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31/05/2016 | FRANCE | N°15BX01638

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 31 mai 2016, 15BX01638


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...Pradayrol a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :

- d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de La Teste-de-Buch du 13 septembre 2011 approuvant l'attribution d'un contrat de partenariat pour le financement, la conception, la réalisation, l'entretien et la maintenance d'un nouvel hôtel de ville à la société Auxifip, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé le 9 novembre 2011 ;

- d'enjoindre à la commune de La Teste-de-Buch de prendre tout

e mesure utile pour mettre fin au contrat de partenariat, et, à défaut d'accord amiab...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...Pradayrol a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :

- d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de La Teste-de-Buch du 13 septembre 2011 approuvant l'attribution d'un contrat de partenariat pour le financement, la conception, la réalisation, l'entretien et la maintenance d'un nouvel hôtel de ville à la société Auxifip, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé le 9 novembre 2011 ;

- d'enjoindre à la commune de La Teste-de-Buch de prendre toute mesure utile pour mettre fin au contrat de partenariat, et, à défaut d'accord amiable, de saisir le juge du contrat afin qu'il constate la nullité de la convention.

Par un jugement n° 1200804 du 18 mars 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions litigieuses et enjoint au maire de la commune de La Teste-de-Buch de résilier, à compter du 1er octobre 2015, le contrat de partenariat conclu avec la société Auxifip.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 mai et le 30 décembre 2015, la commune de La Teste-de-Buch, représentée par la SELARL Cabinet GB2A, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 février 2015 ;

2°) à titre subsidiaire, de décider la poursuite des relations contractuelles ;

3°) de mettre à la charge de M. Pradayrol la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ;

- le code général des collectivités territoriales

- le code des marchés publics ;

- l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Mauny ;

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public ;

- les observations de MeB..., représentant la commune de La Teste-de-Buch et les observations de MeC..., représentant M. Pradayrol.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 22 avril 2010, le conseil municipal de La Teste-de-Buch a approuvé le recours à un contrat de partenariat pour le financement, la conception, la réalisation, l'entretien et la maintenance d'un nouvel hôtel de ville, cette opération comprenant également la conception et l'aménagement d'un parvis et la valorisation foncière des îlots Gambetta et Jean Jaurès. Au terme d'une procédure de dialogue compétitif, le conseil municipal a approuvé, par une délibération du 13 septembre 2011, l'attribution du contrat à la société Auxifip et a autorisé le maire à signer ledit contrat. Par une requête enregistrée le 5 mai 2012, M. Pradayrol, conseiller municipal, a demandé l'annulation de cette délibération, ainsi que celle de la décision du maire du 18 janvier 2012 ayant rejeté son recours gracieux dirigé contre cette décision. Par un jugement du 18 mars 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de M. Pradayrol au motif que la commune avait eu recours, à tort, à la procédure du dialogue compétitif, et a enjoint à cette dernière de procéder à la résiliation du contrat litigieux à compter du 1er octobre 2015. La commune de La Teste-de-Buch relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 1414-5 du code général des collectivités territoriales : " Les contrats de partenariat peuvent être passés selon les procédures du dialogue compétitif de l'appel d'offres ou selon une procédure négociée. / Si, compte tenu de la complexité du projet et quel que soit le critère d'éligibilité retenu en application de l'article L. 1414-2 pour fonder le recours au contrat de partenariat, la personne publique est objectivement dans l'impossibilité de définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet, elle peut recourir au dialogue compétitif dans les conditions prévues à l'article L. 1414-7. Elle indique le choix de la procédure dans l'avis de publicité. / Si tel n'est pas le cas, elle indique que les candidats admis présenteront une offre selon la procédure d'appel d'offres prévue à l'article L. 1414-8 ou selon la procédure négociée prévue à l'article L. 1414-8-1. ".

