la SCP Richard, conclut au rejet du recours du ministre et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné, par une décision du 2 janvier 2018, M. Pierre Larroumec, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., vétérinaire exerçant en libéral, a été titulaire d'un mandat sanitaire à compter du 17 janvier 1972, au titre duquel il a réalisé des actes de prophylaxie collective dans le département du Lot rémunérés par l'Etat. M. B...a sollicité l'administration, le 8 mars 2012, afin d'être indemnisé du préjudice subi du fait de l'absence d'affiliation à la Caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT) et à l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) lors de son activité au titre de son mandat sanitaire entre le 17 janvier 1972 et le 31 décembre 1989. M. B...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision à valoir sur la réparation du préjudice subi d'un montant de 166 550,02 euros. Le ministre relève appel de l'ordonnance du 2 février 2018par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a entièrement fait droit à la demande de M. B....

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Aux termes de l'article R. 522-11 du code de justice administrative : " L'ordonnance du juge des référés porte les mentions définies au chapitre 2 du titre IV du livre VII (...) ". Il résulte de l'article R. 742-5 du même code que : " La minute de l'ordonnance est signée du seul magistrat qui l'a rendue ". Ces dispositions n'exigent pas qu'une ordonnance, notamment du juge des référés, soit signée par le greffier.

4. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le ministre, la minute de l'ordonnance attaquée comporte effectivement la signature du magistrat qui l'a rendue. Par suite, l'ordonnance attaquée, qui satisfait aux exigences posées par les articles R. 522-11 et R. 742-5 du code de justice administrative, n'est pas entachée d'irrégularité.

Sur la responsabilité de l'Etat :

5. Il résulte de l'instruction que M. B...au cours de sa carrière de vétérinaire exerçant en libéral a été titulaire d'un mandat sanitaire à compter du 17 janvier 1972 dans le département du Lot, qui l'a conduit à remplir des missions de santé publique sous l'autorité des services de l'Etat en application de l'article 215-8 du code rural, devenu l'article L. 221-11 du code rural et de la pêche maritime. A ce titre, il devait être regardé comme un agent non titulaire de l'Etat, relevant du régime général de la sécurité sociale en application de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que du régime de retraite complémentaire des agents publics non titulaires de l'Etat. L'administration qui n'a pas fait procéder à son immatriculation à la CARSAT et à l'IRCANTEC, n'a jamais versé les cotisations correspondantes aux salaires perçus par M.B..., qui n'ont donc pas été prises en compte dans le calcul de ses droits à la retraite, qu'il a fait valoir à compter du 1er janvier 2009. Cette méconnaissance d'une obligation légale, qui n'est d'ailleurs pas contestée par le ministre dans ses écritures qui reconnaît sa responsabilité, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État. Par suite, la créance de M. B...résultant du préjudice subi du fait de cette faute n'est pas sérieusement contestable dans son principe.

Sur le montant du préjudice :

6. Le préjudice ouvrant droit à réparation au profit de M.B..., qui constitue la créance dont il peut se prévaloir à l'encontre de l'Etat, correspond, d'une part, au montant des cotisations patronales et salariales qu'il aura à acquitter au lieu et place de l'Etat, son employeur, pour la période litigieuse, tant auprès du régime général de retraite que du régime complémentaire et, d'autre part, au montant du différentiel de pensions échues au titre de ces deux régimes de retraite.

7. D'une part, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation fait valoir que M. B... n'apporte pas la preuve suffisante du montant des salaires effectivement perçu au titre du mandat sanitaire et ne peut pas non plus justifier d'une période minimale continue d'activité annuelle de quatre-vingt-dix jours pour laquelle un versement de cotisation est admis en vertu de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale même lorsque le montant de la rémunération perçue n'est pas démontré. Toutefois il n'est pas contesté par l'administration que l'intéressé a été titulaire d'un mandat sanitaire du 17 janvier 1972 au 31 décembre 1989 sans interruption. Il n'est pas davantage sérieusement contesté que M. B...aurait interrompu son activité au titre du mandat sanitaire dont il était titulaire entre le 17 janvier 1972 et le 31 décembre 1989. Enfin, M. B...fournit dans son mémoire en défense des allégations suffisamment étayées pour démontrer que l'activité de police sanitaire, exercée dans le département du Lot de 1972 à 1989 sur les troupeaux de bovins en période hivernale, de caprins et d'ovins en période estivale, et donc plus étendue que les seules missions hivernales de prophylaxie auxquelles le ministre fait référence en appel, a excédé la période minimale de quatre-vingt-dix jours par an fixée par l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale.

8. D'autre part, et en revanche, aux termes des dispositions de l'article 10 de la loi n° 89-412 du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre II du code rural ainsi que certains articles du code de la sante publique que les rémunérations perçues au titre de l'exercice du mandat sanitaire : " (...) sont assimilées, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Ces dispositions s'appliquent à compter du 1er janvier 1990. ". Il résulte de ces dispositions que toutes les rémunérations perçues à compter du 1er janvier 1990 par les vétérinaires à raison du mandat sanitaire détenu par eux sont, quelle que soit la date de réalisation des prestations auxquelles elles se rapportent, assimilées à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ne pouvait pas pour évaluer le chiffrage de la créance détenue par M. B...sur l'Etat en raison du préjudice qu'il a subi, intégré à l'assiette du calcul de ce montant, les salaires qui lui auraient été versés au cours des années 1990, 1991 et 1992 à raison de l'exercice de son mandat sanitaire avant le 1er janvier 1990.

9. Toutefois, il n'est pas contesté par l'administration que M. B...a subi un préjudice du fait de sa non-affiliation, tant auprès du régime général de retraite que du régime complémentaire, entre 1972 et 1989. Dans ces conditions et compte tenu de ce qui a été dit au point 8 et des sommes qu'il y a en conséquence lieu de retrancher aux bases de calcul retenues par le premier juge, l'existence de l'obligation dont se prévaut M. B...doit être regardée comme non sérieusement contestable à hauteur de 150 000 euros.

10. M. B...a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 150 000 euros à compter du 8 mars 2012, date de réception par l'administration de sa demande préalable.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE

Article 1er : La somme de 166 550,02 euros que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à M. B...à titre provisionnel est ramenée à 150 000 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 8 mars 2012

Article 2 : L'ordonnance n° 1702262 du 2 février 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est réformée en ce qu'elle a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre ainsi que les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Fait à Bordeaux, le 19 septembre 2018.

Le juge d'appel des référés

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

N° 18BX00748


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 18BX00748
Date de la décision : 19/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015-04 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision. Conditions.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP YVES RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-09-19;18bx00748 ?
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