Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour les 27 décembre 1994 et 6 mars 1995 présentés pour l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU LAIT ET DES PRODUITS LAITIERS (O.N.I.L.A.I.T.), dont le siège est ..., représenté par son directeur en exercice; l'O.N.I.L.A.I.T. demande à la Cour :
- d'annuler le jugement en date du 15 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a déclaré recevables les interventions de MM. X... et autres, et a annulé l'état exécutoire d'un montant de 2.898.191,69 F émis le 19 septembre 1991 à l'encontre de l'union laitière Pyrénées Aquitaine Charentes (U.L.P.A.C.) ;
- de rejeter la demande et les interventions présentées par l'U.L.P.A.C. et MM. X... et autres devant le tribunal administratif de Toulouse ;
- de condamner l'U.L.P.A.C. à lui verser la somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le règlement (C.E.E.) n 804-68 du Conseil des communautés européennes du 27 juin 1968 modifié ;
Vu le règlement (C.E.E.) n 857-84 du Conseil des communautés européennes du 31 mars 1984 ;
Vu le décret n 84-661 du 17 juillet 1984 ;
Vu le décret n 85-1144 du 30 octobre 1985 ;
Vu l'arrêté du 26 avril 1989 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 1997 :
- le rapport de M. VIVENS, rapporteur ;
- les observations de Me DUCROCQ, avocat de l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU LAIT ET DES PRODUITS LAITIERS et de Me FUNCK-BRENTANO, avocat de l'union laitière Pyrénées Aquitaine Charentes ;
- et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'état exécutoire émis par l'O.N.I.L.A.I.T. à l'encontre de l'union laitière Pyrénées Aquitaine Charentes (U.L.P.A.C.) après avoir admis l'intervention des producteurs de lait ;
Sur la recevabilité des interventions des producteurs de lait :
Considérant que le prélèvement supplémentaire mis à la charge de l'acheteur en cas de dépassement des quotas laitiers est répercuté sur les producteurs; qu'ainsi le jugement à rendre sur la demande de l'U.L.P.A.C. était susceptible de préjudice aux droits des producteurs intervenants; que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a déclaré leurs interventions recevables ;
Sur le bien-fondé de l'état exécutoire :
Considérant que par un règlement n 804-68 du 27 juin 1968 modifié notamment par le règlement n 856-84 du 31 mars 1984, le conseil des ministres de la communauté a institué un prélèvement dû par tout producteur ou acheteur de lait dépassant une quantité annuelle de référence; que pour la France, la formule B choisie fait de l'acheteur le redevable du prélèvement; que l'O.N.I.L.A.I.T. en vertu du décret du 17 juillet 1984 est chargé de procéder au recouvrement du prélèvement institué par la réglementation communautaire ;
Considérant, toutefois, que selon l'article 4 du règlement n 857-84, une quantité de référence supplémentaire peut être accordée à certains producteurs pour prendre en compte leur situation particulière; qu'en application de ce règlement l'arrêté du ministre de l'agriculture en date du 26 avril 1989 relatif à la campagne 1989-1990 prévoit en ses articles 7 et 9 : "Art.7 - Définition des producteurs prioritaires. Seuls peuvent bénéficier d'une attribution de référence supplémentaire : a) Les jeunes agriculteurs répondant aux conditions fixées par le décret du 27 mars 1981 modifié ou par le décret n 88-186 du 23 février 1988 susvisés, dans un délai maximum égal à celui prévu dans l'étude provisionnelle augmenté de deux ans ; b) Les titulaires d'un plan de développement ou d'un plan d'amélioration matérielle mentionnés par le décret du 30 octobre 1985 susvisé, dans un délai maximum égal à celui prévu pour la réalisation de leur plan augmenté d'un an ; c) Les bénéficiaires des aides instituées par le décret du 3 décembre 1981, dans un délai maximum égal à celui prévu pour la réalisation de leur plan ; d) Les producteurs preneurs évincés ; e) Les producteurs qui mettent en valeur une exploitation dont la quantité de référence laitière a été annulée du fait de l'octroi d'une prime de cessation d'activité laitière à laquelle le bénéficiaire ne pouvait prétendre ; Art. 9 - Ordre de priorité. Les quantités de références supplémentaires sont attribuées aux producteurs mentionnés à l'article 7, selon l'ordre de priorité