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12/07/2016 | FRANCE | N°16BX00926

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 12 juillet 2016, 16BX00926


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2015, M. et MmeB..., représentés par Me Guillermou, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Limoges :

1°) d'ordonner une expertise sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative afin de compléter l'expertise ordonnée par le tribunal le 16 avril 2015 ;

2°) à titre principal, de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Limoges et son assureur, la société hospitalière d'assurance

s mutuelles, à verser à M. B...la somme de 2 000 000 d'euros à titre de provision et la so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2015, M. et MmeB..., représentés par Me Guillermou, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Limoges :

1°) d'ordonner une expertise sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative afin de compléter l'expertise ordonnée par le tribunal le 16 avril 2015 ;

2°) à titre principal, de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Limoges et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles, à verser à M. B...la somme de 2 000 000 d'euros à titre de provision et la somme provisionnelle de 30 000 euros à MmeB... ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Limoges et son assureur, la somme de 2 500 euros à verser à M. B...et la somme de 700 euros à verser à

Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) à verser à

M. B...la somme de 2 000 000 d'euros à titre de provision et la somme provisionnelle de 30 000 euros à MmeB... ;

5°) de mettre à la charge de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 2 500 euros à verser à

M. B...et la somme de 700 euros à verser à Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance n° 1501746 du 1er mars 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M. et MmeB....

Procédure devant la Cour :

Par requête enregistrée le 16 mars 2016 et un mémoire enregistré le 23 mai 2016, Mme C... B..., agissant tant en qualité d'ayant droit de son mari, M. A...B...décédé le 3 décembre 2015, qu'en son nom personnel, représentée par Me Guillermou, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1501746 du 1er mars 2016 ;

2°) sur la demande d'expertise complémentaire, à titre principal, d'ordonner un complément d'expertise sur pièces du dossier médical de M. B...et de désigner le professeur Géraud avec mission de compléter son rapport d'expertise du 11 juillet 2015 aux fins de résoudre la contradiction qui existe dans son rapport quant à l'aggravation visuelle et de décrire les séquelles consécutives au diabète insipide et à l'aggravation visuelle en lien direct, certain et exclusif avec l'intervention chirurgicale, à titre subsidiaire, d'ordonner un complément d'expertise avec une mission confiée à un collège d'experts, dont le professeur Géraud, ayant pour objet de résoudre les divergences entre les conclusions des rapports d'expertise, les contradictions et insuffisances inhérentes au rapport du professeur Géraud et la question relative à la cause du décès de M. B...;

3°) sur les demandes de provision, à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Limoges, solidairement avec son assureur, la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à verser à MmeB..., en sa qualité d'ayant droit de son mari décédé, une somme de 300 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis par M. B...résultant des lésions ischémique hypothalamiques et thalamiques et en sa qualité de victime par ricochet, une somme de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis par elle du fait de ces mêmes lésions ischémiques hypothalamiques et thalamiques, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infection nosocomiales (ONIAM) le versement à MmeB..., en sa qualité d'ayant droit de son mari décédé, une somme de 300 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis par M. B... résultant des lésions ischémiques hypothalamiques et thalamiques et en sa qualité de victime par ricochet, une somme de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis par elle du fait de ces mêmes lésions ischémiques hypothalamiques et thalamiques, en tout état de cause, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à Mme B... d'une somme de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis par M. B...résultant du diabète insipide et de l'aggravation des troubles visuels ;

4°) mettre à la charge solidairement de l'ONIAM, du centre hospitalier universitaire de Limoges et de la société hospitalière d'assurances mutuelles, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance.

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Vu les autres pièces du dossier et notamment celles d'où il résulte que la requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze et à la mutuelle nationale territoriale qui n'ont pas produit.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 28 décembre 2015, le président de la cour a désigné M. Péano, président de chambre, comme juge des référés et de tout recours présenté sur le fondement des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...B..., adjoint technique territorial de deuxième classe exerçant des fonctions de chauffeur de poids lourds, a été confronté à un trouble progressif de son champ visuel. Il a été opéré le 15 avril 2013 au centre hospitalier universitaire de Limoges afin de procéder à l'exérèse d'une tumeur installée au niveau de la selle turcique. A la suite de cette intervention, un scanner a mis en évidence des lésions ischémiques hypothalamiques et thalamiques et M. B...a souffert d'un diabète insipide et d'une aggravation de ses troubles visuels.

