La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/01/2017 | FRANCE | N°16BX03153

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 31 janvier 2017, 16BX03153


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 30 juin 2016 par lequel le préfet de l'Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ainsi que l'arrêté du 12 août 2016 par lequel la même autorité l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1603691-1603692 du 18 août 2016, le magistrat désign

é par le président du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur les conclusions diri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 30 juin 2016 par lequel le préfet de l'Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ainsi que l'arrêté du 12 août 2016 par lequel la même autorité l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1603691-1603692 du 18 août 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur les conclusions dirigées à l'encontre de l'ensemble des décisions contestées à l'exception de celle relative au séjour, a, d'une part, annulé la décision fixant le pays de renvoi en ce qu'elle rendait possible l'éloignement de M. D... à destination d'un pays différent du pays de renvoi de son épouse, d'autre part, annulé l'arrêté du 12 août 2016 portant assignation à résidence, et enfin rejeté le surplus des demandes de M.D....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 septembre 2016, le préfet de l'Ariège demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 août 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a, d'une part, annulé la décision fixant le pays de renvoi en ce qu'elle rendait possible l'éloignement de M. D...à destination d'un pays différent du pays de renvoi de son épouse, d'autre part, annulé l'arrêté du 12 août 2016 portant assignation à résidence de M.D... ;

2°) de rejeter les demandes de M. D...présentées devant le tribunal administratif de Toulouse dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi et l'arrêté décidant son assignation à résidence.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., de nationalité géorgienne, est entré en France pour la dernière fois en juin 2015, accompagné de son épouse, MmeB..., de nationalité russe. Il a présenté une demande d'asile, laquelle a été rejetée par une décision de l'Office français des réfugiés et apatrides du 28 juillet 2015, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 27 avril 2016. Par un arrêté du 30 juin 2016, le préfet de l'Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêté du 12 août 2016, le préfet de l'Ariège l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n°1603691-1603692 du 18 août 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur les conclusions dirigées à l'encontre de l'ensemble de ces décisions à l'exception de celle relative au séjour a, d'une part, annulé la décision fixant le pays de renvoi en ce qu'elle rendait possible l'éloignement de M. D...à destination d'un pays différent du pays de renvoi de son épouse, d'autre part, annulé l'arrêté du 12 août 2016 portant assignation à résidence, et enfin rejeté le surplus des demandes de M.D.... Le préfet de l'Ariège relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé partiellement ses décisions. Par la voie de l'appel incident, M. D... demande à la cour d'annuler le même jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la mesure l'obligeant à quitter le territoire français.

Sur l'appel incident de M.D... :

2. Aux termes de l'article 3.1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit: (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans Les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. M. D...fait valoir qu'il est entré en France pour la dernière fois en juin 2015, accompagné de son épouse, que leur fils A...est né sur le territoire français le 28 juillet 2015, que la soeur de son épouse réside régulièrement en France, qu'il est parfaitement inséré dans la société française et qu'il dispose d'une promesse d'embauche. Cependant, l'épouse du requérant étant elle-même en situation irrégulière, et compte tenu du jeune âge de leur fils, il n'est fait état d'aucun obstacle avéré à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France. De plus, si le requérant justifie de ses efforts d'intégration en France, il n'établit pas ni même n'allègue être dépourvu de liens privés et familiaux en Géorgie, où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, le refus de séjour pris à son encontre ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris, et n'a pas davantage méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, en se bornant à faire état de sa situation familiale telle que susdécrite, le requérant n'établit pas davantage que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour pour des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels. Enfin, le moyen tiré de ce que le refus de séjour contenu dans l'arrêté du préfet de l'Ariège du 30 juin 2016 est entaché d'une erreur de fait n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de séjour pris l'encontre de M. D..., ne peut qu'être écarté.

4. Pour les motifs exposés au point 3, les moyens tirés de la méconnaissance, par la décision obligeant M. D...à quitter le territoire français, des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés.

5. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté du préfet de l'Ariège du 30 juin 2016.

Sur l'appel principal du préfet de l'Ariège :

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

6. La décision fixant le pays de renvoi de M. D...du 30 juin 2016 prévoit qu'il pourra être éloigné d'office à destination du pays dont il a la nationalité, la Géorgie, ou de tout autre pays pour lequel il établirait être légalement admissible. La décision du même jour fixant le pays de renvoi de MmeB..., son épouse, de nationalité russe, prévoit que l'intéressée pourra être éloignée à destination de la Géorgie ou de tout autre pays pour lequel elle établirait être légalement admissible. Chacune de ces décisions, lesquelles, contrairement à ce qui est soutenu par le préfet, ne limitent pas l'éloignement des intéressés vers le pays où leur conjoint ainsi que leur fils, A..., né le 26 juillet 2015, sont légalement admissibles, permettent de renvoyer les époux dans un pays différent, ce qui aurait nécessairement pour effet, même provisoirement, de les séparer et de séparer le jeune A...de l'un de ses parents. Pour ce motif, ainsi que l'a jugé le tribunal qui ne s'est pas mépris sur la portée de cette décision, la décision fixant le pays de destination de M. D...méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

7. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. ". Aux termes de l'article L. 551-1 du même code : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date d'édiction des arrêtés du 12 août 2016 décidant l'assignation à résidence de M. D...et de son épouse, aucune diligence n'avait été accomplie afin de s'assurer de l'admissibilité des époux et de leur fils dans un même pays. Si le préfet de l'Ariège fait valoir que les autorités géorgiennes ont donné, dès le 25 août 2016, leur accord pour admettre sur leur territoire Mme B...et le jeuneA..., cet élément est toutefois postérieur à la date d'édiction de l'arrêté en litige d'assignation à résidence à laquelle il convient de se placer. Or, à cette date, compte tenu de ce que Mme B...est de nationalité russe, et eu égard aux doutes sur la nationalité du jeuneA..., né sur le territoire français, leur admission sur le territoire géorgien était incertaine. Dans ces conditions particulières, l'exécution des mesures d'éloignement, laquelle devait, ainsi qu'il a été dit, se faire à destination du même pays pour les deux époux et leur enfant afin de préserver l'unité de la cellule familiale, n'était pas une perspective raisonnable au sens de l'article L. 561-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Ariège n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision fixant le pays de renvoi de M. D...en ce qu'elle rendait possible son éloignement à destination d'un pays différent du pays de renvoi de son épouse, ainsi que l'arrêté du 12 août 2016 portant assignation à résidence de M. D....

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros à verser à Me Kosseva-Venzal, avocat de M.D..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Ariège et l'appel incident de M. D...sont rejetés.

Article 2 : L'Etat versera à Me Kosseva-Venzal, avocat de M.D..., une somme de 800 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

5

N° 16BX03153


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03153
Date de la décision : 31/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUGET L.
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : KOSSEVA-VENZAL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-01-31;16bx03153 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award