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15/02/2018 | FRANCE | N°17BX02835

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 15 février 2018, 17BX02835


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane de condamner la chambre d'agriculture de la Guyane à lui verser une provision de 44 549,72 euros.

Par ordonnance n° 1600879 du 3 août 2017 le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a condamné ladite chambre d'agriculture à verser à Mme C...une provision de 8 302,37 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 août et 23 octobre 2017, Mme C...

, représentée par MeB..., demande au juge des référés de la cour :

1°) de réformer cette ordonnan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane de condamner la chambre d'agriculture de la Guyane à lui verser une provision de 44 549,72 euros.

Par ordonnance n° 1600879 du 3 août 2017 le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a condamné ladite chambre d'agriculture à verser à Mme C...une provision de 8 302,37 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 août et 23 octobre 2017, Mme C..., représentée par MeB..., demande au juge des référés de la cour :

1°) de réformer cette ordonnance du 3 août 2017 en tant qu'elle n'a pas condamné la chambre d'agriculture de la Guyane à lui accorder la totalité de la provision qu'elle demandait ;

2°) de condamner la chambre d'agriculture de la Guyane à lui verser une provision de 44 549,72 euros ;

3°) de rejeter les conclusions de la chambre d'agriculture présentées par la voie de l'appel incident ;

4°) de mettre à la charge de cette chambre d'agriculture une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a refusé de regarder comme entièrement professionnel le déplacement effectué à Paris du 19 au 27 mars 2012, un ordre de mission ayant été délivré par la chambre d'agriculture au titre de cette période au cours de laquelle elle devait se rendre à deux rendez-vous nécessaires à la régularisation de son recrutement, l'un à Lyon et l'autre à Paris ;

- à cette occasion elle a dû supporter le coût du voyage aller-retour en métropole ;

- par ailleurs, elle n'a pas à justifier être créditrice de jours de RTT, la preuve de la prise effective de jours à ce titre incombant à l'employeur ;

- enfin, l'ordonnance attaquée ne pouvait pas procéder à une compensation entre les salaires qui lui sont toujours dus, soit 15 480,25 euros, et la somme de 8 000 euros qui lui a été avancée, sous la forme d'un prêt, par un syndicat agricole en attendant que la chambre d'agriculture régularise sa situation.

Par un mémoire, enregistré le 28 septembre 2017, la chambre d'agriculture de la Guyane, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation de Mme C...à lui verser une somme de 8 000 euros à titre de provision sur dommages-intérêts, à titre subsidiaire, à la constitution par celle-ci d'une garantie du même montant, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante le paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

Il soutient que :

- l'appelante ne chiffre ni ne précise chacun des postes indemnitaires de sa demande, laquelle paraît être réduite par rapport à la première instance ;

- la créance dont elle se prévaut est sérieusement contestable ;

- Mme C...ne justifie pas avoir acquitté un billet d'avion pour se rendre à un rendez-vous professionnel à Paris ;

- en réalité, elle a effectué un voyage en métropole, à Lyon, pour des motifs personnels ;

- elle s'est ainsi absentée de manière injustifiée durant huit jours ;

- en conséquence, l'appelante n'avait droit à une indemnité compensatrice de congés payés qu'à hauteur de 7,5 jours, soit à un montant de 1 464,41 euros et son traitement devait être amputé de la période de service non fait ;

- par ailleurs, l'appelante a perçu une somme de 8 000 euros de la FDSEA, correspondant à des salaires ;

- il ne lui appartient pas de démontrer que l'appelante n'a pas effectué d'heures au-delà de 35 heures hebdomadaires, de sorte qu'elle n'est débitrice d'aucune somme s'agissant de jours de RTT ;

- enfin, la valeur du point d'indice qui était applicable à l'intéressée s'établissait à 6,191 euros et non à 7,185 euros ;

- le comportement de l'intéressée et ses interventions auprès de tiers ont nui à la chambre d'agriculture, qui est ainsi fondée à solliciter à titre provisionnel une indemnité de 8 000 euros ;

