Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...et la société anonyme à responsabilité limitée GGP Sécurité, dont il est le gérant, ont demandé au tribunal administratif de Guyane d'annuler les décisions implicites nées le 26 mars 2015, par lesquelles la Commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a confirmé les décisions de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle (CIAC) Antilles-Guyane rejetant leurs demandes de délivrance d'une autorisation de fonctionnement pour la société et d'un agrément en qualité de dirigeant pour M.A....
Par un jugement n° 1500319 du 11 février 2016, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 avril 2016, M. C...A...et la société GGP Sécurité, représentés par MeD..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 11 février 2016 ;
2°) d'annuler les décisions implicites du CNAPS ;
3°) d'enjoindre à la CIAC d'accorder un agrément à M. A...dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros à verser à M. A...et à la société GGP Sécurité, à hauteur de 3 000 euros chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure menée devant la CIAC n'a pas respecté les principes du contradictoire et des droits de la défense ;
- il n'est pas justifié de l'habilitation spéciale, prévue par le code de la sécurité intérieure et le code pénal, des agents ayant consulté les fichiers de police au cours de l'enquête administrative ; cette incompétence vicie les délibérations attaquées ;
- aucune indication n'est fournie sur les suites qui ont été données aux faits retenus par la CIAC pour fonder sa décision ;
- ces mêmes faits sont anciens et ne peuvent, de ce fait, être regardés comme témoignant d'un comportement incompatible avec une activité de sécurité privée.
Par un courrier enregistré le 30 mai 2016, le ministre de l'intérieur a informé la cour qu'il n'entendait pas produire d'observations.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 juin 2017, le CNAPS, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge des requérants une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire est inopérant, un refus d'agrément étant une mesure de police et non une sanction ;
- le requérant ne justifie pas qu'il aurait été empêché de faire valoir ses observations devant le CIAC ou le CNAPS ;
- le requérant n'établit pas que les informations le concernant auraient été obtenues de manière irrégulière ;
- à supposer que l'agent ayant consulté les fichiers à caractère personnel n'ait pas fait l'objet d'une habilitation spéciale, cette circonstance ne constitue pas un vice présentant un caractère substantiel, susceptible d'avoir une incidence sur la légalité de la décision attaquée ;
- l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'exercer une activité privée peut prendre en considération des faits n'ayant pas donné lieu à l'inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire ;
- les faits pour lesquels M. A...a été mis en cause ne sont pas contestés ; son comportement est manifestement incompatible avec l'exercice d'agent de sécurité privé.
Par un courrier du 24 mai 2018, une mesure supplémentaire d'instruction a été diligentée auprès du CNAPS.
De nouvelles pièces ont été produites par le CNAPS et enregistrées le 12 juin 2018.
Par une ordonnance du 16 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 6 juillet 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 ;
- le décret n° 2011-1919 du 22 décembre 2011 ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., gérant de la SARL GGP Sécurité, s'est vu délivrer le 8 septembre 2011 par le préfet de la Guyane un agrément en qualité de gérant d'une entreprise de sécurité et, par un arrêté du 12 septembre 2011, le préfet a autorisé le fonctionnement de la société. Dans le cadre d'une réforme de la législation, M. A...a déposé le 18 février 2012 des demandes de renouvellement de son agrément et de l'autorisation accordée à la société. La commission interrégionale d'agrément et de contrôle (CIAC) Antilles-Guyane, par une délibération du 8 avril 2014 a refusé ces renouvellements. M. A...et la SARL GGP Sécurité, suite au rejet de leurs recours gracieux par la CIAC, ont saisi le conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) le 26 janvier 2015 du recours préalable obligatoire visé à l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure. Des décisions implicites de rejet de ces recours étant nées le 26 mars 2015, M. A...et la société GGP Sécurité ont saisi le tribunal administratif de la Guyane d'une demande tendant à l'annulation de ces décisions. Ils relèvent appel du jugement du 11 février 2016 par lequel le tribunal a rejeté cette demande.
Sur la légalité des décisions du CNAPS :
2. En vertu de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes (...) ". Aux termes de l'article L. 612-6 du même code: " Nul ne peut exercer à titre individuel une activité mentionnée à l'article L. 611-1 ni diriger, gérer ou être l'associé d'une personne morale exerçant cette activité, s'il n'est titulaire d'un agrément délivré selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat ". L'article L. 612-7 du code précité dispose : " (...) L'agrément ne peut être délivré s'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ". Enfin, s'agissant de l'autorisation d'exercice d'une activité mentionnée à l'article L. 611-1 par un exploitant individuel ou une personne morale, l'article L. 612-16 du code dispose que : " L'autorisation prévue à l'article L. 612-9 peut être retirée : / 1° A la personne physique qui, titulaire de l'agrément prévu à l'article L. 612-6, ne remplit plus les conditions exigées à l'article L. 612-7 ou dont l'agrément a été retiré ; / 2° A la personne morale qui conserve comme dirigeant ou gérant une personne titulaire de l'agrément mais ne remplissant plus les conditions exigées à l'article L. 612-7, ou une personne dont l'agrément a été retiré ; / (...) ".