2. M. B...a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) de Bordeaux. Celle-ci a désigné en qualité d'expert un neurochirurgien qui a remis son rapport le 18 août 2014. Le 28 janvier 2015, M. B...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Limoges d'une demande d'expertise. Après la remise le 11 juillet 2015 du rapport du professeur Géraud, expert désigné par le juge des référés, M. et Mme B...ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Limoges d'une demande tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise et à titre principal, à la condamnation solidaire du centre hospitalier universitaire de Limoges et de son assureur la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infection nosocomiales (ONIAM), à verser à M. B...une provision de 2 000 000 d'euros et à Mme B...une provision de 30 000 euros. M. B...est décédé le 3 décembre 2015. Par ordonnance n° 1501746 du 1er mars 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M.et MmeB.... Celle-ci, agissant tant en qualité d'ayant droit de son mari décédé qu'en son nom personnel, relève appel de l'ordonnance du 1er mars 2016.

Sur l'expertise :

3. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure d'expertise ou d'instruction ". Il appartient, pour l'application de ces dispositions, au juge des référés saisi d'une demande d'expertise de rechercher si la mesure sollicitée peut être utile à la solution d'un éventuel litige. Dans l'hypothèse où une telle expertise a déjà été ordonnée et que le juge des référés se trouve saisi d'une nouvelle demande portant sur le même objet, cette recherche porte sur l'utilité qu'il y aurait à compléter ou étendre les missions faisant l'objet de la première expertise. Si la nouvelle demande a en réalité pour objet de contester la manière dont l'expert a rempli sa mission ou les conclusions de son rapport, elle relève du tribunal administratif saisi du fond du litige, à qui il reste loisible d'ordonner, s'il l'estime nécessaire, toute mesure d'instruction.

4. En l'espèce, ainsi qu'il a été exposé, deux expertises contradictoires ont déjà été ordonnées, l'une par la CCI, l'autre par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges. Les deux experts ont eu à leur disposition l'intégralité du dossier médical du patient et se sont prononcés tant sur le bien-fondé de l'indication opératoire, que sur la qualité du geste chirurgical et l'origine des troubles subis par M.B.... Ils se sont également prononcés sur l'information reçue par M.B..., sur l'existence d'une éventuelle infection nosocomiale, sur les causes des complications survenues à l'issue de l'intervention, sur la nature et l'étendue des préjudices subis par les consorts B...à la date de la remise de leurs rapports. Il n'est ni établi ni même allégué qu'ils auraient refusé ou omis de répondre à une des questions qui leur étaient posées. Ce faisant, les deux experts ont rempli l'ensemble des missions qui leur avaient été imparties, mettant ainsi le juge du fond, s'il est saisi d'une demande d'indemnisation, en mesure de se prononcer sur les droits des consortsB....

5. Pour demander une nouvelle expertise, Mme B...fait valoir que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges n'a pas chiffré les préjudices subis par son mari en relation avec le diabète insipide et l'aggravation des troubles visuels, rendant ainsi difficile l'évaluation précise des préjudices consécutifs à ces séquelles, que son rapport comporte une contradiction à lever quant à l'imputabilité de l'aggravation des troubles visuels à une perte de chance ou à un manquement de l'établissement et que les divergences entre les deux experts quant au débiteur des indemnités doivent être éclaircies. Toutefois la seule circonstance que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges n'a pas chiffré les préjudices subis par M. B...en relation avec le diabète insipide et l'aggravation des troubles visuels ne constitue pas un élément nouveau dont les experts n'auraient pas eu connaissance et permettant de remettre en cause leurs appréciation, de nature à rendre utile une nouvelle expertise, voire à compléter ou étendre les missions faisant l'objet des expertises déjà réalisées. De même, l'allégation selon laquelle les deux rapports révèleraient des divergences quant à la désignation des débiteurs éventuels et le rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges comporterait une contradiction quant à l'imputabilité de l'aggravation des troubles visuels à une perte de chance ou à un manquement de l'établissement constituent une contestation des conclusions des experts, qui relève de la seule compétence du tribunal administratif éventuellement saisi du fond du litige, à qui il reste loisible d'ordonner, s'il l'estime nécessaire, toute nouvelle mesure d'instruction.

