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04/02/2016 | FRANCE | N°14BX01687

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 04 février 2016, 14BX01687


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Saica France a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2006 et d'ordonner le remboursement desdites impositions, assorties des intérêts moratoires, conformément aux dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1201256 du 8 avril 2014, le tribunal admini

stratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Saica France a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2006 et d'ordonner le remboursement desdites impositions, assorties des intérêts moratoires, conformément aux dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1201256 du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juin 2014 et un mémoire enregistré le 31 juillet 2015, la société Saica France représentée par Me A...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 avril 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'année 2006 ;

3°) d'ordonner le remboursement du complément d'impôt de 6 165 802 euros, assorti des intérêts moratoires, conformément aux dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marianne Pouget,

- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme Saica France (anciennement la SA La Rochette), société holding sise à Pessac, s'est déclarée, conformément aux articles 223A et suivants du code général des impôts, redevable de l'impôt sur les sociétés pour sa filiale à 100 %, la SAS Saica Vénizel (anciennement la SAS La Rochette Vénizel), qui a pour activité la fabrication de papier et cartonnage à Vénizel (Aisne). La société Saica France a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, notamment en matière d'impôt sur les sociétés, au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009, tandis qu'un contrôle sur pièces de sa filiale était réalisé au titre de l'exercice 2006. A l'issue des opérations de contrôle, le service a réintégré dans les résultats de la société Saica France et de la société Saica Vénizel des indemnités d'assurance, pour un montant respectif de 312 000 euros et 15 868 643,30 euros, versées à la suite de deux incendies survenus en mai et juin 2001 sur le site de fabrication de carton de Vénizel au motif que ces créances devaient être regardées comme acquises à la clôture de l'exercice 2006. Des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés, pour un montant total de 6 165 802 euros, ont été mis à la charge de la société Saica France. La société Saica France fait appel du jugement du 8 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement :

2. La société requérante soutient que le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de " la motivation erronée du chef de redressement " retenu par l'administration fiscale. Toutefois, il ressort des écritures de première instance de la société Saica France que si cette dernière mentionnait l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, elle n'entendait pas, en réalité, contester l'insuffisance de motivation des propositions de rectification du 30 novembre 2009 au sens de cet article mais remettait en cause le bien-fondé des motifs retenus par l'administration comme cela ressort clairement des pages 9 et 10 de la demande introductive d'instance. Les premiers juges ont répondu aux moyens portant sur le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, la requérante n'ayant pas soulevé effectivement un tel moyen d'irrégularité de la procédure d'imposition devant le tribunal administratif, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une omission à statuer sur ce point.

Sur le bien fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

4. Les propositions de rectification du 30 novembre 2009 mentionnent, de manière très détaillée, les motifs de droit et de fait ayant conduit l'administration à regarder comme devant être comptabilisées en produits et réintégrées dans les résultats de la société Saica France et de la société saica Vénizel au titre de leur exercice 2006, les indemnités d'assurance en litige. Elles indiquent aussi le régime d'imposition, expose les modalités de détermination du montant des sommes à réintégrer et précise le montant des redressements envisagés. Ainsi, les propositions de rectification litigieuses comportent les éléments de nature à permettre aux contribuables d'engager utilement un dialogue avec l'administration et sont, dès lors, suffisamment motivées au regard des exigences posées par les articles L. 57 et R. 57-1 précités du livre des procédures fiscales. Si la société requérante soutient que l'administration, en considérant que sa filiale et elle-même étaient respectivement titulaires, à la clôture de l'exercice 2006, de créances indemnitaires de 15 619 043 euros et de 249 600 euros, a commis une erreur de droit, cette circonstance, qui a trait au bien-fondé des motifs retenus par l'administration, est sans incidence à cet égard.