suivant : 1. Les producteurs des catégories d et e ; 2. Les producteurs des catégories a, b et c ayant effectué leur installation ou fait agréer leur plan avant le 1er avril 1984; le préfet peut, après avis de la commission mixte, ne pas appliquer à ces producteurs le plafond fixé à l'article 8, deuxième alinéa ; 3. Les producteurs de la catégorie d installés après le 1er avril 1984 et avant le 30 mars 1988 ; 4. Les producteurs de la catégorie b ayant fait agréer leur plan après le 1er avril 1984 et avant le 30 mars 1988 ; 5. Les producteurs de la catégorie a installés à partir du 30 mars 1988. Ces références sont attribuées conformément à l'article 10-1 ; 6. Les producteurs de la catégorie b ayant fait agréer leur plan, à partir du 30 mars 1989. Ces références sont attribuées conformément à l'article 10-2. Les prioritaires d'une catégorie ne peuvent bénéficier d'attributions de références supplémentaires avant que les besoins des producteurs des catégories précédentes aient été complètement satisfaits" ; que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce qu'une différence de traitement soit instituée entre catégories de personnes placées dans des situations différentes; qu'en l'espèce l'arrêté incriminé en instaurant un ordre de priorité entre les producteurs selon la catégorie à laquelle ils appartiennent, n'a fait naître au détriment des producteurs titulaires d'un plan d'aménagement matériel aucune discrimination illégale, même s'il peut aboutir à exclure, de fait, certains agriculteurs reconnus prioritaires, du bénéfice de quantité de références supplémentaires ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé, pour annuler l'état exécutoire émis par l'O.N.I.L.A.I.T. à l'encontre de l'U.L.P.A.C. sur l'exception d'illégalité de l'article 9 de l'arrêté précité du 26 avril 1989 pour atteinte au principe d'égalité ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'U.L.P.A.C. devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Considérant que si les articles 4 et 23 du décret du 30 octobre 1985, pris pour l'application du règlement communautaire n 797/85 du 12 mars 1985 font obligation aux agriculteurs, titulaires de plans d'amélioration matérielle de l'exploitation (P.A.M.), d'atteindre les objectifs dudit plan au terme de sa réalisation, sous peine de perdre le bénéfice des aides suspendues à son agrément, l'article 16 du même décret dispose que "dans le cadre de la production laitière, les aides ( ...) ne peuvent être accordées que si l'exploitation dispose des quantités de référence nécessaires à l'augmentation de la production"; que si l'agrément préfectoral donné au titulaire d'un P.A.M. constitue une décision créatrice de droits, la délivrance de cet agrément n'imposait pas à l'administration d'accorder au bénéficiaire les quantités de référence supplémentaires nécessaires à la réalisation du P.A.M. ;
Considérant que nul n'a de droit acquis au maintien d'une réglementation; que si l'ordre de priorité défini par l'arrêté du 26 avril 1989 est moins favorable que celui résultant de la réglementation antérieure, il apparaît clairement qu'une telle modification ne porte pas atteinte aux principes communautaires de "sécurité juridique" et de "confiance légitime"; qu'ainsi, - et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de Justice des communautés européennes d'une question préjudicielle - , l'O.N.I.L.A.I.T. est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'état exécutoire émis à l'encontre de l'U.L.P.A.C. ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'U.L.P.A.C. à verser à l'O.N.I.L.A.I.T. la somme de 5.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 15 juillet 1994 est annulé.
Article 2 : La demande formée par l'union laitière Pyrénées Aquitaine Charentes devant le tribunal administratif de Toulouse, tendant à l'annulation de l'état exécutoire d'un montant de 2.898.191,69 F émis à son encontre par l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU LAIT ET DES PRODUITS LAITIERS est résiliée.
Article 3 : L'union laitière Pyrénées Aquitaine Charentes est condamnée à verser à l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU LAIT ET DES PRODUITS LAITIERS la somme de 5.000 F (cinq mille francs) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.