6. En revanche, alors même que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a daté la consolidation au jour de l'expertise le 19 juin 2015, il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de M. B...s'est rapidement aggravé ensuite nécessitant une nouvelle hospitalisation du 26 juin 2015 au 8 juillet 2015 au centre hospitalier de Tulle avant la survenue de son décès le 3 décembre 2015. Ces complications que les experts n'ont pu connaître et déterminer si elles étaient dans la continuité de celles qui s'étaient manifestées avant la consolidation fixée au 19 juin 2015 constituent des éléments nouveaux qui permettent de regarder l'expertise que demande Mme B...sur ce point comme présentant le caractère d'utilité requis par les dispositions susrappelées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dès lors, d'y faire droit et de fixer la mission de l'expert comme il est dit aux articles 3 et suivants de la présente ordonnance.

Sur la provision :

7. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à établir l'existence et l'étendue de cette obligation avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

8. En l'espèce, ainsi qu'il a déjà été dit au point 1, à la suite de l'opération qu'il a subie le 15 avril 2013 au centre hospitalier universitaire de Limoges afin de procéder à l'exérèse d'une tumeur installée au niveau de la selle turcique, M. B...a souffert d'un diabète insipide et d'une aggravation de ses troubles visuels et un scanner a mis en évidence des lésions ischémiques hypothalamiques et thalamiques. Dans le dernier état des écrits, Mme B...demande à titre principal, de condamner, le centre hospitalier universitaire de Limoges, solidairement avec son assureur, la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à lui verser, d'une part, en sa qualité d'ayant droit de son époux décédé, une somme de 300 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis par lui résultant des lésions ischémiques hypothalamiques et thalamiques, d'autre part, en son nom personnel, en sa qualité de victime par ricochet, une somme de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis par elle du fait de ces mêmes lésions, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infection nosocomiales (ONIAM) le versement à MmeB..., en sa qualité d'ayant droit de son époux décédé, une somme de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis par lui résultant du diabète insipide et de l'aggravation des troubles visuels, constitutifs de la réalisation d'un aléa thérapeutique ;

En ce qui concerne le diabète insipide et l'aggravation des troubles visuels :

9. En dépit des divergences existantes entre les rapports des deux expertises déjà ordonnées, l'une par la CCI, l'autre par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges quant au débiteur des indemnisations dues, en l'état de l'instruction, il existe sur la question du diabète insipide et de l'aggravation des troubles visuels une concordance des experts pour considérer que ces séquelles survenues après l'intervention chirurgicale du 15 avril 2013 sont à rattacher à un aléa thérapeutique. Pour être indemnisables par l'ONIAM, les préjudices en résultant doivent avoir eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci.

10. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'aucune obligation non sérieusement contestable qui, seule, autorise le juge des référés à ordonner le versement d'une provision ne peut être mise à la charge du centre hospitalier, en l'absence de faute établie concernant la réparation des préjudices résultant du diabète insipide et l'aggravation des troubles visuels .

11. En second lieu, M. B...présentait, avant l'intervention chirurgicale du 15 avril 2013, d'importants troubles visuels qui l'avaient conduit à consulter son ophtalmologue puis à réaliser une IRM ayant mis en évidence l'existence d'un méningiome, tumeur connue pour avoir un processus de développement lent mais inéluctable. Compte tenu de l'évolution de cette tumeur, l'absence de prise en charge chirurgicale de M. B...aurait, à terme, conduit à l'aggravation de ces troubles visuels préexistants à l`intervention et pu entraîner l'apparition d'un diabète insipide. L'intervention chirurgicale du 15 avril 2013 n'a donc pas entraîné de conséquences notablement plus graves que les complications neurologiques auxquelles M. B... aurait été exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, en l'absence de conséquences anormales au regard de l'état du patient comme de l'évolution prévisible de celui-ci, aucune obligation non sérieusement contestable ne peut être mise à la charge de l'ONIAM concernant la réparation des préjudices résultant des séquelles constituées par le diabète insipide et l'aggravation des troubles visuels alors même que ces séquelles résulteraient d'un aléa thérapeutique.