3. Le contrat de partenariat constitue une dérogation au droit commun de la commande publique, réservée aux seules situations répondant aux motifs d'intérêt général qui y sont définis, au nombre desquels la complexité du projet envisagé. Qu'il s'agisse de recourir à un contrat de partenariat en vertu de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales, ou de recourir à la procédure de dialogue simplifié prévue à l'article L. 1414-5 du même code, la condition de la complexité est regardée comme remplie notamment lorsque celle-ci met objectivement la personne publique dans l'impossibilité de définir, seule et à l'avance, les moyens techniques répondant à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet propre à permettre la réalisation de ce projet. Pour apprécier la capacité objective de la personne publique à définir seule et à l'avance les moyens techniques permettant de répondre à ses besoins et, par suite, pour déterminer si la complexité technique du projet justifie légalement le recours au contrat de partenariat ou à la procédure du dialogue compétitif, il n'y a pas lieu de tenir compte des études postérieures au lancement de la procédure de passation du contrat que cette personne publique serait en mesure de confier à un tiers, soit dans le cadre du contrat de partenariat qu'elle envisage de conclure, soit au titre d'un contrat distinct. En revanche, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des études, même réalisées par des tiers, dont la personne publique dispose déjà à la date à laquelle elle décide de recourir au contrat de partenariat.

4. Pour justifier la passation du contrat de partenariat en litige selon la procédure du dialogue compétitif, la commune de La Teste-de-Buch se prévaut, en appel, de la complexité de son projet. Elle soutient que le tribunal administratif s'est mépris en jugeant que le conseil municipal avait défini avec précision les moyens techniques permettant de répondre à ses besoins s'agissant de la construction de l'hôtel de ville alors qu'en réalité, elle avait simplement établi un programme fonctionnel en vue d'engager une discussion avec les candidats sur les moyens de satisfaire ses besoins, d'une part et que les conditions d'exploitation et de maintenance ainsi que les modalités de mesure des performances énergétiques et l'aménagement des espaces extérieurs et des parcelles à valoriser n'avaient pas été déterminés, d'autre part. Elle ajoute que le bâtiment de l'hôtel de ville, qui était un bâtiment basse consommation et de haute qualité environnementale, était d'une particulière complexité au regard de ses enjeux en matière de conception et de consommation et qu'il était en outre précurseur d'autres projets dont la complexité a été reconnue. Enfin, la faiblesse de ses moyens, notamment en personnels, ne lui aurait pas permis de mener à bien ce projet.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'évaluation antérieur à la date à laquelle elle a décidé de recourir au contrat de partenariat, que la commune avait, même s'il ne s'agissait pas d'avant-projets, précisément défini ses besoins s'agissant de l'hôtel de ville, dont le bâtiment, en dépit des objectifs fixés en matière de consommation énergétique et d'impact environnemental, ne présentait pas de complexité technique particulière ni de caractère particulièrement novateur, ainsi que l'a justement estimé le tribunal administratif. Les circonstances que les conditions de maintenance et d'exploitation du bâtiment ainsi que les modalités de mesure des performances énergétiques n'étaient pas définies à la date à laquelle le recours a un contrat de partenariat a été décidé, que plusieurs aspects du projet, notamment financiers, ont été précisés lors du dialogue compétitif et que la mission d'appui aux partenariats public-privé a estimé que ce projet était particulièrement complexe au sens de l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, ne sont pas de nature à établir une complexité justifiant le recours à la procédure du dialogue compétitif. Si le projet de la commune était en revanche moins précis s'agissant de la valorisation de deux espaces proches de la mairie, et pouvait impliquer un plus grand nombre de corps de métier, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune, qui avait fixé les orientations principales de son projet d'aménagement, notamment s'agissant de la voirie publique, aurait été dans l'impossibilité de définir, seule et à l'avance, les moyens techniques propres à satisfaire ses besoins. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que ses moyens en personnels ne lui permettaient pas d'assurer le suivi et la maintenance d'un tel projet, quand bien même la directive 2004/18/CE susvisée aurait une approche extensive de la notion de complexité. Ainsi, la commune de La Teste-de-Buch n'est pas fondée à soutenir que le projet en litige, qui a fondé le recours à un contrat de partenariat, était d'une complexité telle qu'elle pouvait légalement recourir à la procédure du dialogue compétitif prévue à l'article L. 1414-5 du code général des collectivités territoriales.

