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17/03/2016 | FRANCE | N°15BX01840

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 17 mars 2016, 15BX01840


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Loisirs de France Jeune a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 31 octobre 2012 par laquelle le maire de Saint-Georges d'Oléron a refusé d'abroger le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section EM 330, 410, 590 et 591 en zone Nt3.

Par un jugement n° 1202921 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision et a enjoint au maire de Saint-Georges d'Oléron de saisir le conseil municipal afin

d'abroger le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe ces parcelles en zon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Loisirs de France Jeune a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 31 octobre 2012 par laquelle le maire de Saint-Georges d'Oléron a refusé d'abroger le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section EM 330, 410, 590 et 591 en zone Nt3.

Par un jugement n° 1202921 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision et a enjoint au maire de Saint-Georges d'Oléron de saisir le conseil municipal afin d'abroger le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe ces parcelles en zone Nt3.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juin 2015 et le 15 octobre 2015, sous le numéro 15BX01840, la commune de Saint-Georges d'Oléron, prise en la personne de son maire, représentée par Me B...et Verger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 16 avril 2015 ;

2°) de rejeter la demande d'annulation présentée par l'association Loisirs de France Jeune ;

3°) de mettre à la charge de cette association la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

II°) Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juin 2015 et le 15 octobre 2015, sous le numéro 15BX01841, la commune de Saint-Georges d'Oléron, prise en la personne de son maire, représentée par Me B...et Verger, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1202921du tribunal administratif de Poitiers en date du 16 avril 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'association Loisirs de France Jeune la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- les observations de Me Puyt, avocat de la commune de St Georges d'Oléron et celles de Me Larrieu, avocat de l'association Loisirs de France Jeune ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association Loisirs de France Jeune (A...) est propriétaire d'un ensemble foncier situé 10 place du Puits Rabaine à Domino, sur le territoire de la commune de Saint-Georges d'Oléron, sur lequel se trouve une colonie de vacances désaffectée. Les parcelles composant cet ensemble étaient situées en zone " N ", sauf les parcelles cadastrées section EM 330, 410, 590 et 591, lesquelles étaient situées en zone " Uab " du plan d'occupation des sols de Saint-Georges d'Oléron. Alors que l'association A...envisageait de vendre cet ensemble, la commune de Saint-Georges d'Oléron a approuvé son plan local d'urbanisme le 30 avril 2009, lequel a classé les parcelles précédemment situées en zone " Uab " en zone " Nt3 " destinée à " geler " une affectation en colonie de vacances. Afin de réaliser cette vente, l'association A...a demandé à la commune de Saint-Georges d'Oléron de réviser le plan local d'urbanisme afin de revoir le classement de ces parcelles. Toutefois, en raison de l'avis défavorable émis par le commissaire enquêteur sur la réintégration proposée de l'ensemble des parcelles en zone Uaa, le conseil municipal de Saint-Georges d'Oléron a renoncé à la révision de son plan local d'urbanisme par une délibération en date du 31 mai 2012. A la suite du rejet de son recours gracieux dirigé contre cette délibération, l'association A...a demandé au maire de Saint-Georges d'Oléron d'abroger le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe les parcelles susmentionnées en zone " Nt3 ". Ce dernier a rejeté cette demande par une décision en date du 31 octobre 2012. A la demande de l'associationA..., le tribunal administratif de Poitiers a, par un jugement en date du 16 avril 2015, annulé cette décision et a enjoint au maire de Saint-Georges d'Oléron de saisir le conseil municipal afin d'abroger le plan local d'urbanisme en vigueur en tant qu'il classe en zone " Nt3 " les parcelles cadastrées section EM n° 330, 410, 590 et 591. Par deux requêtes, respectivement enregistrées sous les numéros 15BX01840 et 15BX01841, la commune de Saint-Georges d'Oléron relève appel de ce jugement en sollicitant son annulation et son sursis à exécution.

2. Les requêtes susvisées numéros 15BX01840 et 15BX01841 présentées par la commune de Saint-Georges d'Oléron sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité de la décision du 31 octobre 2012 :

3. Le jugement attaqué a annulé la décision du maire de Saint-Georges d'Oléron en date du 31 octobre 2012 pour erreur manifeste d'appréciation et pour méconnaissance de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme.

4. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. En zone N, peuvent seules être autorisées : -les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière ; -les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) ".

5. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 123-8, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

6. La circonstance que le terrain en cause a été classé en zone " Uab " par le plan d'occupation des sols en vigueur avant 2009 et qu'un certificat d'urbanisme a été délivré en 2008 reconnaissant que le terrain est desservi par la voirie, les réseaux d'eau potable, d'assainissement et d'électricité ne fait pas obstacle à ce que ce terrain puisse être classé pour l'avenir en zone naturelle au moment de l'élaboration du plan local d'urbanisme. Il ressort du rapport de présentation du plan local d'urbanisme que la commune de Saint-Georges d'Oléron a notamment choisi de maîtriser la fréquentation touristique en proposant " un zonage permettant de contenir l'urbanisation liée au tourisme dans des zones à la réglementation stricte (zones Nt) et garantir un retour à l'état naturel pour les secteurs où cesseront ces activités ". Ainsi, le règlement de la zone Nt3, qui concerne les colonies de vacances, n'autorise que la réhabilitation ou l'extension des bâtiments existants sans changement d'affectation.