- à tout le moins l'appelante doit constituer une garantie, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le statut du personnel administratif des chambres d'agriculture ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. E...en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...a été informée, par lettre du 28 novembre 2011, de son recrutement en qualité de conseiller du président de la chambre d'agriculture de la Guyane, pour une période d'une année à compter du 16 janvier 2012, en vue de sa nomination ultérieure, après cette période probatoire, en tant que directeur de cet organisme, sous réserve de la délivrance d'un agrément par un jury national. Mme C...a débuté concrètement l'exercice de ses fonctions à compter du 24 janvier 2012, en participant à un séminaire en métropole à la demande du président de la chambre d'agriculture avant de prendre ensuite ses fonctions en Guyane. Toutefois, par lettre du 12 avril 2012 le président de la chambre d'agriculture de la Guyane lui a notifié la cessation de ses fonctions dès le 13 avril 2012, en dispense du préavis d'un mois. Mme C...a ensuite demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane la condamnation de la chambre d'agriculture de la Guyane à lui verser une provision de 44 549,72 euros au titre de rémunérations non versées, de frais professionnels non remboursés et de l'indemnisation d'un préjudice personnel et moral

Sur les conclusions de Mme C...tendant à la réformation de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

3. En premier lieu, la chambre d'agriculture de la Guyane a admis, tant en appel qu'en première instance, ne pas avoir versé à MmeC..., d'une part, une somme de 6 613,63 euros, correspondant à un rappel de salaires bruts, d'autre part l'indemnité compensatrice de congés payés, correspondant à 7,5 jours, pour une somme de 1 464, 41 euros et, enfin, une somme de 224,33 euros s'analysant en un remboursement de frais professionnels Aucune des parties ne conteste l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a mis ces sommes, à titre provisionnel, à la charge de la chambre d'agriculture.

4. En deuxième lieu, et comme l'a relevé le premier juge, Mme C...n'établit ni que la valeur du point d'indice pour le calcul de sa rémunération devait être fixé à 7,185 euros et non à 6,191 euros comme le soutient la chambre d'agriculture de la Guyane en défense, ni que son compte épargne-temps serait créditeur de jours de réduction de temps de travail non pris, ni qu'elle aurait acquis 10 jours de congés au lieu des 7,5 retenus par l'intimée et qui ont servi de fondement de calcul de la provision accordée en première instance relativement à l'indemnité compensatrice de congés payés. Au demeurant, ces 7,5 jours résultent de la mise en oeuvre du statut des personnels administratifs des chambres d'agriculture qui prévoient que lors de la période probatoire sont acquis 2,5 jours de congés par mois effectué. Par ailleurs, il résulte de l'article 13 de ce statut que la prime dite du " treizième mois " n'est versée qu'aux agents titulaires, de sorte que Mme C...ne saurait prétendre au versement d'une quelconque provision à ce titre.

5. En revanche et en troisième lieu, s'il est constant que l'appelante a reçu, en deux versements, aux mois de février et de mars 2012, une somme nette de 8 000 euros d'un syndicat agricole, la FDSEA, au titre d'avance sur rémunération, il résulte de l'instruction que l'intéressée s'est engagée, le 13 mars 2012, à la rembourser auprès de ce syndicat. En conséquence, l'avance ainsi consentie à Mme C...s'analyse en un prêt qu'il lui incombe de rembourser. De plus, la chambre d'agriculture n'établit ni même n'allègue avoir elle-même remboursé cette somme à la FDSEA ni même s'être engagée à le faire. Dans ces conditions et en tout état de cause, c'est à tort que le montant brut, soit 10 256,41 euros, correspondant à cette somme a été extournée par l'ordonnance attaquée du total des rémunérations dues par la chambre d'agriculture de la Guyane à l'appelante.

