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08/03/2018 | FRANCE | N°17BX04039

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 08 mars 2018, 17BX04039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Parc éolien des Grands Champs, société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2015 lui refusant le permis de construire un parc de douze éoliennes et deux postes de livraison, d'enjoindre au préfet de la Charente de lui délivrer le permis de construire sollicité ou, subsidiairement, de statuer à nouveau sur sa demande de permis de construire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'art

icle L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1600385 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Parc éolien des Grands Champs, société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2015 lui refusant le permis de construire un parc de douze éoliennes et deux postes de livraison, d'enjoindre au préfet de la Charente de lui délivrer le permis de construire sollicité ou, subsidiairement, de statuer à nouveau sur sa demande de permis de construire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1600385 du 13 décembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande et a mis à sa charge le versement aux sociétés MSE Le vieux moulin et SVNC Energie France d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2017 et un mémoire en production de pièces enregistré le 9 janvier 2018, la société Parc éolien des Grands Champs, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 13 décembre 2017 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de lui délivrer le permis de construire sollicité ou, subsidiairement, d'enjoindre aux autorités de l'Etat de lui délivrer le permis de construire sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard ou, plus subsidiairement, d'enjoindre aux autorités de l'Etat de statuer à nouveau sur sa demande de permis de construire dans le même délai et sous la même astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable et elle justifie remplir les conditions posées à l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

- elle justifie de moyens sérieux tenant à l'irrégularité du jugement ; en effet, le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il admet les interventions tardives des sociétés MSE Le vieux moulin et SVNC Energie France, qui étaient au surplus irrecevables pour défaut d'intérêt à agir, qu'il l'a condamnée à verser à ces deux sociétés une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et qu'il ne lui a pas communiqué le mémoire en intervention, entachant le jugement d'une méconnaissance du principe du contradictoire ; le tribunal n'a par ailleurs pas communiqué aux autres parties son propre mémoire du 24 novembre 2017 et ne l'a pas visé ; le jugement est également irrégulier en ce qu'il a écarté à tort son moyen tiré de la violation de l'autorité de la chose jugée, au prix d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une contradiction de motifs ; le tribunal a également entaché son jugement d'irrégularité en écartant son moyen tiré de la disparition du motif de refus du permis de construire lié à l'incompatibilité du projet en litige avec celui de la société MSE Le vieux moulin ; en jugeant que le refus serait justifié par l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le tribunal a encore entaché son jugement d'irrégularité dès lors que le projet de la société MSE Le vieux moulin avait disparu, qu'aucune atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique n'a été soutenue ni démontrée par l'administration, qu'aucun risque n'existe et qu'une prétendue incompatibilité technique entre deux projets de parcs éoliens ne saurait caractériser une atteinte à la sécurité publique ; c'est aussi à tort que le tribunal a refusé de considérer que le préfet avait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'ensemble des caractéristiques du projet ; le jugement est par ailleurs irrégulier pour avoir écarté à tort les moyens tirés du défaut de motivation de la décision préfectorale et de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- l'exécution du jugement risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables dès lors qu'il porte atteinte aux droits de la défense, au principe du contradictoire, au droit à un procès équitable tel que protégé à l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'intérêt public s'attachant au respect de l'autorité de la chose jugée ; ce jugement porte atteinte à sa situation dès lors qu'elle développe ce projet depuis dix ans ; il y urgence à surseoir à l'exécution du jugement dès lors que le préfet doit, en application d'une injonction prononcée par la cour, se prononcer avant janvier 2018 sur sa demande d'autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement ; de plus, elle a été indument condamnée à verser des frais irrépétibles et elle est exposée à la perte de cette somme.

