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31/05/2005 | FRANCE | N°01BX02220

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3eme chambre (formation a 3), 31 mai 2005, 01BX02220


Vu la requête, enregistrée le 10 septembre 2001, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, dont le siège est Hôtel Dieu Saint-Jacques ... (31052), par Me Cara, avocat ; le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement N° 9700500 du 30 avril 2001 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, la somme de 554 832,44 F ainsi que la somme de 3 000 F au titre des frais d'instance exposés et non compris dans le

s dépens, à M. Sébastien Y..., la somme de 220 000 F, à M. et Mme ...

Vu la requête, enregistrée le 10 septembre 2001, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, dont le siège est Hôtel Dieu Saint-Jacques ... (31052), par Me Cara, avocat ; le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement N° 9700500 du 30 avril 2001 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, la somme de 554 832,44 F ainsi que la somme de 3 000 F au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens, à M. Sébastien Y..., la somme de 220 000 F, à M. et Mme Y..., la somme de 20 000 F chacun et la somme globale de 20 954 F ainsi que la somme de 5 000 F au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens et à supporter les dépens ;

2°) de rejeter les demandes des consorts Y... et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ;

3°) de condamner les consorts Y... à supporter les dépens et à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 avril 2005 :

- le rapport de Mme Jayat,

- les observations de Me Cara, avocat du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE

- les observations de Me Bertin, avocat de M. et Mme YX et Sébastien Y...

- et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, le 28 août 1996, de retour d'un séjour en colonies de vacances au cours duquel il avait été victime d'une chute en pratiquant la spéléologie, le jeune Sébastien Y..., alors âgé de 15 ans, a ressenti de vives douleurs dans la jambe droite ; que le médecin de la famille Y..., consulté le 29 août 1996, a prescrit un traitement anti-inflammatoire ainsi que des radiographies du genou et de la colonne lombaire puis, consulté à nouveau le 2 septembre suivant, a, eu égard à la nette aggravation des douleurs, adressé le patient au service des urgences du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE pour un avis spécialisé ; que, consulté le même jour, le praticien de l'établissement a examiné Sébastien Y... puis a fixé un prochain rendez-vous pour le 6 septembre suivant, date à laquelle le patient a été orienté vers des séances de kinésithérapie et la consultation d'un psychiatre ; que, les séances de kinésithérapie s'étant avérées impossibles à mener compte tenu de la douleur ressentie et l'examen psychiatrique ayant conclu à l'absence de troubles marqués, le patient, dont l'état général s'était aggravé au point qu'il ne se déplaçait qu'en fauteuil roulant, a consulté le 18 septembre 1996 un médecin de rééducation fonctionnelle qui a prescrit divers examens dont les anomalies ont conduit à effectuer une ponction et un scanner au service de rhumatologie du CENTRE HOSPITALIER à l'issue desquels a été mise en évidence, le 25 septembre 1996, une arthrite infectieuse de la hanche due à la présence de staphylocoques dorés ; que l'intervention d'un traitement antibiotique et, les 27 septembre et 14 octobre 1996, de lavages chirurgicaux de l'articulation a mis fin à l'état infectieux et qu'une prothèse totale de hanche a été mise en place le 8 juillet 1998 ;

Considérant que, par le jugement attaqué du 30 avril 2001, le tribunal administratif de Toulouse a estimé le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE responsable, du fait du retard apporté dans le diagnostic de la maladie, de la perte de chances de guérison pour le patient et a condamné l'établissement à supporter les dépens et à verser à Sébastien Y..., la somme de 220 000 F, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, la somme de 554 832,44 F au titre de ses débours et de frais futurs et la somme de 3 000 F au titre des frais d'instance non compris dans les dépens et à M. et Mme Y..., parents de Sébastien, la somme de 20 954 F au titre du préjudice matériel et les sommes de 20 000 F chacun au titre du préjudice moral ainsi que la somme de 5 000 F au titre des frais d'instance non compris dans les dépens ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE fait appel du jugement en tant qu'il prononce ces condamnations à son encontre ; que, par la voie de l'appel incident, M. Sébastien Y... et ses parents M. et Mme Y... demandent que les sommes que l'établissement a été condamné à leur verser soient portées à 152 449,01 euros en ce qui concerne M. Sébastien Y... et à 9 146,94 euros en ce qui concerne chacun des parents au titre de leur préjudice moral ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne présente des conclusions incidentes tendant à ce que la somme que l'établissement a été condamné à lui verser soit portée à 85 489,17 euros ;

