La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/07/2017 | FRANCE | N°17BX01445

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 20 juillet 2017, 17BX01445


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...F...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 94 486,20 euros à valoir sur la réparation des conséquences de l'accident médical non fautif dont elle a été victime le 21 août 2014 au centre hospitalier universitaire de Poitiers

et de mettre à la charge de l'ONIAM les frais d'expertise ainsi que la somme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...F...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 94 486,20 euros à valoir sur la réparation des conséquences de l'accident médical non fautif dont elle a été victime le 21 août 2014 au centre hospitalier universitaire de Poitiers et de mettre à la charge de l'ONIAM les frais d'expertise ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1700186 du 26 avril 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a condamné l'ONIAM à verser à Mme F...B...une provision de 10 000 euros ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2017, Mme F...B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) de réformer cette ordonnance du 26 avril 2017 ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 94 486,20 euros à valoir sur la réparation des conséquences de l'accident médical non fautif dont elle a été victime le 21 août 2014 au centre hospitalier universitaire de Poitiers ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 1 512 euros au titre de la consignation des frais d'expertise et la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'obligation de l'ONIAM n'est pas sérieusement contestable dans son principe, les conditions prévues par les articles L. 1142-1 et D. 1142-1 du code de la santé publique étant remplies ainsi que cela ressort du rapport de l'expertise ordonnée en référé ; l'ONIAM l'a d'ailleurs admis en première instance ;

- son déficit fonctionnel temporaire doit être, s'agissant de la perte d'un oeil, de 50 % et non de 25 %, taux fixé par l'expert ; à raison de 30 euros par jour, elle peut prétendre à ce titre à une provision de 3 9915 euros ;

- ses souffrances, évaluées par l'expert à 3,5 sur 7 justifient une provision de 10 500 euros ;

- son préjudice esthétique temporaire, évalué par l'expert à 2,5 sur 7, doit conduire à une provision de 2 500 euros ;

- son déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert à 25 % justifie, compte tenu de son âge (72 ans) à la date de la consolidation de son état de santé, une provision de 35 000 euros ;

- son préjudice esthétique permanent, évalué à 1,5 sur 7 par l'expert justifie une provision de 2 250 euros ;

- elle subit un préjudice d'agrément du fait de la perte de la vision binoculaire qui l'a obligée à abandonner le jardinage et la danse et à limiter ses déplacements en voiture ainsi que la lecture ; il doit lui être alloué une somme de 10 000 euros à ce titre ;

- le recours temporaire à une tierce personne dont la nécessité a été reconnue par l'expert doit être indemnisé à hauteur de 1 185,60 euros ;

- ses frais divers relatifs à des déplacements et à la reproduction de son dossier médical doivent être indemnisés à hauteur de 529,60 euros ;

- le recours permanent à une tierce personne doit être évalué à 1 977,60 euros pour les arrérages échus et à 25 945,60 euros pour l'avenir ;

- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, elle ne perçoit aucune prestation susceptible de couvrir en tout ou partie ses préjudices ainsi qu'elle en justifie en produisant une attestation de la direction vieillesse - handicap du département de la Vienne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2017, l'ONIAM conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il n'entend pas contester l'existence d'un droit à indemnisation de la requérante au titre de la solidarité nationale ;

- quant au montant de la provision, il doit être limité à l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux ne nécessitant pas de débat au fond et insusceptibles de recours des tiers payeurs, en l'absence de production de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie ; s'agissant des préjudices patrimoniaux le tribunal a, à bon droit, relevé qu'ils étaient susceptibles de donner lieu à des prestations ; les prétentions de la requérante sont en tout état de cause nettement excessives et constituent une indemnisation définitive et non provisionnelle ;

- l'offre faite est établie sur la base de son référentiel qui vise notamment à garantir l'égalité de traitement entre les victimes ; compte tenu de ce référentiel, et sous réserve que Mme F... B...justifie qu'elle ne perçoit ni la prestation de compensation du handicap ni l'allocation personnalisée d'autonomie, l'aide d'une tierce personne pourrait donner lieu à une indemnisation à hauteur de 19 691,98 euros, le déficit fonctionnel temporaire total puis à hauteur de 25 % pourrait donner lieu à une indemnisation à hauteur de 1 144 euros, les souffrances endurées peuvent être indemnisées à hauteur de 5 410 euros et le préjudice esthétique, temporaire et définitif, peut donner lieu à une indemnisation de 1 902 euros ; la provision de 10 000 euros accordée en première instance doit donc être confirmée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme E...A...en qualité de juge des référés et de tout recours présenté sur le fondement des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".

