Vu la requête, enregistrée le 1er juin 1999 au greffe de la cour, présentée pour le DEPARTEMENT de la MARTINIQUE, représentée par le président du conseil général, et pour la société AXA assurances, dont le siège est 74 avenue des Caraïbes à Fort-de-France (97202), par Me Thouroude, avocat ;
Le DEPARTEMENT de la MARTINIQUE et la société AXA assurances demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 6 juillet 1999 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France, d'une part n'a pas admis l'intervention de la société AXA assurances, d'autre part a condamné le DEPARTEMENT de la MARTINIQUE à payer à M. X une somme de 188.867 F en réparation des préjudices subis du fait de l'inondation de son exploitation aquacole lors de la tempête Cindy le 24 août 1993 ;
2°) de rejeter la demande présentée pour M. X devant le tribunal administratif ;
Classement CNIJ : 67-03-01 C
3°) de condamner M. X aux dépens ;
4°) de condamner M. X à leur payer la somme de 15.000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2003 :
- le rapport de M. Bichet, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Bec, commissaire du gouvernement
Sur l'intervention de la société AXA assurances devant le tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 187 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur : L'intervention est formée par requête distincte ; que contrairement à ces prescriptions, l'intervention présentée devant le tribunal administratif de Fort-de-France par la société AXA n'a pas été formée par une requête distincte et n'était donc pas recevable ; qu'ainsi la société AXA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France, qui n'était pas tenu de l'inviter à régulariser sa demande par la présentation d'une requête distincte, a rejeté son intervention ;
Sur la recevabilité de la requête en tant qu'elle émane de la société AXA assurances :
Considérant, d'une part, que la société AXA, qui n'a pas formé devant le tribunal administratif d'intervention régulière, n'est pas recevable à faire appel du jugement attaqué en tant que celui-ci a rejeté les conclusions présentées au tribunal par le DEPARTEMENT de la MARTINIQUE ;
Considérant, d'autre part, que si la société AXA a entendu se présenter devant la cour en qualité d'intervenant au soutien de la requête du DEPARTEMENT de la MARTINIQUE, son intervention doit être rejetée dès lors, et en tout état de cause, qu'elle n'a pas été formée, avant la clôture de l'instruction, par requête distincte ;
Sur les conclusions principales :
En ce qui concerne la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les précipitations qui se sont abattues le 14 août 1993 sur le nord de la Martinique, lors du passage de la tempête tropicale Cindy, mesurées à Fonds Saint-Denis Morne des cadets, poste proche de la commune du Morne vert, indiquent une durée de retour de neuf ans en ce qui concerne l'abondance des pluies en 24 heures, et une période centenale par leur intensité, avec 96 mm en une heure ; qu'ainsi ces pluies, bien qu'exceptionnelles par leur intensité ne présentent pas un caractère d'imprévisibilité dans cette région et ne sont donc pas constitutives d'un événement de force majeure, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'état de catastrophe naturelle a été constaté par arrêté interministériel à raison des inondations et des coulées de boue ayant affecté notamment la commune du Morne vert ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné en référé par le président du tribunal administratif, que les dommages subis lors du passage de la tempête précitée par l'exploitation aquacole et l'habitation de M. X, situées dans la commune du Morne vert, trouvent leur origine d'une part dans l'insuffisance du système d'évacuation des eaux pluviales du CD 20, dont une buse située en surplomb de la propriété de l'intéressé a déversé sur celle-ci un volume d'eau et de boue particulièrement important en raison de l'obstruction de la buse placée en amont et destinée à recueillir, au droit de l'ouvrage public, les eaux d'une ravine, d'autre part, et contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, dans la disposition des lieux, la propriété de M. X étant située au confluent des rivières la mare et coco et recueille naturellement les eaux de ruissellement des versants dominants ; qu'il sera fait une juste appréciation de la part des dommages qui trouvent leur origine dans l'aménagement et le fonctionnement de l'ouvrage public et de ses accessoires en la fixant à 80 % ;
