Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 24 mai 2000, présentée pour la société VICTORIA MON CAPRICE, SARL dont le siège est ..., ZI 3 à Saint-Pierre de la Réunion (97 410), représentée par son gérant, par la SCP Bettinger et associés ;
La SARL VICTORIA MON CAPRICE demande à la cour :
- d'annuler le jugement en date du 15 mars 2000 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Réunion à la réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du dispositif d'aide à la commercialisation des ananas Victoria ;
- de déclarer le département de la Réunion responsable de ce préjudice, à titre principal pour faute, à raison de l'illégalité du dispositif d'aide mis en place et, à titre subsidiaire, sans faute, et de le condamner en conséquence à lui verser la somme de 3 000 000 F assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 1998, les intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;
- à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer les différents chefs de préjudice subis ;
- de condamner le département de la Réunion à lui verser la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2004 :
- le rapport de Mme Texier, président-assesseur,
- les observations de MX, représentant la SOCIETE VICTORIA MON CAPRICE
- et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du Gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'assemblée générale extraordinaire des associés de la SARL VICTORIA MON CAPRICE, qui s'est tenue le 16 avril 1999, a décidé la dissolution anticipée de la société avec effet au 1er janvier 1999 et a nommé MX en qualité de liquidateur en lui donnant mandat pour poursuivre ou entreprendre, au nom de la société, toute action en justice en cours ou à venir ; que, par suite, et nonobstant la circonstance qu'il n'était plus le gérant de ladite société, il avait qualité pour agir au nom de la société et interjeter appel du jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le département de la Réunion a, pour la première fois, opposé en défense le moyen tiré de l'absence de preuve du préjudice allégué par la SARL VICTORIA MON CAPRICE dans un mémoire enregistré le 24 février 2000 ; que si ce mémoire a été communiqué à la SARL VICTORIA MON CAPRICE, il n'est pas contesté qu'elle ne l'a reçu que le 28 février 2000 alors que l'audience au cours de laquelle l'affaire a été examinée était fixée au 1er mars 2000 ; que, dans ces conditions, la SARL VICTORIA MON CAPRICE, qui n'a pas eu la possibilité de répliquer à ce mémoire, est fondée à soutenir que le tribunal a ainsi méconnu le principe du contradictoire et que cette méconnaissance affecte la régularité du jugement ; que le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en date du 15 mars 2000 doit, dès lors, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SARL VICTORIA MON CAPRICE devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;
Au fond :
Considérant que la SARL VICTORIA MON CAPRICE, qui avait pour objet l'achat et le conditionnement des fruits tropicaux de la Réunion en vue de leur commercialisation en métropole, sollicite, en se fondant à titre principal sur le terrain de la responsabilité pour faute et, subsidiairement, sur le terrain de la responsabilité sans faute, la condamnation du département de la Réunion à lui verser la somme de 3 000 000 F en réparation du préjudice qu'elle impute au dispositif d'aide à l'exportation d'ananas mis en place par ce département ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une délibération en date du 8 novembre 1995, la commission permanente du conseil général du département de la Réunion a décidé d'accorder une aide à l'exportation d'ananas Victoria, s'élevant à 1,50 F par kilogramme d'ananas exporté et plafonnée à 200 tonnes par exploitant ou groupement, et de confier la gestion des dossiers de demandes d'aides à la société d'intérêt collectif agricole (X...) Victoria ; qu'à la suite de cette décision, une convention prenant effet au 1er octobre 1995 a été conclue le 28 décembre 1995 entre le département de la Réunion et la X... Victoria, pour la campagne 1995/1996, soit du 1er octobre 1995 au 30 avril 1996 ; que l'article 3 de ladite convention stipule : Tout producteur ou groupement de producteurs d'ananas Victoria peut postuler à l'aide, s'il livre à la X... Victoria ;
Considérant que pour solliciter la condamnation du département de la Réunion à lui verser la somme de 3 000 000 F, la SARL VICTORIA MON CAPRICE, qui fait référence à un audit comptable qu'elle ne produit pas au dossier et dont elle indique qu'il détaillait les différents chefs de préjudice, soutient qu'elle s'est livrée à des dépenses d'investissement importantes pour conférer à son produit une image commerciale attractive, qu'elle a inventé un emballage spécifique qui a donné lieu à la délivrance d'un brevet par l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), qu'elle occupait une place incontestable sur le marché de l'exportation de l'ananas, qu'à partir du moment où le dispositif d'aide du département s'est mis en place, ses exportations ont été de plus en plus restreintes et que le déficit cumulé atteignait environ 1 600 000 F à la fin de l'exercice 1998 ; qu'elle fait valoir que ce préjudice résulte de la perte des résultats qu'elle aurait pu obtenir si elle avait pu travailler dans des conditions normales, ou du moins sur les mêmes bases que la X... Victoria ; qu'elle fait valoir, par ailleurs, que le préjudice financier supplémentaire de 1 400 000 F tient au fait que les sommes investies n'ont pu être utilisées à d'autres usages pendant plusieurs années, ainsi qu'à la perte d'une chance liée à l'abandon des contacts entre la SARL VICTORIA MON CAPRICE et certains grands groupes de distribution ou leurs filiales pour la commercialisation en grande surface des ananas Victoria sans compter le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence de la vie de la société -renonciation à la réalisation de son objet, abandon des projets, cessation de l'activité- ;
Considérant, toutefois, qu'il n'est pas sérieusement contesté que le dispositif d'aide à l'exportation de l'ananas, mis en place pour la période du 1er octobre 1995 au 30 avril 1996, qui n'a concerné qu'une faible partie de la production de l'île, n'a fonctionné que pour la seule campagne 1995/1996 et n'a pas été reconduit ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que la SARL VICTORIA MON CAPRICE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 19 décembre 1995, n'a commencé son exploitation que le 1er décembre 1995 et ne justifie avoir procédé à des exportations d'ananas qu'à partir du mois de mai 1996 ; que, dans ces conditions, la SARL VICTORIA MON CAPRICE, qui a réalisé un chiffre d'affaires à l'exportation de 1 643 253, 61 F pour l'exercice du 1er décembre 1995 au 31 décembre 1996, n'établit ni que ses exportations pendant ce premier exercice, ni celles, en forte baisse, lors des exercices postérieurs, auraient souffert du dispositif d'aide temporairement mis en place par le département de la Réunion ; qu'ainsi, l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice allégué et ce dispositif n'est pas établie ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la légalité du dispositif d'aide litigieux et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, la demande présentée par la société requérante ne peut qu'être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département de la Réunion, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la SARL VICTORIA MON CAPRICE la somme qu'elle réclame sur le fondement dudit article au titre des frais exposés et non compris dans les dépens de la présente instance d'appel ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner la SARL VICTORIA MON CAPRICE à payer au département de la Réunion les sommes qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, tant en première instance qu'en appel ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en date du 15 mars 2000 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SARL VICTORIA MON CAPRICE devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions du département de la Réunion tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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No 00BX01166