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08/08/2018 | FRANCE | N°16BX01380

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 08 août 2018, 16BX01380


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F...D...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006, et, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des pénalités pour manoeuvres frauduleuses qui leur ont été appliquées.

Par un jugement n° 1403073 du 3 mars 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F...D...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006, et, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des pénalités pour manoeuvres frauduleuses qui leur ont été appliquées.

Par un jugement n° 1403073 du 3 mars 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 avril 2016, M. et MmeD..., représentés par la Selarl Quesnel et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mars 2016 et de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des pénalités y afférentes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est fondé sur les seules constatations d'une procédure pénale qui n'a pas à interférer dans la procédure fiscale et qui n'était pas définitive, un pourvoi en cassation ayant été intenté à son encontre ;

- les sommes déduites ont été versées en vue de la seule réalisation des travaux et correspondent au devis qu'ils ont signé le 16 août 2006 ; la réalité des travaux est attestée par le procès-verbal de constat, réalisé le 3 janvier 2008 par M.E... ; un rapport d'expertise réalisé à leur demande atteste de ce que le montant des travaux facturés par la société ICDH en 2006 est bien compatible avec les prestations réalisées ;

- M. D...s'est acquitté du montant des travaux envers la seule société ICDH, au fur et à mesure de l'émission des factures correspondant aux travaux réalisés et n'avait pas connaissance de l'utilisation des fonds par cette dernière ;

- les sommes en litige ont été versées à M. C...par la société ICDH et ils n'étaient pas informés des relations existant entre ces derniers ; aucune relation contractuelle n'a jamais existé entre eux et M.C... ;

- les sommes versées par M. D...à la société ICDH ayant été validées par M. B... qui avait pour mission de valider et contresigner l'intégralité des factures adressées à M. D...par la société ICDH, la contrepartie économique des sommes versées par ICDH à M. C... est établie ;

- les sommes versées par ICDH à M. C...sont limitées à 40 461, 55 euros et non 100 695 euros comme le prétend l'administration ; la différence correspond au règlement pécuniaire d'accords entre la société ICDH et M. C...qui sont étrangers à l'opération immobilière en cause ;

- à titre subsidiaire, les sommes versées par la société ICDH à M.C..., à titre d'honoraires de maîtrise d'oeuvre, sont éligibles à la déduction dès lors qu'ils se rapportent à des travaux eux-mêmes déductibles ; la doctrine BOI-lR-RICI-200-10 11° 300, 5 juillet 2013 est venue confirmer ce point ;

- les pénalités de 80 % ne sont pas justifiées ; aucune autre pénalité, notamment pour manquement délibéré, ne saurait être appliquée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M. et MmeD....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D...ont fait l'acquisition, par acte notarié du 2 août 2006, d'un immeuble situé à Périgueux dans un secteur sauvegardé dans lequel ils ont fait réaliser des travaux de restauration par la société ICDH, entreprise générale du bâtiment et maître d'oeuvre, dans le cadre d'un marché à forfait. En application du dispositif dit " loi Malraux ", ils ont porté en déduction, dans leurs déclarations de revenus fonciers des années 2006 et 2007, le coût de ces travaux. A la suite d'un contrôle sur pièces diligenté par le service de fiscalité patrimoniale de la direction départementale des finances publiques de la Dordogne, une proposition de rectification leur a été adressée le 10 juin 2010 et le service a réintégré dans leurs revenus de l'année 2007 une partie des travaux qui avait déjà été prise en compte au titre de l'année 2006, retenant un montant total de 362 244 euros, soit 171 150 euros pour 2006 et 191 094 euros pour 2007.

2. Une commission rogatoire a été délivrée le 31 août 2010 contre le représentant légal de la société ICDH, en liquidation judiciaire, et a eu pour conséquence la mise en examen, notamment, de M.D.... La direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest a exercé son droit de communication dans le cadre d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2008 et 2009, a remis en cause la valeur probante du mémoire détaillé des travaux, daté du 11 décembre 2007, et a réintégré la totalité du coût des travaux figurant en déduction des revenus de M. et Mme D...des années 2006 et 2007. La réclamation qu'ils ont formée le 9 octobre 2013 a été partiellement admise et un dégrèvement de 228 884 euros a été prononcé le 22 mai 2014.

3. M. et Mme D...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils restaient assujettis au titre de l'année 2006, soit la somme de 83 133 euros, et, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des pénalités pour manoeuvres frauduleuses qui leur ont été appliquées. Ils interjettent appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté leurs demandes.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

4. Aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent :1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ; (...) b ter) Dans les secteurs sauvegardés définis aux articles L. 313-1 à L. 313-3 du code de l'urbanisme et les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager définies à l'article L. 642-1 du code du patrimoine, les frais d'adhésion à des associations foncières urbaines de restauration, les travaux de démolition imposés par l'autorité qui délivre le permis de construire et prévus par les plans de sauvegarde et de mise en valeur rendus publics ou par la déclaration d'utilité publique des travaux de restauration, à l'exception des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement. Toutefois, constituent des charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net, les travaux de reconstitution de toiture ou de murs extérieurs d'immeubles existants prévus par les mêmes plans de sauvegarde ou imposés par la même déclaration d'utilité publique et rendus nécessaires par ces démolitions. Il en est de même des travaux de transformation en logement de tout ou partie d'un immeuble, dans le volume bâti existant dont la conservation est conforme au plan de sauvegarde et de mise en valeur ou à la déclaration d'utilité publique des travaux de restauration. Il en est de même des travaux de réaffectation à l'habitation de tout ou partie d'un immeuble originellement destiné à l'habitation et ayant perdu cet usage, dont la conservation est conforme au plan de sauvegarde et de mise en valeur ou à la déclaration d'utilité publique des travaux de restauration. Pour l'application de ces dispositions, les conditions mentionnées au 3° du I de l'article 156 doivent être remplies ; (...). ". L'article 156 du même code dispose : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la sixième année inclusivement. Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : (...) 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires de monuments classés monuments historiques, inscrits à l'inventaire supplémentaire (...) Cette disposition n'est pas non plus applicable aux déficits provenant de dépenses autres que les intérêts d'emprunt effectuées sur des locaux d'habitation ou destinés originellement à l'habitation et réaffectés à cet usage par leurs propriétaires et à leur initiative, ou à celle d'une collectivité publique ou d'un organisme chargé par elle de l'opération et répondant à des conditions fixées par décret, en vue de la restauration complète d'un immeuble bâti en application des articles L. 313-1 à L. 313-3 du code de l'urbanisme et payées à compter de la date de publication du plan de sauvegarde et de mise en valeur. Il en est de même, lorsque les travaux de restauration ont été déclarés d'utilité publique en application de l'article L. 313-4-1 du code de l'urbanisme, des déficits provenant des mêmes dépenses effectuées sur un immeuble situé dans un secteur sauvegardé, dès sa création dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 du même code, ou dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application de l'article 70 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat. (...) ".

5. Il appartient au contribuable qui entend déduire de son revenu brut les dépenses constituant, selon lui, des charges de la propriété, de justifier de la réalité, de la consistance et par suite du caractère déductible de ces charges.

6. L'imposition restant en litige à la suite du dégrèvement prononcé par l'administration le 22 mai 2014 correspond aux conséquences du rehaussement résultant de la remise en cause par l'administration du caractère déductible des revenus de M. et Mme D...d'une somme de 100 695 euros versée par la société ICDH à M.C..., agent immobilier et courtier en assurances qui serait intervenu dans l'opération de restauration immobilière en cause, au motif que cette somme ne pouvait être regardée comme ayant été acquittée par les intéressés pour la réalisation des travaux en litige.

7. M. et Mme D...soutiennent que ladite somme devait être admise en déduction dès lors, d'une part, qu'elle a effectivement été versée à M. C...par la société ICDH à laquelle ils ont versé l'intégralité du prix des travaux tel qu'il a été fixé par le devis signé le 16 août 2006, et, d'autre part, que l'affectation des fonds, dont ils n'étaient pas informés, était l'affaire exclusive de la société ICDH.

8. Toutefois, il résulte de l'instruction que le devis du 16 août 2006 ne fait apparaître aucune rémunération d'une mission quelconque qui aurait pu incomber à M. C...dans le cadre de l'opération immobilière et que les appels de fonds tenant lieu de factures ne mentionnent aucun honoraire pour la supervision dans l'exécution des travaux dont M. C...aurait pu être chargé. Par suite, ni la nature ni même la réalité de la mission qu'aurait accomplie M. C...en contrepartie de la somme de 100 695 euros que lui a versée la société ICDH ne sont établies. Les requérants ne peuvent utilement soutenir que la mission de M. C...aurait été intégrée à l'ensemble des travaux dès lors que, ainsi qu'il vient d'être dit, cette dernière n'est attestée par aucun document.

9. Si les requérants soutiennent que la somme versée à M. C...est en réalité de 40 641,55 euros seulement comme cela ressort du " mémoire des travaux de réhabilitation, Phase décompte définitif -7 feuillets " signé par l'architecte, M.B..., daté du 11 décembre 2007, qui indique " honoraires de maîtrise d'oeuvre 40 641,55 euros", il résulte de l'instruction et en particulier des procès-verbaux de première comparution de M.B..., que ce mémoire récapitulatif a été établi par ce dernier sur la base de données non vérifiées en y apposant une fausse date, à la demande de M. D...lui-même, aux seules fins de lui permettre de justifier auprès de l'administration fiscale les sommes portées en déduction de leurs revenus.

10. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la réalité de la mission exercée par M. C...n'était pas établie et que la somme en litige de 100 695 euros ne pouvait, dès lors, être rattachée à l'opération de rénovation du bien leur appartenant.

11. M. et Mme D...ne peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative BOI-IR-RICI-200-10 du 5 juillet 2013, selon laquelle en sus des sommes effectivement payées à raison des travaux de restauration proprement dits, les dépenses connexes et accessoires tels que les frais d'honoraire versés à l'architecte peuvent être prises en compte, dès lors que, ainsi qu'il été dit précédemment,3

il ne résulte pas de l'instruction que le versement de la somme de 100 695 euros à M. C...revêtirait un tel objet.

Sur les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ".

13. Les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ont pour objectif de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.

14. Il résulte des éléments recueillis par l'administration au cours des opérations de contrôle que le mémoire de travaux signé par M. B...produit par M. D...en tant que pièce justificative était dépourvu de toute valeur probante dès lors que cet architecte n'avait pas effectué le suivi effectif des travaux ni procédé aux constations matérielles permettant de contrôler leur avancement et que ce mémoire, antidaté, a été rédigé afin de permettre à M. D...de justifier la déduction fiscale des sommes. Un tel agissement révèle l'intention des époux D...d'égarer ou de restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration. C'est, dès lors, à bon droit que la pénalité de 80 % pour manoeuvres frauduleuses a été appliquée en l'espèce.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme D...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. et Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F...D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressé à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 août 2018.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

La présidente,

Marianne PougetLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 16BX01380


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01380
Date de la décision : 08/08/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS QUESNEL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-08-08;16bx01380 ?
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