Par un mémoire enregistré le 23 janvier 2018, la société MSE Le vieux moulin et la société SVNC Energie France, représentées par MeA..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Parc éolien des Grands Champs le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la société requérante ne justifie pas de conséquences difficilement réparables ; l'atteinte à un droit, même fondamental, ne constitue pas en soi une conséquence difficilement réparable ; la société requérante n'a pas demandé la suspension du refus de permis de construire qui lui a été opposé ; elle ne justifie d'aucun droit acquis à la délivrance du permis sollicité ; la société ne peut se prévaloir d'une situation d'urgence dès lors que la demande de permis de construire est sans influence sur celle d'autorisation d'exploiter et que le versement de la somme de 1 200 euros n'est pas de nature à entrainer des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens qu'elle invoque n'apparaissent pas sérieux en l'état de l'instruction.

Par un mémoire enregistré le 31 janvier 2018, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement par lequel un tribunal rejette les conclusions en annulation d'un refus de permis de construire n'entraine, en tant que tel, aucune mesure d'exécution susceptible de faire l'objet du sursis prévu à l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

- compte tenu de la modicité de la somme et de la possibilité pour la société de récupérer la somme de 1 200 euros à laquelle elle a été condamnée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, cette condamnation n'est pas de nature à entrainer des conséquences difficilement réparables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement (...) des cours (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables ; 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens (...) ". En application de ce même article : " (...) les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel (...) ".

2. Aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ".

3. Le 29 décembre 2010, la société Parc éolien des Grands Champs a sollicité un permis de construire un parc de douze éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Nanteuil-en-Vallée (Charente). Le préfet de ce département lui a opposé un refus implicite confirmé sur recours gracieux par une décision explicite faisant état d'une atteinte à la sécurité publique du fait de la proximité d'un autre parc éolien. Ces refus ont été annulés par jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 septembre 2015. La société Parc éolien des Grands Champs ayant renouvelé sa demande le 15 décembre 2015, le préfet de la Charente, par arrêté du 18 décembre 2015, lui a opposé un nouveau refus. La société a fait appel du jugement du 13 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus. Par la présente requête, elle demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement dans l'attente du jugement au fond de sa requête d'appel.

4. En premier lieu, en tant qu'il rejette les conclusions de la société dirigées contre l'arrêté du 18 décembre 2015, le jugement en litige ne peut par lui-même entraîner aucune mesure d'exécution susceptible de faire l'objet du sursis prévu à l'article R. 811-17 du code de justice administrative, en admettant même que, comme le soutient la société requérante, ce jugement aurait été rendu en méconnaissance des droits de la défense, du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable et alors même que le préfet de la Charente doit prochainement statuer sur l'autorisation d'exploiter le projet de parc éolien au regard de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. Par suite, en tant qu'elles concernent le rejet par le jugement attaqué de ses conclusions en annulation, les conclusions de la société Parc éolien des Grands Champs ne sont pas recevables.

5. En second lieu, le jugement contesté porte indument condamnation de la société Parc éolien des Grands Champs à verser, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 200 euros aux sociétés MSE Le vieux moulin et SVNC Energie France, qui étaient intervenantes et n'étaient donc pas parties à l'instance au sens de ces dispositions. Toutefois, la société ne produit aucun élément concernant notamment sa situation financière permettant d'estimer que le versement de cette somme entrainerait pour elle, dans l'attente du jugement au fond, des conséquences difficilement réparables.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué présentées par la société requérante ne peuvent être accueillies. Sa requête doit, par suite, être rejetée y compris ses conclusions tendant à ce que la cour lui délivre le permis de construire sollicité, ses conclusions en injonction et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Parc éolien des Grands Champs la somme que demandent les sociétés MSE Le vieux moulin et SVNC Energie France au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Parc éolien des Grands Champs est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des sociétés MSE Le vieux moulin et SVNC Energie France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Parc éolien des Grands Champs, au ministre de la cohésion des territoires, à la société MSE Le vieux moulin et à la société SVNC Energie France. Une copie en sera adressée au préfet de la Charente.

Fait à Bordeaux, le 8 mars 2018

Le président de chambre,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

4

No 17BX04039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 17BX04039
Date de la décision : 08/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-03-06-02 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL GOSSEMENT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-08;17bx04039 ?
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