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10/07/2018 | FRANCE | N°18BX01879

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 10 juillet 2018, 18BX01879


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Blandins Hydro Nature, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler la décision du 3 janvier 2012 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a constaté qu'elle renonçait à sa demande d'autorisation d'exploiter la centrale de Pény au-delà du 21 mai 2012 et l'a informée qu'elle ne pouvait équiper cet ouvrage en vue d'une exploitation hydroélectrique en vertu du 3° de l'article R. 214-81 du code de l'environnement et, d'autre part,

de mettre à la charge du préfet le versement de la somme de 1 500 euros au titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Blandins Hydro Nature, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler la décision du 3 janvier 2012 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a constaté qu'elle renonçait à sa demande d'autorisation d'exploiter la centrale de Pény au-delà du 21 mai 2012 et l'a informée qu'elle ne pouvait équiper cet ouvrage en vue d'une exploitation hydroélectrique en vertu du 3° de l'article R. 214-81 du code de l'environnement et, d'autre part, de mettre à la charge du préfet le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1600037 du 1er mars 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2018, la société Blandins Hydro Nature, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er mars 2018 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge du préfet de la Haute-Vienne le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a déclaré sa demande irrecevable dès lors que la décision contestée ne comportait pas l'indication des voies et délais de recours ; ce n'est que par courrier du 27 septembre 2012 que l'administration l'a informée des voies et délais de recours qui étaient expirés ; ce courrier, qui ne constitue pas la notification de la décision contestée, méconnait l'article R. 421-5 du code de justice administrative ;

- le tribunal a appliqué la théorie de la connaissance acquise en méconnaissance de la jurisprudence du Conseil d'Etat qui a abandonné cette théorie ;

- le tribunal ne pouvait appliquer rétroactivement la jurisprudence relative au délai raisonnable ;

- la décision du 3 janvier 2012 ne pouvait sans méconnaître les articles R. 214-72 et R. 214-73 du code de l'environnement indiquer que le délai de deux ans pour fournir un dossier de renouvellement était expiré depuis le 9 octobre 2011 alors qu'à cette date le dossier accompagnant la demande était toujours incomplet ;

- la décision contestée méconnaît l'article L. 511-3 du code de l'énergie dès lors que le canal et la galerie souterraine de dérivation des eaux du Vincou constituent des ouvrages autorisés ;

- le Vincou continue à s'écouler dans son lit originel ; la dérivation n'est donc pas un cours d'eau et n'est donc pas soumise à l'autorité du préfet ;

- étant dispensée d'autorisation conformément à l'article L. 511-3 du code de l'énergie, elle ne pouvait pas fournir une telle autorisation ; le préfet l'a cependant obligée à déposer une demande d'autorisation sans faire référence à l'article L. 511-3 du code de l'énergie pourtant applicable ; en ignorant ces dispositions issues de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 le préfet a manifestement entaché ses décisions d'illégalité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement (...) des cours ( ...) peuvent, par ordonnance : (...) 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens (...) les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...) après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement (...) ".

2. La société Blandins Hydro Nature fait appel du jugement du 1er mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 janvier 2012 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a constaté qu'elle renonçait à sa demande d'autorisation d'exploiter la centrale de Pény au-delà du 21 mai 2012 et l'a informée qu'elle ne pouvait équiper cet ouvrage en vue d'une exploitation hydroélectrique en vertu du 3° de l'article R. 214-81 du code de l'environnement.

3. Pour rejeter les conclusions en annulation présentées par la société Blandins Hydro Nature, le tribunal, après avoir adressé un courrier en ce sens aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, a relevé, notamment au vu de l'accusé de réception produit au dossier, que la société Blandins Hydro Nature avait reçu notification de la décision contestée le 11 janvier 2012. Les premiers juges ont également relevé que la notification de cette décision ne comportait pas la mention des voies de recours ni du délai de recours, qui était en l'espèce de deux mois, et que ce délai n'était donc pas opposable à la société, mais que la société n'avait saisi le tribunal que quatre ans après avoir pris connaissance de cette décision. Ils ont jugé que le délai raisonnable dans lequel la société devait exercer son recours était d'un an et que ses conclusions étaient donc tardives.

4. Comme l'a estimé le tribunal, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

5. En l'espèce, la société ne conteste pas la date à laquelle elle a eu connaissance de la décision attaquée et ne fait état d'aucune circonstance susceptible de remettre en cause la durée d'un an du délai raisonnable appliquée par le tribunal.

6. La règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance. La circonstance que la demande ait été présentée par la société devant le tribunal avant que le Conseil d'Etat ne fixe cette règle relative au délai raisonnable dans sa décision CE Assemblée 13 juillet 2016 Czabaj n° 387763, n'était donc pas de nature à faire obstacle à l'application de cette règle par les premiers juges.

7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation de la société Blandins Hydro Nature sont manifestement dépourvues de fondement. Sa requête peut dès lors être rejetée selon la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Blandins Hydro Nature est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Blandins Hydro Nature. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Fait à Bordeaux, le 10 juillet 2018.

Le président de la chambre,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

No 18BX01879


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 18BX01879
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-07 Procédure. Pouvoirs et devoirs du juge.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SANCHEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-07-10;18bx01879 ?
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