Considérant que si le DEPARTEMENT de la MARTINIQUE soutient que l'ouvrage, et notamment la buse placée au droit de la propriété de M. X serait antérieure à l'installation de ce dernier, cette circonstance ne saurait exonérer le département de sa responsabilité vis à vis de M. X ;
En ce qui concerne la réparation :
Considérant que si le DEPARTEMENT de la MARTINIQUE fait valoir qu'à la date du 14 août 1993, l'autorisation de prise d'eau dont bénéficiait M. X pour les besoins de sa ferme aquacole était expirée et en cours de renouvellement, cette circonstance est sans incidence sur le droit à indemnisation de l'intéressé dés lors que la part des dommages subis par ce dernier imputables à l'ouvrage public ne se rattachent pas à l'irrégularité alléguée de l'exploitation au regard de la police des eaux ;
Considérant que le préjudice subi par l'exploitation de M. X a été exactement évalué par le tribunal à la somme de 250.000 F ; que la part imputable au DEPARTEMENT de la MARTINIQUE s'élève donc, compte tenu de la déduction à opérer d'une somme de 9.319,67 euros (61.133 F) que M. X a perçue de l'Etat au titre des calamités agricoles, à 21.170,14 euros (138.867 F) ;
Considérant qu'il résulte toutefois des pièces versées au dossier qu'une somme de 10.382,92 euros (68.107,50 F) a été mandatée le 8 novembre 1995 par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt au profit de M. X au titre d'une aide à la reconstitution du potentiel de production aquacole endommagé par les tempêtes de juillet et d'août 1993 ; que si M. X prétend, contre la lettre du libellé du mandat précité, que ladite somme aurait été destinée à améliorer les conditions techniques de sa prise d'eau, il n'en justifie pas ; qu'il y a lieu, par conséquent, de déduire ce montant de celui du préjudice indemnisable, lequel s'élève ainsi à 10.787,22 euros (70.759,50 F) ;
Sur les conclusions incidentes :
Considérant que la circonstance que la maison d'habitation acquise par M. X en 1983 a été édifiée sans permis de construire, ainsi qu'il est constant, est par elle-même sans influence sur le droit à indemnité de l'intéressé dés lors qu'il n'est pas établi ni même allégué que cette construction aurait violé les règles d'urbanisme ; que c'est par suite à tort que les premiers juges ont écarté les conclusions de M. X tendant à l'indemnisation du préjudice subi par sa maison d'habitation du fait de l'ouvrage public lors du passage de la tempête tropicale susmentionnée ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en la fixant à la somme de 18.293,88 euros (120.000 F) ; qu'il y a donc lieu de condamner le DEPARTEMENT de la MARTINIQUE à payer à M. X une somme de 14.635,11 euros (96.000 F) en réparation des dommages causés à sa maison d'habitation ;
Sur les dépens :
Considérant qu'il y a lieu de laisser la charge des frais d'expertise au DEPARTEMENT de la MARTINIQUE qui succombe ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le montant de l'indemnité mise à la charge du DEPARTEMENT de la MARTINIQUE doit être ramenée de 28.792,59 euros (188.867 F) à 25.422,32 euros (166.759,50 F) ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du DEPARTEMENT de la MARTINIQUE tendant au remboursement des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens, ni à celles de M. X tendant aux mêmes fins ;
D É C I D E :
ARTICLE 1er : l'intervention de la société AXA assurances n'est pas admise.
ARTICLE 2 : La somme de 28.792,59 euros (188.867 F) que l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 6 juillet 1999 a condamné le DEPARTEMENT de la MARTINIQUE à verser à M. Elie X est ramenée à 25.422,32 euros (166.759,50 F).
ARTICLE 3 : Le surplus des conclusions du DEPARTEMENT de la MARTINIQUE et des conclusions incidentes de M. Elie X est rejeté.
99BX02338 -5-