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21/10/2010 | FRANCE | N°10BX00773

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des reconduites à la frontière, 21 octobre 2010, 10BX00773


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 mars 2010, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE qui demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1000523 du 8 février 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. Mahmut A en annulant l'arrêté du 3 février 2010 décidant sa reconduite à la frontière à destination de la Turquie et la décision du même jour ordonnant son placement en rétention, lui a enjoint de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et mis à la charge de l'Ét

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 mars 2010, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE qui demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1000523 du 8 février 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. Mahmut A en annulant l'arrêté du 3 février 2010 décidant sa reconduite à la frontière à destination de la Turquie et la décision du même jour ordonnant son placement en rétention, lui a enjoint de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et mis à la charge de l'État la somme de 1 200 € en application des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 1er octobre 2009 portant désignation de Mme Texier, président de chambre, en qualité de juge habilité à statuer en matière d'appel des jugements de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2010 :

* le rapport de Mme Texier, président de chambre ;

* et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ; qu'en vertu de l'article R. 511-1 du même code : L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22 ; que selon l'article R. 313-22 du même code dans ses dispositions alors en vigueur : Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ; qu'enfin, l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dernières dispositions prévoit que le médecin-inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, quelle est la durée prévisible du traitement et indiquant si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour fondée sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative qui dispose d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 du même code, avant de prononcer à son encontre une mesure de reconduite à la frontière, doit saisir le médecin-inspecteur de santé publique pour avis dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22 dudit code ;

Considérant, en l'espèce, que M. A, de nationalité turque, qui réside habituellement en France depuis 2005, a fait l'objet d'un avis rendu par le médecin-inspecteur de santé publique le 16 avril 2008, soit presque deux ans avant l'arrêté de reconduite à la frontière en litige, concluant que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, si l'offre de soins pour la pathologie dont il souffrait existait dans son pays d'origine, un retour dans celui-ci entraînerait une aggravation de cette pathologie, laquelle nécessitait des soins devant être poursuivis pendant plusieurs années ; que M. A atteste avoir à plusieurs reprises sollicité l'enregistrement d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade postérieurement à la décision préfectorale en date du 21 avril 2008 portant à son encontre refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et décision fixant le pays de renvoi, décision faisant suite au rejet de sa demande d'asile ; que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ne conteste pas avoir refusé d'enregistrer ces demandes et ne pas avoir répondu aux demandes d'explications de l'intéressé ; que M. A a tenté, le 17 novembre 2008, alors qu'il se présentait une nouvelle fois à la préfecture, de s'immoler par le feu, ce qui a conduit le préfet à décider son hospitalisation d'office ; qu'ainsi, notamment au regard de l'avis réservé rendu par le médecin-inspecteur de santé publique le 16 avril 2008 et des événements intervenus postérieurement dont il était informé, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE disposait d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant que M. A était susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 du même code ; qu'il aurait donc dû saisir le médecin-inspecteur de santé publique pour avis dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22 dudit code, avant de prononcer une mesure de reconduite à la frontière à l'encontre de l'intéressé, quand bien même celui-ci n'aurait sollicité, le 3 février 2010, un titre de séjour qu'en qualité de salarié ; que, par suite, l'arrêté de reconduite à la frontière du 3 février 2010, qui est entaché d'un vice de procédure, est irrégulier ;

Considérant que l'avis rendu le 5 février 2010 par le médecin-inspecteur de santé publique, qui est postérieur à l'arrêté de reconduite à la frontière en litige, est sans incidence sur la légalité de cette décision ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse, qui n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, a fait droit à la demande de M. A en annulant l'arrêté du 3 février 2010 décidant sa reconduite à la frontière à destination de la Turquie et la décision du même jour ordonnant son placement en rétention ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Laspalles, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État, qui est dans la présente instance la partie perdante, la somme de 1 500 € au profit de Me Laspalles au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Laspalles, avocat de M. A, la somme de 1 500 € en application des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 10BX00773
Date de la décision : 21/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Jeanne TEXIER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-10-21;10bx00773 ?
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