Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 18 septembre 1998 sous le n° 98BX01678, présentée pour la SA SODIBAG dont le siège social est avenue de l'Abbaye, Montauban (82000) ; la SA SODIBAG demande que la cour :
- annule le jugement en date du 19 mai 1998, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été réclamées au titre des années 1987, 1988, 1989 et 1990 sous les articles du rôle mis en recouvrement le 31 décembre 1992 à raison d'abandons de créances qu'elle avait consentis ;
- ordonne la décharge des impositions contestées ;
- condamne l'Etat à lui verser la somme de 25 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance fixant au 14 août 2001 la clôture de l'instruction ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2002 :
- le rapport de Mme Boulard, premier conseiller ;
- les observations de Me Y... substituant Me Z..., avocat pour la SA SODIBAG ;
- les observations de Mme X... de Saint Aignan, représentant le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
- et les conclusions de M. Heinis, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ;
Considérant que la SA SODIBAG, qui exploite à Montauban un centre commercial sous l'enseigne E. Leclerc, a assuré, avec d'autres sociétés membres de l'Association des centres distributeurs E. Leclerc (ACDLEC), le Aparrainage de la société Sebadis, créée en 1982, pour exploiter un centre commercial à proximité de Rodez sous cette enseigne ; que ce parrainage s'est notamment traduit par des engagements de caution à hauteur de plus de 10 millions de francs, souscrits par la SA SODIBAG auprès des établissements bancaires ayant financé la société Sebadis ; qu'à la suite de difficultés financières rencontrées par cette dernière société, la SA SODIBAG, de même d'ailleurs que les autres sociétés assurant le parrainage, après avoir porté sa participation dans le capital de la société Sebadis de 0,08 % à 19,92 %, lui a consenti d'importantes avances sans intérêts, puis a abandonné à partir de 1986 une partie de ces avances, pour un montant total de 2 930 000 F ; que l'administration a estimé que la renonciation de la SA SODIBAG à percevoir des intérêts sur les sommes avancées à la société Sebadis, ainsi que les abandons de créances consentis à celle-ci, étaient constitutifs d'actes anormaux de gestion ; qu'elle a en conséquence rapporté le montant des intérêts non perçus et celui des créances abandonnées aux résultats imposables de la société requérante des exercices clos en 1987 et 1988, soit un montant en bases, s'agissant des intérêts non perçus, de 185 859 F au titre de 1987 et de 19 417 F au titre de 1988, et, s'agissant des créances abandonnées, de 2 300 000 F au titre de 1987 et de 630 000 F au titre de 1988 ; que, dans son dernier mémoire produit le 27 juillet 2001 avant la clôture de l'instruction, la SA SODIBAG fait part de son Aacceptation pure et simple du redressement tenant aux intérêts non réclamés et s'engage à acquitter les impositions et pénalités qui en découlent ; que la société requérante doit ainsi être regardée comme se désistant purement et simplement de ses conclusions tendant à la décharge des droits et pénalités procédant de ce chef de redressement au titre de 1987 comme de 1988 ; que rien ne s'oppose à ce qu'il soit donné acte de ce désistement d'instance partiel ; que, par suite, le litige ne porte plus que sur les droits et pénalités procédant de la réintégration des créances abandonnées dans les résultats de la société au titre de 1987 et de 1988 ;
Considérant que l'abandon de créances consenti par une entreprise au profit d'un tiers, de même d'ailleurs que le fait pour celle-ci de fournir gratuitement sa caution, ne relèvent pas en règle générale d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; qu'il en va ainsi notamment lorsque les avantages consentis peuvent être regardés comme la conséquence d'engagements constituant la contrepartie des avantages que l'entreprise retire elle- même directement de son adhésion à une association ou à un groupement et du respect des conditions auxquelles l'appartenance à ce groupement est subordonnée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour assurer une sélection sur des critères plus professionnels que financiers des commerçants indépendants admis à exploiter en société un centre de distribution sous l'enseigne E. Leclerc, l'ACDLEC subordonne l'agrément des nouveaux membres au parrainage de ceux-ci par plusieurs centres de distribution préexistants ; que ce parrainage comporte, outre une assistance technique, l'engagement d'assumer une part importante du risque lié à l'investissement exigé pour l'ouverture d'un nouveau centre, et, en cas de difficultés rencontrées par ce dernier, celui de le soutenir financièrement ; que le manquement aux obligations de parrainage peut être une clause d'exclusion du groupement et de résiliation par voie de conséquence du contrat de panonceau ; qu'il n'est pas contesté que l'appartenance au réseau des centres de distribution E. Leclerc procure à chacune des sociétés du groupement des avantages de clientèle et de prix de revient liés notamment au renom de l'enseigne et aux économies ou ristournes réalisées sur les approvisionnements grâce à un Aréférencement national des fournisseurs et à l'utilisation de centrales d'achats à forme coopérative ;
Considérant que la SA SODIBAG établit qu'en venant en aide à la société Sebadis, elle a assumé les conséquences de son engagement de parrainage au profit de cette dernière ; qu'ainsi, elle doit être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt financier ; que, dans ces conditions, l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe en raison de la procédure d'imposition suivie, que les abandons de créances consentis par la SA SODIBAG à la société Sebadis constituaient des actes anormaux de gestion ; que, par suite, c'est à tort qu'elle a rapporté les sommes correspondantes aux résultats imposables de la société requérante au titre des exercices clos en 1987 et 1988 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA SODIBAG est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été réclamées à raison de la réintégration des créances abandonnées dans ses résultats imposables au titre de 1987 et 1988 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser à la SA SODIBAG la somme de 1500 euros ;
Article 1er : Il est donné acte à la SA SODIBAG du désistement d'instance de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie pour les exercices clos en 1987 et 1988, à raison de la réintégration dans ses résultats des intérêts non perçus.
Article 2 : La SA SODIBAG est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie pour les exercices clos en 1987 et 1988, à raison de la réintégration dans ses résultats des abandons de créances d'un montant en bases de 2 300 000 F au titre de 1987 et de 630 000 F au titre de 1988.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 mai 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat est condamné à verser à la SA SODIBAG une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.