6. Par ailleurs, après avoir relevé que " le projet envisagé par la ville de La Teste-de-Buch est certes réalisable en marché public et passation de baux et cession de terrain ", le rapport d'évaluation précise que les formules contractuelles plus classiques qu'un contrat de partenariat sont seulement " moins favorables " que ce dernier. Ainsi, il ne ressort ni de ce document ni des autres pièces du dossier que les formules contractuelles plus classiques empêchaient la réalisation de cette opération d'aménagement et que cette dernière impliquait nécessairement le recours à la procédure du dialogue compétitif.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Teste-de-Buch n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas objectivement en mesure, compte tenu de la complexité du projet en litige, de définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins, ni par suite que la complexité de son projet d'aménagement justifiait qu'elle ait recours au dialogue compétitif dans les conditions posées par l'article L. 1414-5 du code général des collectivités territoriales.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de La Teste-de-Buch n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la délibération du 13 septembre 2011 par laquelle le conseil municipal a attribué le contrat de partenariat à la société Auxifip, ainsi que la décision du 18 janvier 2012 du maire portant rejet du recours gracieux de M. Pradayrol.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. L'annulation d'un acte détachable d'un contrat n'implique pas nécessairement que le contrat en cause doive être annulé. Il appartient au juge de l'exécution, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, d'enjoindre à la personne publique de résilier le contrat, le cas échéant avec un effet différé, soit, eu égard à une illégalité d'une particulière gravité, d'inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d'entente sur cette résolution, à saisir le juge du contrat afin qu'il en règle les modalités s'il estime que la résolution peut être une solution appropriée.

10. Le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir relevé que le vice entachant la procédure de passation du contrat de partenariat avait affecté la légalité du choix de l'attributaire du contrat, a jugé que cette illégalité ne justifiait pas que soit recherchée une résolution du contrat, mais que, eu égard eu à sa gravité et en l'absence de régularisation possible, il devait être ordonné au maire de la commune de résilier le contrat à compter du 1er octobre 2015 afin que puissent être menées à bien les procédures légalement requises pour la passation des contrats.

11. Si la commune fait valoir que la résiliation du contrat de partenariat signé avec la société Auxifip aura des conséquences financières importantes, au regard des indemnités de résiliation prévues à l'article 35 du contrat et des coûts indirects liés à l'entretien des installations, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment de l'hôtel de ville a été mis à disposition de la commune en mars 2014, et, à la lecture d'un courrier du 10 avril 2015 de la société CFA Atlantique, que les travaux relatifs aux infrastructures d'une des parcelles n'avaient pas encore été engagés à cette date. Dans les circonstances de l'espèce, en faisant état du coût de la résiliation du contrat, qui a en partie pour objet le règlement des bâtiments construits, et au regard de l'état de réalisation de l'opération d'aménagement litigieuse, la commune ne justifie pas d'une atteinte excessive à l'intérêt général justifiant la réformation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. Pradayrol, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de La Teste-de-Buch sur ce fondement. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Teste-de-Buch la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. Pradayrol et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de la commune de La Teste-de-Buch est rejetée.

Article 2 : La commune de La Teste-de-Buch versera à M. Pradayrol la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 15BX01638


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX01638
Date de la décision : 31/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-01-03-05 Marchés et contrats administratifs. Notion de contrat administratif. Diverses sortes de contrats.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : CABINET NORAY - ESPEIG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-05-31;15bx01638 ?
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