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26/06/2014 | FRANCE | N°13BX03293

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 26 juin 2014, 13BX03293


Vu le recours, enregistré le 9 décembre 2013, présenté par le préfet de la Vienne ;

Le préfet de la Vienne demande à la cour d'annuler les dispositions des articles 2 et 3 du jugement n° 1303612 en date du 14 octobre 2013 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a annulé sa décision du 8 octobre 2013 portant placement en rétention administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers

et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridiq...

Vu le recours, enregistré le 9 décembre 2013, présenté par le préfet de la Vienne ;

Le préfet de la Vienne demande à la cour d'annuler les dispositions des articles 2 et 3 du jugement n° 1303612 en date du 14 octobre 2013 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a annulé sa décision du 8 octobre 2013 portant placement en rétention administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2014 :

-le rapport de Mme Michèle Richer, président ;

-et les conclusions de M. Nicolas Normand rapporteur public ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant turc, est entré régulièrement en France au mois de juin 2013, sous couvert d'un visa touristique délivré par les autorités grecques valable jusqu'au 23 août 2013 ; qu'à la suite d'un contrôle par les services de police dans le cadre d'une procédure de travail illégal au restaurant Le Sultan à Buxerolles, le préfet de la Vienne a pris à son encontre le 8 octobre 2013 un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi ainsi qu'une décision du même jour décidant du placement de l'intéressé en rétention administrative ; que, saisi d'une demande dirigée contre ces décisions, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a, par le jugement attaqué du 14 octobre 2013, d'une part, annulé la décision du 8 octobre 2013 ordonnant le placement de M. B...en rétention administrative, et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que le conseil de M. B... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B...dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi ; que le préfet de la Vienne relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé sa décision du 8 octobre 2013 portant placement en rétention administrative ;

Sur la légalité de la décision portant placement en rétention administrative du 8 octobre 2013 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. " ; qu'enfin, en vertu des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du même code, ce risque doit être notamment regardé comme établi, sauf circonstance particulière : " (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;

3. Considérant que pour placer M. B... en rétention administrative, le préfet a estimé qu'il ne présentait pas de garanties de représentation propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre le 8 octobre 2013 en dépit du passeport en cours de validité qu'il a présenté, dès lors, que contrôlé par les services de police de Poitiers dans le cadre d'une procédure de travail illégal, il ne justifie pas de ressources issues d'un travail légal et ne dispose pas d'une adresse personnelle ;

4. Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que M. B...est hébergé au domicile de ses employeurs de façon intermittente, il ne peut être regardé comme justifiant d'un hébergement stable ainsi que l'a estimé à tort le premier juge ; que M.B..., titulaire d'un passeport dont le visa était expiré depuis le 23 août 2013, ne dispose pas de ressources stables issues d'une activité exercée régulièrement en France dès lors qu'une nouvelle procédure d'autorisation de travail mise en oeuvre par ses employeurs était toujours en cours à la date de la décision attaquée ; qu'il a déclaré, lors de son interpellation, son intention de ne pas retourner dans son pays d'origine ; que la circonstance au demeurant postérieure que M. B...ait quitté la France le 19 décembre 2013 est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; que, par suite, dès lors qu'il n'existe pas de perspective raisonnable d'exécution volontaire de la mesure d'éloignement, le préfet de la Vienne est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que M. B... justifiait de garanties de représentation propres à prévenir un risque de fuite pour annuler, comme étant entachée d'erreur d'appréciation, sa décision ordonnant le placement en rétention de l'intéressé ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

6. Considérant, en premier lieu, que les arrêtés litigieux ont été signés par M. Yves Seguy, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Vienne en date du 12 juillet 2013, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs n° 40 du département de la Vienne du 15 juillet 2013, à l'effet de signer notamment l'ensemble des décisions prises sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des actes manque en fait ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a fait l'objet d'une obligation de quitter sans délai le territoire français en date du 8 octobre 2013 ; qu'il entre ainsi dans le cas prévu au 6° de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité qui permet au préfet de le placer en rétention administrative ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, il ne peut pas être regardé comme présentant des garanties de représentation suffisantes ; que dans ces conditions, en ordonnant son placement en rétention administrative sans envisager une mesure moins coercitive telle une assignation à résidence, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit et n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article L. 561-2 du même code ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L.551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A son arrivée au centre de rétention, l'étranger reçoit notification des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile. Il lui est notamment indiqué que sa demande d'asile ne sera plus recevable pendant la période de rétention si elle est formulée plus de cinq jours après notification " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le document " notification des droits en rétention administrative " qui mentionne notamment qu'il dispose d'un délai de cinq jours à compter de son admission au centre de rétention administrative pour formuler une demande d'asile a été notifié à M.B... qui l'a signé ; que le moyen tiré du défaut d'information doit être, en tout état de cause, écarté comme manquant en fait ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Vienne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a annulé sa décision du 8 octobre 2013 ; que la demande de M. B...devant être rejetée, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE

Article 1er: Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1303612 du 14 octobre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Bordeaux et ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N°13BX03293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX03293
Date de la décision : 26/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe.


Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: Mme Michèle RICHER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : TOUBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-06-26;13bx03293 ?
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