Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 décembre 1999 et 12 mars 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, présentés pour M. Didier X, demeurant ... respectivement, par Me Greugny, avocat au barreau de Lille et par Me Robin, avocat au barreau de Lyon ; M. X demande que la cour :
1) annule le jugement en date du 28 octobre 1999 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1989, 1990 et 1991 ;
2) prononce la décharge des impositions contestées ;
3) condamne l'Etat à lui verser une somme de 5 000 F au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Classement CNIJ : 19-04-02-04-03 C+
19-04-01-01-02-03
03-03-01
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 62-917 du 8 août 1962 codifiée au code rural ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2003 :
- le rapport de Mme Jayat, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Didier X a constitué avec son frère, le 26 décembre 1983, un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), dénommé GAEC X Frères ; que M. Didier X et son frère ont apporté au groupement l'usufruit de biens leur appartenant et qui ont été exploités par le GAEC, lequel a pris en charge le passif grevant cet apport, constitué des emprunts contractés par les associés pour l'acquisition des biens dont s'agit ; que, lors d'une assemblée générale extraordinaire du 4 avril 1991, les associés ont procédé au retrait, à compter du 1er janvier 1991, de leurs apports en usufruit ; qu'ils ont mis les biens concernés à disposition du GAEC moyennant une indemnité de 480 000 F du 1er janvier au 31 octobre 1991 puis les ont donnés à ferme au groupement à compter du 1er novembre 1991 ; que M. Didier X a été assujetti à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 1989, 1990 et 1991 à raison des parts qu'il détient dans le groupement, à la suite de la réintégration, dans les résultats du GAEC des années 1989 et 1990 d'une partie des intérêts des emprunts susmentionnés, pour les montants de 14 760 F et 14 219 F, et dans les résultats du groupement de l'année 1991 de la somme de 300 265 F représentant le capital restant à rembourser des emprunts, regardée par l'administration comme un passif injustifié, et de la totalité des intérêts de ces emprunts ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 8 août 1962 relative aux groupements agricoles d'exploitation en commun, codifiée aux articles L 323-1 et suivants du code rural : Les groupements agricoles d'exploitation en commun sont des sociétés civiles de personnes régies par les chapitres I° et II du titre IX du livre III du code civil et par les dispositions de la présente loi ... Ils ont pour objet de permettre la réalisation d'un travail en commun dans des conditions comparables à celles existant dans les exploitations de caractère familial ... ; que l'article 7 de la même loi, codifié à l'article L 323-13 du code rural dispose : La participation à un groupement agricole d'exploitation en commun ne doit pas avoir pour effet de mettre ceux des associés qui sont considérés comme chefs d'exploitation et leur famille, pour tout ce qui touche leurs statuts économique, social et fiscal, dans une situation inférieure à celle des autres chefs d'exploitation agricole, et à celles des autres familles de chefs d'exploitation agricole ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article 8 du code général des impôts, les associés des sociétés civiles qui ne revêtent pas l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ; qu'aux termes de l'article 60 du même code : Le bénéfice des sociétés visées à l'article 8 est déterminé, dans tous les cas, dans les conditions prévues pour les exploitants individuels ; qu'en application de l'article 72 de ce code : ... le bénéfice réel de l'exploitation agricole est déterminé et imposé selon les principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales ... ; qu'aux termes de l'article 38 du même code : ... 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés ... ; qu'enfin, l'article 39 de ce code dispose : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges ... ;
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées, le GAEC X Frères, relevant, pour les années en litige, d'un régime réel d'imposition, a pu inscrire au passif de son bilan le capital restant à rembourser des emprunts contractés par les associés exploitants pour l'acquisition des biens dont ils ont apporté les droits d'usufruit lors de la constitution du groupement, alors même que ces droits d'usufruit n'ont pas été inscrits à l'actif du groupement comme ils auraient pu l'être ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que, lorsqu'ils ont retiré leur apport en usufruit, les exploitants, qui ont laissé au GAEC la disposition des biens concernés en vue de leur exploitation, aient entendu reprendre à leur charge le remboursement de la dette qu'ils ont maintenue au passif du bilan du groupement ; que ce retrait des droits d'usufruit n'a pu, par lui-même, avoir pour effet ni d'éteindre la dette prise en charge par le GAEC ni de priver cette dette de justification ; que d'ailleurs, à supposer que les associés aient entendu reprendre cette dette à leur charge, cette opération ne pouvait s'analyser que comme un supplément d'apport de nature à compenser l'augmentation de l'actif net née de l'extinction de la dette du groupement ; qu'il suit de là que l'administration ne pouvait rejeter comme injustifiée la dette de 300 265 F et imposer le profit résultant de ce rejet ; qu'en conséquence, les charges financières afférentes à cette dette supportées par le groupement ont, par nature, le caractère de charges déductibles ; que, par suite, l'administration, qui ne se prévaut pas de la situation des comptes des membres du GAEC, ne pouvait réintégrer tout ou partie desdites charges dans les résultats imposables du groupement des trois années en litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Didier X, qui ne fait valoir aucun moyen relatif aux autres chefs de redressements, est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des impositions résultant de la réintégration, dans le résultat du GAEC X Frères de frais financiers pour les montants de 14 760 F, 14 219 F et 36 949 F au titre des années 1989, 1990 et 1991 et d'un profit de 300 265 F au titre de l'année 1991 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. Didier X la somme de 760 euros sur le fondement des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le résultat du groupement agricole d'exploitation en commun X Frères au titre des années 1989, 1990 et 1991 est réduit des sommes respectives de 14 760 F, 14 219 F et 337 214 F.
Article 2 : Il est accordé à M. Didier X la décharge de la différence entre le montant des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1989, 1990 et 1991 et celui qui résulte de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du 28 octobre 1999 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à M. X la somme de 760 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
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99BX02769