5. A la suite de deux incendies survenus en mai et juin 2001 sur le site de Vénizel, la société Saica France et la société Saica Vénizel ont actionné leur assureur, la SA AIG Europe afin d'être indemnisées. En vue de déterminer les causes du sinistre, le montant des dommages et les assureurs devant être appelés pour l'indemnisation, la société AIG Europe a présenté une demande d'expertise au tribunal de commerce de Soissons. Par ordonnance du 28 septembre 2001, le président de cette juridiction a ordonné une expertise et condamné la SA AIG Europe à verser à la société Saica France une provision de 2 515 408,70 euros. Par un rapport déposé le 29 avril 2006, les experts désignés par le président du tribunal de commerce de Soissons ont estimé que le montant des préjudices subis par la SAS Saica Vénizel correspondant aux dégâts matériels et aux pertes d'exploitation devait être fixé à 22 980 065 euros tandis que le préjudice subi par la société Saica France résultant de la perte de redevance sur le chiffre d'affaires de sa filiale devait être évalué à 312 000 euros. Par jugement avant dire droit du 13 octobre 2006, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Soissons a condamné la société de courtage en assurance Gras Savoye " à verser au groupe La Rochette la somme de 15 868 643,30 euros à titre de provision sur l'indemnité définitive du préjudice ", ce montant représentant 80 % du préjudice de la SAS Saica Vénizel évalué par les experts à 22 980 065 euros, sous déduction de la somme déjà acquittée par la SA AIG Europe. Les sociétés Saica France et Saica Vénizel ont demandé la rectification de ce jugement, qu'elles considéraient inexécutable du fait de la mention erronée du " Groupe La Rochette " comme bénéficiaire de la décision rendue, cette dénomination, selon elles, ne correspondant à aucune des personnes morales demanderesses. L'erreur a été rectifiée par un arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 18 octobre 2007. Enfin, par jugement du 10 avril 2009, le tribunal de commerce de Soissons, saisi de nouvelles demandes indemnitaires, a condamné, à titre définitif, la société Gras Savoye, à concurrence de 80 %, et la société AIG Europe, à concurrence de 20 %, à verser à la société Saica France la somme de 312 000 euros et à la société Saica Vénizel la somme de 22 980 065 euros diminuée des acomptes déjà perçus. La société Saica France persiste à contester que les créances en litige puissent être regardées comme ayant été acquises dès 2006.

6. Les créances nées au cours d'un exercice doivent, si elles sont acquises dans leur principe et leur montant, être prises en compte pour la détermination de la variation de l'actif net afférente audit exercice, alors même qu'elles n'auraient pas été recouvrées à la date de clôture de cet exercice.

7. Il résulte des termes de l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 18 octobre 2007 que, dans son jugement du 13 octobre 2006, le tribunal de commerce de Soissons " a utilisé indifféremment les appellations La Rochette ou Groupe La Rochette pour se référer aux sociétés demanderesses La Rochette Vénizel et Saica France, les associant par facilité d'écriture sous la même dénomination unique renvoyant clairement au groupe formé dans l'assignation et l'entête de la décision par les deux sociétés sans qu'aucune ambiguïté ne soit concevable pour un lecteur normalement attentif et qu'aucun doute ne subsiste sur les bénéficiaires de la provision ". La société requérante ne peut ainsi valablement soutenir que le principe même d'une créance détenue par sa filiale et elle-même n'aurait pas été acquis à la clôture de l'exercice 2006 en soutenant que le jugement du tribunal de commerce de Soissons en date du 13 octobre 2006 était inexécutable. Le jugement du tribunal de commerce de Soissons a fait naître une créance des sociétés sur les compagnies d'assurance, qui était, dès le 13 octobre 2006, certaine dans son principe alors même que la condamnation définitive des sociétés d'assurance n'est intervenue que par jugement du 10 avril 2009.

8. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'à la clôture de l'exercice 2006, la somme mise à la charge de la société d'assurances Gras Savoye à titre de provision par le jugement du tribunal de commerce de Soissons du 13 octobre 2006 n'englobait pas, même partiellement, la perte de redevance de la société Saica France sur le chiffre d'affaires de la SAS Saica Vénizel, évaluée par le rapport d'expertise à 312 000 euros. En effet, les sociétés d'assurance n'ont été condamnées à verser ladite indemnité à la société requérante que par un jugement postérieur du tribunal de commerce, en date du 10 avril 2009. Par suite, l'administration n'était pas fondée à réintégrer la somme de 312 000 euros dans les résultats de la société requérante au titre de l'exercice clos en 2006. Toutefois, le redressement de la somme de 312 000 euros dans les résultats de l'exercice clos en 2006 n'a entraîné l'établissement d'aucun complément d'impôt sur les sociétés à la charge de la société Saica France, son résultat net fiscal demeurant.négatif Par suite, la demande en décharge de la société requérante, dont la réclamation formée le 3 août 2011 ne tendait pas à la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire, ne peut qu'être rejetée.

9. Si la société Saica France soutient que les droits du Trésor public n'ont pas été lésés puisque, en contrepartie de la prise en compte de sa créance, chaque société avait la possibilité de constater une provision en rapport avec le risque de reversement impliqué par la poursuite du contentieux, l'absence de constitution d'une provision à la date de clôture d'un exercice relève d'une décision de gestion opposable à la société, sur laquelle cette dernière ne peut ensuite revenir rétroactivement pour compenser les rectifications dont elle a fait l'objet.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2006.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la société Saica France une somme correspondant aux frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de la SA Saica France est rejetée.

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N° 14BX01687


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX01687
Date de la décision : 04/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ULYSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-02-04;14bx01687 ?
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