En ce qui concerne les lésions ischémiques hypothalamiques et thalamiques :

12. En l'état de l'instruction, il n'est fait état d'aucun élément permettant de remettre en cause les conclusions de l'expertise déjà ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges reprochant au centre hospitalier universitaire une imprudence fautive dans la conduite de l'intervention chirurgicale du 15 avril 2013 dont il n'est pas davantage sérieusement contesté qu'elle est à l'origine des lésions ischémiques hypothalamiques et thalamiques. Dans ces conditions, c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a considéré qu'il existait une contestation sérieuse quant à l'obligation qui pèse sur le centre hospitalier universitaire de Limoges d'indemniser les préjudices causés par les lésions ischémiques hypothalamiques et thalamiques subies par M.B..., faisant obstacle à l'allocation d'une provision à son épouse.

13. S'agissant des préjudices patrimoniaux de M.B..., au titre des séquelles indemnisables, l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a reconnu la nécessité d'une assistance par une tierce personne, 24 heures par jour. Compte tenu du coût réel de l'emploi d'une tierce personne, qui ne peut être inférieur au salaire minimum augmenté des charges sociales et qui ne saurait être réduit du fait de l'assistance familiale, et de la période de 762 jours au cours de laquelle M. B...revenu à domicile à compter du 7 septembre 2013 a eu recours, en dehors des périodes d'hospitalisation, à l'assistance d'une tierce personne, ainsi que du fait que Mme B...a dû démissionner de ses emplois en qualité d'employée de maison et d'assistance de vie afin de s'occuper de son époux, celle-ci est fondée, en sa qualité d'ayant droit de M.B..., à obtenir à ce titre une somme de 297 390 euros.

14. S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux subis par M. B...jusqu'à la date de consolidation fixée au 19 juin 2015, l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a retenu une période d'incapacité temporaire totale du fait de l'hospitalisation complète de M. B...d'une durée de six mois et trois semaines ouvrant droit, sur la base d'un minimum non contesté de 300 euros par mois, à une somme provisionnelle de 2 025 euros. L'expert a également retenu que M. B...a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe IV de l'ordre de 85 % pendant 596 jours du 6 septembre 2013, date du retour à domicile au 19 juin 2015, date de la consolidation, hors périodes d'hospitalisation, soit du 7 septembre 2013 au 9 février 2015 (518 jours), du 10 mars 2015 au 19 avril 2015 (41 jours), du 28 avril 2015 au 10 mai 2015 (13 jours), du 19 mai 2015 au 7 juin 2015 (20 jours), puis à compter du 16 juin 2015 jusqu'à la date de consolidation, le 19 juin 2015 (4 jours). L'indemnisation due à ce titre doit être évaluée, sur la base d'un minimum non contesté de 300 euros par mois, à une somme provisionnelle de 4 983 euros. Ainsi Mme B...est fondée à obtenir en sa qualité d'ayant droit de son époux décédé une somme provisionnelle d'au moins 7 000 euros au titre de ces préjudices. Il résulte également du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges que les lésions ischémiques hypothalamiques et thalamiques ont causé à M. B...des souffrances importantes évaluées à cinq sur une échelle de sept ainsi qu'un préjudice esthétique du fait de l'altération de son apparence et de troubles du comportement empêchant toute socialisation, chiffré à quatre sur une échelle de sept. Ainsi il sera fait une juste appréciation de ces préjudices qui, en l'état de l'instruction, présentent un caractère certain en allouant une somme provisionnelle de 5 000 euros à ce titre à Mme B...en sa qualité d'ayant droit de son époux décédé.