En ce qui concerne la légalité externe :
3. En premier lieu, M. A...et la société GGP Sécurité persistent en appel à soutenir, qu'ils n'ont pas bénéficié d'une procédure contradictoire devant la CIAC Antilles-Guyane et que leurs droits de la défense ont été méconnus. En vertu de l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure, les décisions implicites de rejet prises par le CNAPS sur les recours préalables obligatoires exercés par les requérants se substituent aux décisions initiales du CIAC. Dès lors, les irrégularités dont la procédure de première instance aurait été entachée ne peuvent être utilement invoquées dans la mesure où il a pu y être remédié par la procédure suivie devant la commission nationale. En l'occurrence, les décisions litigieuses n'ont pas le caractère de sanctions, contrairement à ce que soutiennent les requérants. Ceux-ci ont eux-mêmes saisi le CNAPS de recours dirigés contre les décisions du CIAC, lesquelles exposaient les faits fondant le motif des refus d'agrément et d'autorisation, repris ensuite implicitement par les décisions en cause. Ils ont ainsi été en mesure de présenter leurs observations sur ces faits dans le cadre de cette procédure de recours - des courriers du CNAPS en date du 15 mars 2015 les invitaient d'ailleurs à faire parvenir au secrétariat de la commission tout document complémentaire relatif à ces faits qu'ils jugeraient utile de fournir - et ils n'ont ainsi été privés ni de la possibilité d'un débat contradictoire avec l'administration ni, en tout état de cause, de la garantie des droits de la défense.
4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées du code de la sécurité intérieure que l'exercice d'une activité privée de sécurité, en particulier par le gérant d'une entreprise, est soumis à la délivrance ou au renouvellement préalable d'un agrément, l'une ou l'autre précédé d'une enquête administrative, destinée en particulier à vérifier que l'intéressé n'a pas fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou que son comportement ou ses agissements sont compatibles avec l'exercice des fonctions envisagées. L'enquête administrative peut s'accompagner d'une consultation des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie. Cette consultation, afin que soient respectées tant la protection des informations contenues dans ces traitements automatisés que la protection de la vie privée des personnes faisant l'objet d'une mention dans ces fichiers, ne peut être effectuée que par des agents spécialement habilités conformément à l'article L. 612-7 du code de sécurité intérieure, dans les conditions fixées par l'article R. 632-14 du code de la sécurité intérieure et les articles R. 40-28 et R. 40-29 du code de procédure pénale.
5. En l'occurrence, il résulte des pièces produites devant la cour par le CNAPS que, dans le cadre de l'enquête administrative menée pour l'instruction des demandes de renouvellement de l'agrément de M. A...et de l'autorisation de fonctionnement de la SARL GGP Sécurité, l'examen des fichiers de police automatisés et du bulletin n° 2 du casier judiciaire du gérant de cette société a été réalisé par un agent du siège du CNAPS ayant été habilité à procéder à une telle consultation par un arrêté du préfet de police du 27 juillet 2012, pris sur demande du directeur du Conseil national, et complété d'une fiche individuelle d'habilitation signée le 9 novembre 2012 par l'administrateur national du système de circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de la police sécurisés. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il ne serait pas justifié par l'administration de l'habilitation de l'agent ayant procédé à la consultation des traitements de données à caractère personnel doit être écarté.
6. Enfin, si les requérants font valoir qu'aucune précision n'a été apportée par l'administration sur les suites données aux faits retenus par la commission, ils n'assortissent pas ce propos de précisions utiles.
En ce qui concerne la légalité interne :
7. Il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, à l'issue de l'enquête administrative, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les actes commis par le demandeur sont compatibles avec l'exercice de la profession, alors même que les agissements en cause n'auraient pas donné lieu à une condamnation inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire, ou qu'ils auraient été effacés du système de traitement automatisé des infractions constatées.
8. Il ressort des pièces du dossier que la consultation du système de traitement des infractions constatées, dit " STIC ", a révélé que M. A...était connu des services de police pour avoir été mis en cause dans quatorze infractions, parmi lesquelles figuraient, notamment, celles de travail clandestin en 2013, aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France en 2008, violences ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas 8 jours en 2006, association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime en 2002, faux témoignage, subornation de témoin et dénonciation calomnieuse en 2002. Ces faits, par leur gravité et leur caractère répété, révèlent, alors même que le bulletin n°2 du casier judiciaire de M. A...n'en porterait pas trace, et que certains sont effectivement anciens, des agissements incompatibles avec l'exercice d'une activité de sécurité privée. Dans ces conditions, et alors même que les faits reprochés à M. A...n'ont donné lieu à aucune condamnation pénale, c'est sans entacher son refus d'une erreur d'appréciation que, par les décisions attaquées, le CNAPS a confirmé implicitement les décisions de la CIAC.
9. Il résulte de ce qui précède, que M. A...et la SARL GGP Sécurité ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le CNAPS a refusé de renouveler l'agrément et l'autorisation de fonctionner dont ils bénéficiaient respectivement.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par les requérants, n'implique aucune mesure d'exécution par l'administration. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à l'administration de délivrer un agrément à M.A....
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du CNAPS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... et de la SARL GGP Sécurité la somme que réclame le CNAPS sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...et de la SARL GGP est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du CNAPS tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à la SARL GGP Sécurité et au Conseil national des activités privées de sécurité, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copies en seront adressées à la ministre des outre-mer et au préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président-rapporteur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 juillet 2018.
Le premier assesseur,
Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président-rapporteur,
Laurent POUGETLe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16BX01372