7. Il ressort des pièces du dossier que si le terrain composé de l'ensemble des parcelles en cause, classées en zone " Nt3 " en 2009, jouxte sur trois de ses côtés des parcelles bâties situées en zone " Uaa " dans un secteur urbanisé, il est largement ouvert au nord sur une forêt. Si ce terrain supporte les huit bâtiments d'une ancienne colonie de vacances, ceux-ci sont à l'état d'abandon depuis plus de dix ans et leur emprise ne représente que moins d'un cinquième de la surface du terrain, resté pour le surplus à l'état naturel. En outre, si l'association conteste l'inclusion d'une partie du terrain comme espace boisé dans le périmètre de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, laquelle renvoie aux espaces boisés classés dans le plan local d'urbanisme, alors que celui-ci n'a nullement inscrit une telle protection sur ces parcelles, il n'est en revanche pas contesté que la forêt qui jouxte le terrain, elle-même située dans le prolongement de la forêt domaniale de Domino, est incluse dans le périmètre de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager. Dès lors, eu égard à son emplacement, dans le prolongement d'une vaste zone naturelle boisée dont une partie est classée en espace boisé à protéger, à son caractère d'espace naturel au sens de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme en dépit de la présence de bâtiments à l'abandon, et au parti d'aménagement retenu par le plan local d'urbanisme, qui n'a pas désigné ce secteur comme zone d'extension prioritaire pour l'habitat, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas entaché leur décision de classer le terrain en cause en zone " Nt3 " d'une erreur manifeste d'appréciation. Par voie de conséquence, le refus d'abroger ce classement n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a retenu la méconnaissance de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme et l'erreur manifeste d'appréciation pour annuler la décision du maire de Saint-Georges d'Oléron en date du 31 octobre 2012. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association A...devant le tribunal administratif de Poitiers.

9. Ainsi qu'énoncé au point 1, la décision en litige fait suite à l'abandon de la procédure de révision simplifiée n° 2 du plan local d'urbanisme, laquelle avait été initiée afin de modifier, à la demande de l'associationA..., le classement du terrain en cause pour en faciliter la vente, et envisageait directement un classement en zone " Uaa ". Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'enquête publique, que la révision simplifiée a été abandonnée à la suite de l'avis défavorable émis par le commissaire enquêteur et en raison des réserves émises par certaines des personnes publiques associées, qui s'inquiétaient d'un manque de maîtrise de la collectivité sur les modalités d'urbanisation du secteur, et recommandaient une évolution encadrée par des orientations d'aménagement. Si l'association A...soutient que le refus d'abroger le classement litigieux n'est fondé sur aucun motif d'urbanisme, il ressort au contraire de la motivation de la décision contestée qu'elle se fonde précisément sur des considérations liées au caractère naturel des terrains et aux exigences du schéma de cohérence territoriale du Pays Marennes Oléron, lequel impose, en l'absence d'orientations débattues et d'éléments figurant au projet d'aménagement et de développement durable des plans locaux d'urbanisme, de figer la situation des colonies de vacances afin notamment de " faire tomber la fièvre spéculative " . Dans ces conditions, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

10. Aux termes de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date d'approbation du plan local d'urbanisme de Saint-Georges d'Oléron : " (...) Les plans locaux d'urbanisme (...) doivent être compatibles avec les orientations des schémas de cohérence territoriale (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 dudit code dans sa rédaction alors en vigueur : " Les schémas de cohérence territoriale (...) présentent le projet d'aménagement et de développement durable retenu, qui fixe les objectifs des politiques publiques d'urbanisme en matière d'habitat (...) ".

11. Si l'association A...fait valoir que le projet d'aménagement et de développement durable du schéma de cohérence territoriale du Pays Marennes Oléron insiste sur la nécessité d'offrir un parc de logement suffisamment important, en raison notamment du fait que le tourisme est la principale ressource de l'île, et souligne que les bâtiments des colonies de vacances représentent " un potentiel important pour les communes en termes d'habitat, notamment pour des populations cibles ", de telles considérations ne sont pas de nature à démontrer une incompatibilité du classement en zone naturelle " Nt3 " des parcelles litigieuses, dont il n'est pas allégué qu'elles feraient l'objet d'un projet de réhabilitation des bâtiments existants à des fins de logement.

12. Aux termes de l'article L. 123-1du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Les plans locaux d'urbanisme (...) comportent un projet d'aménagement et de développement durable qui définit les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme retenues pour l'ensemble de la commune (...) ".

13. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision méconnaîtrait l'orientation n°l du projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme de Saint-Georges d'Oléron intitulée " Diversifier le tissu économique existant en attirant de nouveaux actifs, notamment les jeunes ménages, " ni l'orientation n°3 de ce même document intitulée " Améliorer le cadre de vie et assurer le bien-être des habitants ", dont la généralité n'emporte par elle-même aucune exigence précise en termes de classement de parcelles.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Georges d'Oléron est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du maire en date du 31 octobre 2012 refusant d'abroger le classement des parcelles litigieuses en zone " Nt3 " du plan local d'urbanisme et lui a enjoint, par voie de conséquence, de saisir le conseil municipal afin d'abroger le plan local d'urbanisme en vigueur en tant qu'il classe en zone " Nt3 " lesdites parcelles.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

15. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions de la commune de Saint-Georges d'Oléron, les conclusions de cette dernière tendant au sursis à exécution du jugement attaqué ont perdu leur objet.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

16. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association A...la somme que demande la commune de Saint-Georges d'Oléron au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par l'association A...soit mise à la charge de la commune de Saint-Georges d'Oléron, qui n'est pas la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1202921 du tribunal administratif de Poitiers en date du 16 avril 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association A...devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution présentées dans la requête numéro 15BX01841.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties dans les deux requêtes est rejeté.

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Nos 15BX01840, 15BX01841


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 15BX01840
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP DROUINEAU COSSET BACLE LE LAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-03-17;15bx01840 ?
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