15. Enfin, il n'est pas sérieusement contestable que Mme B...qui, ainsi qu'il a déjà été dit, a démissionné de ses emplois pour s'occuper de son époux a subi jusqu'à la date de consolidation fixée au 19 juin 2015 des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence dont la réparation peut être évaluée à 15 000 euros alors même que les causes du décès de son époux ne sont pas connues à ce jour.

16. Ainsi compte tenu des préjudices d'ores et déjà certains, il y a lieu de fixer, en application des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à hauteur de 324 390 euros, le montant de la somme que le centre hospitalier universitaire de Limoges devra verser à Mme B...à titre de provision à valoir sur l'ensemble des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale du 15 avril 2013.

Sur les frais de procès :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Limoges, au profit de MmeB..., une somme de 2 400 euros au titre de la présente instance sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de cette instance, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

ORDONNE

Article 1er : L'ordonnance n° 1501746 du 1er mars 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Limoges est annulée.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Limoges est condamné à verser à Mme B...la somme de 324 390 euros à titre de provision à valoir sur l'ensemble des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale du 15 avril 2013.

Article 3 : Le professeur Gilles Géraud, demeurant ... est désigné en qualité d'expert. En complément de son rapport remis le 11 juillet 2015, il aura pour mission de :

- se faire communiquer l'entier dossier médical relatif aux soins prodigués à M. B... au sein du centre hospitalier universitaire de Limoges préalablement à son décès survenu le 3 décembre 2015 ; convoquer tous sachants ;

- se prononcer sur les origines du décès de M.B..., en distinguant, le cas échéant, celles dont la cause ne serait pas imputable ;

- indiquer si le manquement éventuellement constaté lors de son hospitalisation au centre hospitalier universitaire de Limoges a fait perdre à M. B...une chance d'éviter le dommage survenu ; chiffrer la perte de chance (pourcentage ou coefficient) ;

- déterminer le contenu et l'étendue de l'information délivrée au patient sur les risques des actes médicaux subis de telle sorte que, pour le cas où un défaut d'information serait relevé, ce manquement puisse être apprécié au regard de l'obligation qui pesait sur les praticiens hospitaliers au moment des faits litigieux ;

- d'une façon générale, faire toutes autres constatations susceptibles de permettre à la juridiction qui sera éventuellement saisie au fond de se prononcer sur les responsabilités encourues et les préjudices subis du fait du décès de M.B..., en particulier pour les ayants-droits.

Article 4 : L'expert, pour l'accomplissement de sa mission, se fera communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de M. B... et notamment tous documents relatifs aux examens, soins et interventions pratiqués sur l'intéressé au cours de son hospitalisation ; il pourra entendre tout responsable et membre du personnel du service hospitalier ayant prescrit ou donné des soins à l'intéressé.

Article 5 : L'expert accomplira la mission définie à l'article 1er dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il pourra, au besoin, se faire assister par un sapiteur préalablement désigné par le juge des référés.

Article 6 : La caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze, la mutuelle nationale territoriale et l'ONIAM seront, en tant que de besoin, associés aux opérations d'expertise.

Article 7 : Les frais et honoraires dus à l'expert seront taxés ultérieurement par le président de la cour conformément aux dispositions de l'article R. 621-13 du code de justice administrative. L'expert peut demander au président de la juridiction une allocation provisionnelle à valoir sur le montant de ses honoraires et débours. Cette demande peut intervenir en cours d'expertise.

Article 8 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires avant le 1er décembre 2016, accompagné de l'état de ses vacations, frais et débours. Il en notifiera copie aux personnes intéressées, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord desdites parties, à laquelle il joindra copie de l'état de ses vacations, frais et débours.

Article 9 : Le centre hospitalier universitaire de Limoges versera à Mme B...une somme de 2 400 euros au titre des frais de procès non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 10 : Le surplus des conclusions de la requête et des parties est rejeté.

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N° 16BX00926


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 16BX00926
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé tendant au prononcé d'une mesure d'expertise ou d'instruction - Conditions.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL PROXIMA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-12;16bx00926 ?
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