6. En quatrième lieu, il est constant que le président de la chambre d'agriculture a délivré, le 19 mars 2012, à l'appelante un ordre de mission pour se rendre à un rendez-vous à l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) à Paris le 21 mars 2012, après que ce déplacement a été autorisé par le secrétaire général aux affaires régionales de Guyane le 16 mars 2012. Il résulte, en outre, de l'instruction que ce rendez-vous consistait plus précisément en un entretien avec un consultant de la société Profil, prestataire de services de l'APCA. Or, ainsi que l'établit MmeC..., ce consultant est basé à Lyon, où a eu effectivement lieu cet entretien. Par ailleurs, elle n'est pas sérieusement contestée lorsqu'elle affirme qu'elle s'est ensuite rendue en train à Paris où elle a rencontré, les 22 et 23 mars 2012, différents responsables de l'APCA. Dans ces conditions, et contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, le coût du billet d'avion aller-retour entre la Guyane et la métropole, avec un départ le 19 mars 2012 et un retour le 27 mars suivant, dont l'intéressée justifie par les documents qu'elle produit, doit être remboursé à l'appelante par la chambre d'agriculture, qui ne démontre pas en avoir fait l'avance. En conséquence, elle devra verser, à titre de provision, à Mme C...la somme de 839 euros s'agissant du remboursement de ce déplacement professionnel.

7. En cinquième lieu et s'agissant des provisions relatives à la rémunération et aux remboursements de frais il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que Mme C...est seulement fondée à demander que lui soient accordées, à titre provisionnel, d'une part, une somme de 18 445,05 euros s'agissant de la rémunération qui lui était due au titre de la période du 24 janvier au 13 mai 2012, sur la base d'un traitement brut mensuel de 5 076,62 euros et, d'autre part, une somme de 839 euros en ce qui concerne le remboursement de frais

8. En sixième et dernier lieu, l'appelante n'articule aucun moyen à l'encontre de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a rejeté ses conclusions tendant à ce que lui soit accordée, à titre provisionnel, une somme de 15 000 euros en réparation des troubles de toute nature dans ces conditions d'existence et du préjudice moral que lui auraient fait subir les conditions de son éviction. Elle n'établit, d'ailleurs, ni en première instance ni en appel la réalité des préjudices qu'elle allègue.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le montant total de la provision accordée à Mme C... par le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane doit être porté de 8 302,37 euros à 19 284,05 euros, sans qu'il y ait lieu de subordonner le versement de cette somme à la constitution d'une garantie par MmeC....

Sur les conclusions reconventionnelles de la chambre d'agriculture :

10. Pour demander par voie reconventionnelle la condamnation de Mme C... à lui verser, à titre provisionnel, une somme de 8 000 euros, la chambre d'agriculture de la Guyane soutient, tant en appel qu'en première instance, avoir subi un préjudice en raison du comportement de l'appelante, qui n'aurait jamais eu l'intention d'être recrutée en tant que titulaire mais n'aurait visé qu'à obtenir rapidement un emploi dans la fonction publique de l'État et à se faire financer des déplacements personnels. Cependant et ainsi que l'a relevé à juste titre l'ordonnance attaquée, la chambre d'agriculture recherche ainsi l'indemnisation d'une faute qui aurait été commise par MmeC.... Par conséquent, ces conclusions, d'ailleurs aussi nouvelles en appel en ce qu'elles tendent à l'octroi d'une provision sur le fondement susdécrit, se rattachent à un litige distinct de celui dont a été saisi le juge des référés par Mme C...et sont, dès lors, irrecevables et doivent être rejetées. Du reste, ni la faute ni le préjudice allégué ne paraissent établis.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeC..., qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que la chambre d'agriculture de la Guyane demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la chambre d'agriculture de la Guyane une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La somme que la chambre d'agriculture de la Guyane est condamnée à verser à titre provisionnel à Mme C...est portée de 8 302, 37 euros à 19 284,05 euros.

Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane du 3 août 2017 est réformée en tant qu'elle est contraire à la présente ordonnance.

Article 3 : La chambre d'agriculture de la Guyane versera à Mme C...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5: La présente ordonnance sera notifiée à Mme A...C...et à la chambre d'agriculture de la Guyane.

Fait à Bordeaux, le 15 février 2018.

Le juge des référés,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

No 17BX02835


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 17BX02835
Date de la décision : 15/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET MARCAULT DEROUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-15;17bx02835 ?
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