2. Il résulte des dispositions précitées que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir 1'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Ni ces dispositions, ni aucune autre disposition, ni aucun principe, ne font obstacle à ce que le requérant demande au juge des référés une provision égale à l'indemnité réparant l'intégralité du préjudice subi ni à ce que le juge lui accorde cette somme si elle présente, dans sa totalité, le caractère d'une créance non sérieusement contestable. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

3. Mme F...B...a subi deux opérations de la cataracte au CHU de Poitiers, le 1er août 2014 pour l'oeil gauche et le 21 août 2014 pour l'oeil droit. A la suite de la seconde opération, une rupture capsulaire est survenue, entrainant une perte quasi-totale de l'acuité visuelle à droite. Sur requête de MmeB..., le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a ordonné une expertise médicale à l'issue de laquelle l'expert a déposé son rapport le 26 mai 2014, retenant l'existence d'un accident médical non fautif qui a consisté dans une rupture capsulaire suivie d'une luxation de l'implant dans le segment postérieur. Aux termes du rapport d'expertise, l'état de santé de Mme F...B...est consolidé à la date du 5 mai 2015 et le taux de déficit fonctionnel permanent imputable à la complication est de 25%. Mme F...B...a saisi le juge des référés du tribunal d'une demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une provision d'un montant de 94 486,20 euros à valoir sur la réparation des conséquences dommageables de l'accident médical non fautif dont elle a été victime, ainsi que la somme correspondant aux frais avancés de l'expertise. Elle fait appel de l'ordonnance du 26 avril 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal a limité à 10 000 euros la provision à lui verser par l'ONIAM.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions de l'expertise ordonnée en référé que les conditions de mise en oeuvre de l'obligation de réparation par la solidarité nationale du préjudice subi par Mme F...B..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, ne sont pas sérieusement contestables et ont d'ailleurs été admises par l'ONIAM tant en première instance qu'en appel.

5. Il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise mentionné ci-dessus, que Mme F...B...a subi, à la suite de la complication dont elle a été victime, 10 jours de déficit fonctionnel temporaire total et 241 jours de déficit fonctionnel temporaire partiel, à un taux que l'expert estime à 25 %, un préjudice esthétique temporaire et permanent estimés par l'expert, respectivement, à 2,5 et 1,5 sur 7 et des souffrances évaluées par l'expert à 3,5 sur 7 et qu'elle reste atteinte, après la date de consolidation de son état de santé, d'un déficit fonctionnel permanent de 25 %.

6. Le montant de l'indemnisation due à Mme F...B..., âgée de 72 ans à la date de la consolidation de son état de santé, au titre des préjudices extrapatrimoniaux mentionnés au point précédent peut être regardé comme présentant un caractère suffisant de certitude à hauteur des sommes dont l'ONIAM fait état en défense, au regard de son référentiel d'indemnisation. Ces sommes s'établissent à 1 144 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire dont aucun élément de l'instruction ne permet d'estimer qu'il serait, exception faite des 10 jours de déficit temporaire total, de 50 % et non de 25 % comme le soutient la requérante, à 5 410 euros au titre des souffrances endurées et à 1 902 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et permanent. Eu égard à l'âge de la victime à la date de consolidation, la somme qu'elle demande au titre du déficit fonctionnel permanent dont elle reste atteinte, de 31 250 euros, n'apparaît pas sérieusement contestable. Sur ce dernier chef de préjudice, l'ONIAM fait valoir que le recours des tiers payeurs est susceptible de s'exercer sur le montant destiné à le réparer et que, dans l'attente de la production de sa créance par la caisse primaire d'assurance maladie, une provision ne peut donc être allouée. Toutefois, conformément à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, les prestations versées, le cas échéant, par la caisse primaire d'assurance maladie sont présumées s'imputer sur la part patrimoniale du préjudice et non sur la part des préjudices personnels, sauf si la caisse établit que cette prestation a réparé de manière incontestable tout ou partie d'un tel préjudice. En l'absence de production de sa créance par la caisse primaire d'assurance maladie et de tout élément permettant de penser que cet organisme aurait versé une prestation réparant de manière incontestable un préjudice personnel, il y a lieu d'estimer que le montant de l'indemnisation due à Mme F...B...au titre du déficit fonctionnel permanent présente, à hauteur de la somme susmentionnée, un degré de certitude suffisant. Enfin, s'agissant des préjudices personnels, Mme F...B..., qui invoque un préjudice d'agrément, ne justifie pas avoir dû abandonner le jardinage et la danse par suite de l'accident médical dont elle a été victime. L'expert, qui fait état de l'abandon par Mme F...B...de ces activités, ne relève aucune contre-indication s'agissant desdites activités. Si la requérante invoque une limitation de la conduite automobile et de la lecture, ces troubles sont réparés au titre du déficit fonctionnel permanent. Dans ces conditions, le préjudice personnel de Mme F...B...peut être regardé comme n'étant pas sérieusement contestable à hauteur de 39 706 euros.

