Vu la requête, enregistrée le 15 avril 1999 au greffe de la cour, présentée par la société anonyme (S.A.) CHATEAU TILLEDE, dont le siège est situé Domaine de Tillède, Arveyres, Libourne (33500), représentée par son président directeur général en exercice ;
La S.A. CHATEAU TILLEDE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 9 février 1999 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a refusé de lui accorder la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie pour les exercices correspondant à la période allant du 1er novembre 1986 au 31 octobre 1989 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Classement CNIJ : 19-04-02-01-06-01-03 C+
19-04-02-01-06-01-04
19-06-02-08-01
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 avril 2003 :
- le rapport de Mme Leymonerie, premier conseiller ;
- les observations de M. X..., mandataire, représentant la S.A. CHATEAU TILLEDE ;
- les observations de Mme Y..., représentant le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
- et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ... et qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé ... ;
Considérant que la notification adressée le 22 octobre 1990 à la S.A. CHATEAU TILLEDE indique que les redressements effectués selon la procédure contradictoire font suite à la vérification de sa comptabilité pour les années 1986 à 1989 ; que la même notification précise, par exercice, la taxe sur la valeur ajoutée collectée et non déductible, la manière dont ont été calculés les redressements pour chaque année ; qu'ainsi, elle est motivée conformément aux dispositions susrappelées de l'article L. 57 ; que, si la société soutient qu'à l'occasion d'un entretien, le vérificateur aurait indiqué que les redressements établis en matière de taxe sur la valeur ajoutée seraient abandonnés, elle ne saurait se prévaloir de cette allégation pour mettre en cause la régularité de la notification de redressement ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 A du livre des procédures fiscales : Le défaut de présentation de la comptabilité est constaté par procès-verbal que le contribuable est invité à contresigner ... ;
Considérant que, si la S.A. CHATEAU TILLEDE soutient que le procès-verbal du 10 septembre 1990 constatant le défaut de comptabilité pour la période antérieure à l'année 1986 était rédigé de façon stéréotypée, le vérificateur a cité les pièces que les redevables doivent communiquer à l'administration fiscale conformément aux dispositions de l'article 54 du code général des impôts ; qu'ainsi, ledit procès-verbal, qui a été signé par le représentant de la société requérante, a été régulièrement établi ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige ... à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ... et qu'aux termes de l'article R. 59-1 du même livre : Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59 ... ;
Considérant qu'ayant reçu le 3 décembre 1990 une réponse de l'administration aux observations de la S.A. CHATEAU TILLEDE, précisant que le différend pouvait être soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, cette société a, par une lettre du 5 avril 1991, postérieure à la mise en recouvrement de l'imposition, demandé à l'administration la saisine de la commission précitée ; que cette demande présentée au-delà du délai de trente jours prévu par l'article R. 59-1 susrappelé était irrecevable ; que le courrier de l'administration du 6 mars 1991 informant la société requérante qu'à la suite d'une réunion entre le contrôleur et un de ses représentants, certains redressements seraient abandonnés, n'est pas de nature à ouvrir un nouveau délai de saisine de la commission ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée pour la période correspondant à l'exercice clos en 1986 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 177 du livre des procédures fiscales : En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible dans la conditions fixées par l'article 271 du code général des impôts, les redevables doivent justifier du montant de la taxe déductible et du crédit de taxe dont ils demandent à bénéficier, par la présentation de documents même établis antérieurement à l'ouverture de la période soumise au droit de reprise de l'administration ;
Considérant que la société a imputé sur la taxe sur la valeur ajoutée due en 1986 un crédit de taxe né au cours d'une période antérieure ; que, pour l'année 1985, les services fiscaux ont constaté l'absence de livre journal et de livre d'inventaire cotés et paraphés, l'absence de livre de paie et, surtout, de factures de ventes et de pièces probantes en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible ; que, si la société se prévaut du rapport du commissaire aux comptes pour la période du 1er janvier 1985 au 31 octobre 1985, qui démontrerait l'existence d'une comptabilité, ce rapport établi le 13 juin 1986, qui constate la croissance de la société et note des faiblesses dans le contrôle interne des stocks dans le premier semestre 1985 et constate un écart de 90 hectolitres sur la récolte de vin rouge de l'année 1984 non expliqué, ne fait pas par lui-même la preuve de la régularité de la comptabilité ; que le représentant de la société a d'ailleurs signé le procès-verbal de carence constatant l'absence de pièces justificatives de comptabilité ; que les états de reconstitution des stocks produits ne sont pas probants par eux-mêmes ; que certains mentionnent des erreurs dans le suivi des stocks ; qu'ainsi, la société requérante n'a pas été en mesure de justifier la réalité du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle se prévalait au 1er janvier 1986 ; que, par suite, l'administration a pu, en application des dispositions susrappelées de l'article L. 177, rejeter le crédit de taxe imputable en 1986 ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée pour la période correspondant aux exercices clos en 1988 et 1989 :
Considérant que la comptabilité matière par millésimes effectuée par l'administration a fait apparaître des manquants ; que l'administration a estimé que ces manquants procèdent, pour les années 1988 et 1989, de la vente non déclarée de vins des millésimes des années 1985 et 1986, soit, pour 1985, 2 070 bouteilles AOC rouge et 13 929 bouteilles AOC blanc, et pour 1986, 6 646 bouteilles AOC rouge évaluées en tenant compte des pertes résultant de l'ensemble des opérations de vieillissement ; qu'au regard du prix de vente des millésimes 1985 et 1986, établi à partir des factures présentées par la société, les bouteilles manquantes ont été considérées comme vendues ; que, par suite, les recettes ont été rehaussées à due concurrence ; que la taxe sur la valeur ajoutée sur ces recettes s'est élevée à 8 855 F pour les bouteilles AOC rouge et 38 861 F pour les bouteilles AOC blanc de l'année 1985, et à 17 306 F pour les bouteilles AOC rouge de l'année 1986 ;
Considérant que la société, qui ne conteste pas le principe de la reconstitution de ses recettes, se borne à produire, de manière isolée, des données sur les stocks et les sorties sans aucune précision sur la façon dont celles-ci ont été établies et sans même indiquer dans ses écritures en quoi ces données contrediraient celles ayant servi de base à la reconstitution ; que, dans ces conditions, l'administration doit être tenue comme apportant la preuve des omissions de recettes qu'elle a soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. CHATEAU TILLEDE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la S.A. CHATEAU TILLEDE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société anonyme CHATEAU TILLEDE est rejetée.
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99BX00927