Vu I°) la requête, enregistrée le 5 mars 2007 au greffe de la Cour sous le n° 07BX00494 par laquelle le directeur de l'ETABLISSEMENT DES INVALIDES DE LA MARINE indique faire appel du jugement en date du 1er février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Basse-Terre a condamné le centre hospitalier de Saint-Martin à verser une indemnité à M. X ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu II°) la requête et le mémoire ampliatif enregistrés sous le n° 07BX00740 les 4 avril et 18 mai 2007 présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-MARTIN par Me Le Prado ;
Il demande à la Cour :
- à titre principal, d'annuler le jugement en date du 1er février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Basse-Terre l'a condamné à verser une indemnité de 181 348, 90 euros, assortie des intérêts au taux légal, à M. X en réparation du préjudice résultant pour ce dernier de l'infection nosocomiale dont il a été victime à la suite de son hospitalisation le 8 juin 2003 ;
- à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en réduisant le montant de l'indemnité ainsi mise à sa charge ;
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Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 modifiée ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2008,
le rapport de Mme Fabien, premier conseiller ;
les observations de Me Meynard-Noel pour l'ENIM ;
et les conclusions de Mme Viard, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par requête enregistrée sous le n° 07BX00494, le directeur de L'ETABLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE (ENIM) indique faire appel du jugement du 1er février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Basse-Terre a alloué une indemnité à M. X en réparation du préjudice résultant pour ce dernier de l'infection nosocomiale dont il a été victime à la suite de son hospitalisation le 8 juin 2003 ; que, par requête enregistrée sous le n° 07BX00740, le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-MARTIN fait appel de ce jugement en demandant, à titre principal, son annulation et, à titre subsidiaire, sa réformation ; que ces deux requêtes tendent à l'annulation ou à la réformation d'un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
Sur la recevabilité de la requête n° 07BX00494 présentée par l'ENIM :
Considérant qu'aux termes de l'article R 411-1 du code de justice administrative : « ...La requête contient l'exposé des faits et des moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge...L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours » ;
Considérant que, par requête n° 07BX00494, l'ENIM s'est borné à indiquer qu'il faisait appel du jugement du Tribunal administratif de Basse-Terre du 1er février 2007 sans préciser le sens de ses conclusions et sans articuler un quelconque moyen ; que sa requête, qui n'a fait l'objet d'aucune régularisation avant l'expiration du délai de recours, doit en conséquence être rejetée comme étant irrecevable ;
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires présentées par l'ENIM dans l'instance n° 07BX00740 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient l'ENIM, ce dernier a été mis en mesure de faire valoir ses droits devant le Tribunal administratif de Basse-Terre dans le cadre de l'instance opposant M. X au CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-MARTIN ; que, par courrier du 30 décembre 2003, il s'était d'ailleurs réservé de chiffrer ses débours après réception du rapport d'expertise, ce qu'il n'a pas fait ; que, par suite, il n'est pas recevable à demander pour la première fois en appel, dans le cadre de l'instance n° 07BX00740, la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT MARTIN à lui verser une somme de 23 954,51 euros en remboursement des dépenses qu'il a exposées pour le compte de M. X ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le moyen soulevé par le CENTRE HOSPITALIE DE SAINT-MARTIN et tiré du défaut de motivation du jugement attaqué n'est assorti d'aucune précision permettant d'en contrôler le bien-fondé ; que, par suite, il ne peut qu'être écarté ;
Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-MARTIN :
Considérant qu'aux termes de l'article L.1142-1 du code de la santé publique : « ...Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ...» ;
Considérant que M. X a été admis le 8 juin 2003 au CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-MARTIN à la suite d'un accident de moto lui ayant notamment occasionné des fractures du pied gauche ; qu'il y a subi un parage de plaie et une osthéosynthèse par brochage du gros orteil gauche puis une ablation de cette broche le 9 juillet 2003 et y a reçu des soins postopératoires ; qu'ayant présenté une infection évoluant défavorablement, il a dû être amputé de l'avant-pied gauche le 31 juillet 2003, les germes « staphyloccocus aureus » et « proteus mirabilis » étant alors identifiés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif, que M. X ne présentait aucune infection lors de son admission au CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-MARTIN et que les premiers signes d'infection se sont manifestés entre le 9 et le 21 juillet 2003 ; que l'expert a relevé que les germes identifiés étaient typiquement d'origine hospitalière, que l'intéressé avait été placé après la première intervention dans la même chambre qu'un patient présentant un risque infectieux élevé et que l'infection dont a été victime M. X est en relation directe avec les soins qui lui ont été dispensés au CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-MARTIN ; que si ce dernier fait valoir que l'un des deux germes n'aurait pas une origine spécifiquement hospitalière, cette circonstance n'est en tout état de cause pas de nature à elle seule à démontrer l'existence d'une cause étrangère alors notamment que le centre hospitalier n'établit pas que l'intéressé aurait été porteur d'un foyer infectieux lors de son admission et qu'il lui appartient de prendre toutes précautions en matière d'asepsie de nature à prévenir les risques d'infection nosocomiale ; que le rapport de l'expert désigné par la compagnie d'assurance du centre hospitalier ne permet pas d'accréditer l'hypothèse selon laquelle l'infection constituerait une complication secondaire de la fracture par « surinfection » de la plaie ouverte et de la nécrose cutanée présentées par M. X dès lors que cette hypothèse ne repose sur aucune démonstration scientifique et ne prend notamment en considération ni la nature des germes en cause, ni la circonstance évoquée par l'expert désigné par le tribunal administratif qu'en cas de plaie ouverte, le germe responsable d'une infection ultérieure est presque constamment différent de celui retrouvé à l'entrée du patient lorsque des prélèvements ont été effectués lors de l'admission ; que le centre hospitalier ne rapporte ainsi pas la preuve lui incombant de l'existence d'une cause étrangère à l'origine de l'infection nosocomiale dont a été victime M. X ; qu'en conséquence, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Basse-Terre l'a déclaré responsable des conséquences dommageables de cette infection ;