7. S'agissant de ses préjudices patrimoniaux, Mme F...B...fait état de dépenses exposées et à venir au titre de l'aide d'une tierce personne à raison de 2 heures par semaine, de frais de déplacement exposés pour les besoins de la procédure et de frais de reproduction de son dossier médical. Les frais de reproduction de dossier médical de 77,14 et 13,06 euros sont justifiés par des courriers de son conseil. S'agissant des frais de déplacement, ils sont justifiés par des factures, des billets de train et des états de déplacement en véhicule automobile dont la copie du certificat d'immatriculation est produite. Ces frais de déplacement et de reproduction de dossier médical, d'un montant total de 529,60 euros, qui ne font l'objet d'aucune contestation par l'ONIAM, doivent être regardés comme n'était pas sérieusement contestables. S'agissant des frais relatifs à l'aide d'une tierce personne, l'ONIAM n'en conteste pas la nécessité à raison de 2 heures par semaine, du fait de l'accident médical dont la requérante a été victime. Toutefois, la somme destinée à réparer ce préjudice ne peut être considérée comme présentant un degré suffisant de certitude qu'à hauteur du montant proposé par l'ONIAM sur la base de son référentiel, au coût horaire de 13 euros. Ce montant s'établit à 994,63 euros pour la période antérieure à la consolidation. Quant à la période postérieure à la consolidation, l'ONIAM admet une évaluation à hauteur de 18 697,35 euros compte tenu d'un taux de capitalisation de 12,206 correspondant à l'âge de la victime. Si l'ONIAM fait valoir que ce chef de préjudice est susceptible d'être réparé par la prestation compensatoire du handicap ou par l'allocation personnalisée d'autonomie, la requérante produit en appel une attestation du président du conseil départemental de la Vienne selon laquelle elle n'est pas bénéficiaire de l'allocation personnalisée d'autonomie et il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'elle serait susceptible de percevoir la prestation de compensation du handicap qui est, sauf exception, réservée, conformément à l'article D. 245-3 du code de l'action sociale et des familles, aux personnes âgées au plus de 60 ans. Par suite, le préjudice patrimonial de Mme F...B...peut être regardé comme non sérieusement contestable à hauteur de 20 221,58 euros.

8. S'agissant, enfin, des frais d'expertise, dont l'avance a été mise à la charge de Mme B... par ordonnance du président du tribunal administratif de Poitiers du 31 octobre 2016, la requérante ne produit aucun élément permettant d'estimer qu'elle a réglé cette somme. Ainsi que l'a estimé le juge des référés du tribunal, Mme F...B...ne justifie pas, en l'état de l'instruction, avoir exposé des frais d'expertise répondant aux conditions prévues par l'article R. 541-1 précité du code de justice administrative. Si la requérante demande que les frais d'expertise fassent l'objet d'une consignation, le code de justice administrative ne prévoit pas une telle mesure.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est fondée à demander que soit mise à la charge de l'ONIAM une provision totale de 59 927,58 euros et à demander dans cette mesure la réformation de l'ordonnance du 26 avril 2017.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à Mme F...B...d'une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par elle et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : L'ONIAM est condamné à verser à Mme F...B...une provision de 59 927,58 euros.

Article 2 : L'ordonnance du 26 avril 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.

Article 3 : L'ONIAM versera à Mme F...B...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F... B...est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme F...B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne.

Fait à Bordeaux, le 20 juillet 2017

Le juge des référés,

Elisabeth A...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17BX01445


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 17BX01445
Date de la décision : 20/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DENIZEAU GABORIT TAKHEDMIT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-20;17bx01445 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award