Sur les expertises décidées en première instance :

Considérant qu'après avoir fait procéder à une première expertise dont les conclusions n'étaient pas suffisamment précises, le tribunal a décidé de recourir à une seconde expertise confiée à un spécialiste de chirurgie orthopédique et réparatrice ; qu'en se bornant à alléguer que cet expert ne pratiquerait que la chirurgie esthétique, le CENTRE HOSPITALIER ne conteste pas utilement la compétence de l'expert désigné par le tribunal ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de la seconde expertise décidée en première instance, que, le 6 septembre 1996, lorsqu'il a vu le jeune Sébastien pour la seconde fois, le praticien de l'établissement, spécialiste de chirurgie orthopédique et traumatologique, devait normalement disposer des résultats du bilan sanguin prescrit le 2 septembre précédent, lesquels résultats faisaient apparaître un taux élevé de leucocytes et de fibrinogènes ; qu'il résulte également de l'instruction que ces résultats, associés aux douleurs, à l'attitude antalgique de la hanche droite résultant des radiographies et à la présence de plaies cutanées sur la cuisse droite laissées par la chute subie quelques jours auparavant par le patient et constituant une possible porte d'entrée de germes infectieux, étaient de nature à faire présumer une infection, à supposer même que le 6 septembre 1996 la température de l'enfant, dont l'établissement ne justifie pas qu'elle aurait été prise lors de l'examen, était normale ; qu'alors même que l'arthrite infectieuse est une maladie rare et difficile à diagnostiquer, les bonnes pratiques médicales relatées par l'expert conduisent, lorsque de tels signes sont constatés, à réaliser au plus tôt, eu égard à la grande rapidité de l'évolution de la pathologie, des examens complémentaires en vue de rechercher une éventuelle infection, avant d'orienter la recherche diagnostique dans d'autres directions, notamment psychologiques ; que, dans ces conditions, nonobstant les conclusions de la première expertise faisant état d'une leucocytose qualifiée de basse, d'une absence de porte d'entrée connue de germes éventuels et de directives du ministère de la santé recommandant un recours limité à des examens coûteux, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, en ne faisant pas procéder aux examens adaptés, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant que cette faute a été à l'origine d'un retard de onze jours dans la réalisation des examens de nature à révéler l'affection dont souffrait Sébastien Y... et, par suite, dans le démarrage du traitement adapté ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de la seconde expertise, que ce retard a privé le patient d'une chance réelle de guérison totale de la maladie ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le patient aurait consulté, à raison de la pathologie affectant sa jambe droite, des praticiens spécialistes autres que celui de l'établissement, avant le 18 septembre 1996, date à laquelle un médecin extérieur à l'établissement a fait procéder aux examens dont les résultats ont conduit à effectuer la ponction et le scanner qui ont permis de poser le diagnostic d'arthrite septique ; qu'ainsi, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE ne peut se prévaloir de fautes imputables à des tiers de nature à atténuer sa responsabilité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a déclaré responsable du préjudice subi par le jeune Sébastien et par ses parents ;