Sur le préjudice subi par M. X :
Considérant que le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-MARTIN n'établit pas que le préjudice imputable à l'infection nosocomiale, qui est distinct des conséquences dommageables de l'accident de moto, aurait déjà été réparé par l'octroi d'une indemnité versée à l'intéressé par le fonds de garantie des victimes d'accidents de la circulation ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif, qu'après prise en considération des séquelles dont M. X serait resté atteint en raison des fractures liées à son accident de moto, le taux d'invalidité permanente partielle résultant de l'amputation de son avant pied et imputable directement à l'infection nosocomiale doit être évalué à 11 % ; que les souffrances et le préjudice esthétique supplémentaires imputables directement à cette infection doivent, pour ces deux postes de préjudice, être évalués à 1,5 sur 7 ; que la période d'invalidité temporaire totale résultant des seules conséquences de l'accident initial aurait pris fin vers le 8 septembre 2003 alors qu'elle s'est prolongée après l'amputation jusqu'au 31 octobre 2003 et s'est poursuivie par une période d'invalidité temporaire partielle de 30 % jusqu'au 6 février 2004, date de consolidation de son état de santé ;
Considérant que M. X ne justifie pas avoir exposé des frais en vue d'être assisté par une tierce personne lors de ses périodes d'invalidité temporaire ; que le centre hospitalier est en conséquence fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamné à verser à M. X une somme de 1 500 euros à ce titre ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des pièces produites par M. X, que ce dernier, qui exerçait la profession de marin depuis 1989, était employé en 2003 en qualité de skipper à bord d'un bateau de plaisance et percevait alors une rémunération nette mensuelle d'environ 2 400 euros ; qu'il justifie avoir subi au cours de la période d'invalidité totale et temporaire imputables à l'infection une perte de revenus de 6 330,83 euros après déduction des indemnités journalières lui ayant été versées par l'ENIM pendant cette période ; qu'il est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a limité à 2 848,90 euros le montant de l'indemnité lui étant allouée à ce titre ;
Considérant que M. X a été déclaré inapte à la navigation le 26 février 2004 par avis du médecin de la direction des affaires maritimes ; que l'expert désigné par le Tribunal administratif a estimé qu'il ne pouvait plus exercer son activité de skipper, nécessitant notamment un excellent équilibre des deux pieds, activité qu'il aurait pu reprendre à un niveau moins élevé s'il n'avait pas dû subir l'amputation imputable à l'infection nosocomiale ; que, cependant, toute autre profession ne nécessitant pas des marches et stations debout très prolongées, la pratique fréquente d'échelles ou d'échafaudages et des efforts importants des deux membres inférieurs, lui reste ouverte ; que si M. X fait valoir que, s'il avait pu continuer à exercer l'activité de skipper, il aurait pu percevoir un salaire et une pension de retraite supérieurs à ceux résultant d'une activité rémunérée sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance, il ne produit aucun élément sur ses revenus professionnels et en particulier aucune déclaration récente de revenus ; que, dans ces conditions, la perte de chance d'obtenir une rémunération et une pension de retraite plus élevées que celles résultant de l'exercice d'une profession autre que celle de skipper ou de marin ne peut être regardée comme étant établie ; que le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-MARTIN est en conséquence fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Basse-Terre l'a condamné à verser à M. X une indemnité de 150 000 euros au titre de la perte de revenus salariaux et de retraite ;
Considérant que le Tribunal administratif de Basse-Terre n'a pas fait une insuffisante évaluation du préjudice personnel subi par M. X en lui allouant une indemnité de 27 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence, incluant son préjudice d'agrément, résultant de son invalidité permanente partielle, de ses souffrances et de son préjudice esthétique imputables directement à l'infection nosocomiale dont il a été victime ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice subi par M. X et directement imputable à l'infection nosocomiale dont il a été victime doit être fixé à 33 330,83 euros ; que le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-MARTIN est en conséquence fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Basse-Terre l'a condamné à verser une indemnité d'un montant supérieur à 33 330,83 euros ; que, par suite, le jugement attaqué doit être réformé pour réduire le montant de cette indemnité de 181 348,90 euros à 33 330,83 euros et les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par M. X doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-MARTIN, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. X au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1 : Le montant de l'indemnité devant être versée par le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-MARTIN à M. X est réduit de 181 348,90 euros à 33 330,83 euros.
Article 2 : Le jugement en date du 1er février 2007 du Tribunal administratif de Basse-Terre est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. X sont rejetées.
Article 4 : La requête et les conclusions présentées par l'ENIM sont rejetées.
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07BX00494, 07BX00740