Sur la réparation :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la seconde expertise que, du fait du retard apporté dans le diagnostic de la maladie dont il était atteint, Sébastien Y... a subi la pose d'une prothèse de hanche, qu'il conserve une incapacité permanente partielle de 10 % qui l'a obligé à abandonner son projet professionnel concernant les métiers de la cuisine ainsi que la pratique de divers sports et notamment du football, que les douleurs physiques endurées sont évaluées par l'expert à 4/7 et le préjudice esthétique à 2,5/7 ; que, si l'établissement fait valoir que la pose d'une prothèse de hanche aurait été, de toute façon, inévitable, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que Sébastien Y... avait une chance réelle de guérison totale ; qu'en conséquence, le préjudice résultant de la pose d'une prothèse de hanche est au nombre de ceux dont la réparation incombe au CENTRE HOSPITALIER ; qu'à supposer même que la nouvelle orientation professionnelle de prothésiste dentaire choisie par la victime serait moins aléatoire que le métier de cuisinier, l'abandon d'un projet professionnel précis et l'obligation d'envisager un projet différent par sa nature et par le parcours de formation à suivre, a constitué pour l'intéressé un préjudice ouvrant droit à réparation ; qu'en évaluant les chefs de préjudice subis à 150 000 F (22 867,35 euros) au titre des troubles de toute nature dans les conditions d'existence, 50 000 F (7 622,45 euros) au titre de la douleur physique et 20 000 F (3 048,98 euros) au titre du préjudice esthétique, les premiers juges en ont fait une juste appréciation ;

Considérant que, pour condamner le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 554 832,44 F (84 583,66 euros) qu'elle demandait au titre de ses débours et des frais futurs qu'elle serait amenée à exposer, les premiers juges ont estimé que les frais d'hospitalisation de la victime du 24 septembre au 12 octobre 1996 étaient nécessités par l'état de la hanche du patient, qui n'aurait pas été le même si l'arthrite septique avait été diagnostiquée et traitée plus tôt ; que si l'établissement soutient que la créance dont la caisse s'est prévalue comportait des frais qui seraient liés à l'état initial du patient, il ne fait état d'aucun élément nouveau par rapport à ceux qui ont été, sur ce point, débattus en première instance ; qu'il y a lieu d'écarter le moyen soulevé par l'établissement par adoption des motifs qui ont été, à bon droit, retenus par le tribunal administratif ; que la caisse primaire d'assurance maladie soutient sans être contredite sur ce point qu'eu égard aux débours exposés et aux frais futurs, sa créance s'établit à 85 489,17 euros ; qu'il y a lieu de porter à ce montant la somme que le CENTRE HOSPITALIER a été condamné à lui verser ;

Considérant, enfin, qu'en évaluant à 20 000 F (3 048,98 euros) chacun le préjudice moral subi par les parents du jeune Sébastien, le tribunal administratif a fait une juste appréciation de ce préjudice ; que M. et Mme Y... ont produit en première instance le détail et les justificatifs des divers frais, notamment de déplacement, de repas et de location de téléviseur qu'ils ont exposés à l'occasion des hospitalisations de leur fils ; que, par suite, les premiers juges ont à bon droit retenu ces frais, pour un montant total de 20 954 F (3 194,42 euros), pour évaluer le préjudice subi par les parents de Sébastien Y... ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, ni, par la voie de l'appel incident, MM. X... et Sébastien et Mme Brigitte Y..., ne sont fondés à demander l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et que la caisse primaire d'assurance maladie est fondée à demander que la somme que le CENTRE HOSPITALIER a été condamné à lui verser soit portée à 85 489,17 euros ;

Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE à verser à MM. et Mme Y... la somme de 1 300 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 500 euros qu'elle demande, au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administratives font obstacle à ce que MM. et Mme Y..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser au CENTRE HOSPITALIER la somme qu'il demande en application de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE et l'appel incident de MM. et Mme Y... sont rejetés.

Article 2 : La somme que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne est portée à 85 489,17 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 avril 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE versera à MM. et Mme Y... la somme de 1 300 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 500 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

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N° 01BX02220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 01BX02220
Date de la décision : 31/05/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MADEC
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: Mme BOULARD
Avocat(s) : CARA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2005-05-31;01bx02220 ?
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