Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 10 janvier 1994 et 23 mars 1994 au greffe de la cour, présentés pour M. X... demeurant ... par Me Y... ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 20 octobre 1993 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er décembre 1992 du maire de la commune de Juvignac mettant fin à son contrat de professeur de musique et, d'autre part, n'a fait que partiellement droit à ses demandes indemnitaires ;
2°) d'annuler la décision susdite et de condamner la commune de Juvignac à lui verser une somme de 91.584 F ;
3°) de condamner la commune de Juvignac à lui verser la somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 novembre 1995 :
- le rapport de M. LABORDE, conseiller ;
- et les conclusions de M. BOUSQUET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X... demande la réformation du jugement en date du 20 octobre 1993 en tant que le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er décembre 1992 par laquelle le maire de la commune de Juvignac a mis fin à compter du 1er janvier 1993 à son engagement en qualité d'enseignant contractuel à temps incomplet à l'école de musique de ladite commune et, d'autre part, limité la condamnation de la commune à lui verser diverses indemnités ; que sa requête introductive d'instance contient un exposé suffisamment précis des faits et moyens et se réfère au mémoire ampliatif qui a été ultérieurement produit ; qu'elle est, par suite, recevable ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à partir de septembre 1986, M. X... a été engagé par la commune de Juvignac en qualité de professeur de batterie par contrats successifs à durée déterminée, le dernier prévoyant qu'à son terme, le 31 décembre 1990, il serait procédé à la rédaction d'un nouveau contrat pour une durée de un an ; que postérieurement à cette date, M. X... a été maintenu dans l'exercice des mêmes fonctions et rémunéré à ce titre par la commune de Juvignac sans toutefois qu'un nouveau contrat ait été passé entre la commune et l'intéressé ; que si les contrats écrits ne comportaient pas de clause de tacite reconduction, M. X... doit être regardé comme ayant exercé ses fonctions de professeur de batterie à compter du 1er janvier 1991 en vertu d'un contrat tacite qui le liait à la commune de Juvignac pour une durée indéterminée ;
Considérant que, par lettre du 1er décembre 1992, le maire de Juvignac a fait savoir à M. X... qu'il dénonçait son contrat à compter du 1er janvier 1993 et qu'il lui serait proposé un nouveau contrat à partir de cette date ; qu'eu égard aux conditions ci-dessus rappelées dans lesquelles M. X... exerçait ses fonctions depuis le 1er janvier 1991, cette lettre doit être regardée non comme l'annonce du non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée venant à terme le 31 décembre 1992, mais comme une décision portant résiliation d'un contrat tacite à durée indéterminée qui liait la commune de Juvignac à M. X... ;
Considérant, en premier lieu, que pour demander l'annulation de ladite décision, M. X... qui n'était plus titulaire depuis le 1er janvier 1991 d'un contrat écrit, ne peut utilement invoquer la violation de clauses contractuelles antérieures ou de dispositions adoptées par le conseil municipal de Juvignac pour la passation ou la dénonciation de tels contrats ;
Considérant, en deuxième lieu, que si M. X... allègue qu'en application des dispositions des articles 136 et 126 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, il ne pouvait être licencié que pour insuffisance professionnelle ou pour motif disciplinaire, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il remplissait la condition, prévue à l'article 126, d'avoir été en fonction à la date de publication de ladite loi ; que les démarches qu'il a entreprises le 17 février 1992 pour être intégré, sur le fondement d'autres dispositions, dans le cadre d'emplois des professeurs territoriaux d'enseignement artistique constitué par le décret n° 91-857 du 2 septembre 1991, ne sont pas de nature à établir qu'il avait vocation à être titularisé conformément aux dispositions de la loi susmentionnée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, par la décision attaquée, le maire de Juvignac n'a pas supprimé les emplois d'enseignant à l'école de musique ; que, par suite, les moyens tirés de ce qu'il n'aurait pu procéder à une telle suppression qu'après décision préalable de son conseil municipal et avis du comité technique paritaire sont en tout état de cause inopérants ;
Considérant, en quatrième lieu, que, pour demander l'annulation de la décision attaquée, M. X... ne peut utilement exciper de l'illégalité de son contrat de recrutement signé le 9 octobre 1990 pour la période du 1er octobre 1990 au 31 décembre 1990 ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes des articles 39 et 40 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale :
"Article 39. - l'agent non titulaire qui présente sa démission est tenu de respecter un préavis qui est de huit jours au moins si l'intéressé a accompli moins de six mois de services, d'un mois au moins s'il a accompli des services d'une durée égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans, de deux mois au moins si la durée des services est égale ou supérieure à deux ans. Article 40. - l'agent non titulaire engagé pour une durée déterminée ne peut être licencié par l'autorité territoriale avant le terme de son engagement qu'après un préavis qui lui est notifié dans les délais prévus à l'article 39 ... Les mêmes règles sont applicables à tout licenciement d'agent non titulaire engagé pour une durée indéterminée" ; que si le maire de Juvignac n'a pris sa décision de mettre fin à l'engagement de M. X... que le 1er décembre 1992 pour prendre effet le 1er janvier 1993, la méconnaissance du délai de préavis institué par l'article 39 précité du décret du 15 février 1988 n'est pas susceptible d'entraîner l'illégalité de ladite décision ; qu'elle est seulement susceptible d'engager la responsabilité de l'administration si elle a fait naître un préjudice ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er décembre 1992 ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant que la commune de Juvignac oppose aux conclusions à fin d'indemnité une fin de non recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux par une demande d'indemnité préalable ; que cependant si le contentieux n'a pas été lié par une demande d'indemnité de préavis ni par une demande de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de la transmission tardive de l'attestation d'employeur nécessaire à la constitution d'un dossier d'allocation pour perte d'emploi et que les conclusions de la requête sont, par suite, irrecevables en ce qui concerne ces deux chefs de préjudice, il ressort cependant des pièces du dossier que la commune de Juvignac a rejeté le 4 mars 1993 une demande tendant au versement des salaires du mois de janvier et février 1993 et des indemnités de licenciement ; qu'ainsi les conclusions de la requête sont recevables en tant qu'elle concernent ces deux derniers chefs de préjudice ;
Considérant, d'une part, que la commune de Juvignac n'étant plus liée par contrat à M. X... à compter du 1er janvier 1993, ce dernier n'est pas fondé à lui demander, en application des dispositions contractuelles antérieures, le versement de salaires pour service fait à partir de cette date, ni une indemnité représentative de congés payés, laquelle, au demeurant n'est prévue, pour l'ensemble des agents publics non titulaires, par aucun texte de portée générale ni aucun principe général ; que le tribunal administratif de Montpellier n'a pas fait une inexacte appréciation du préjudice résultant de la non rémunération des cours de musique que M. X... a continué à dispenser jusqu'au 15 mars 1993 en fixant ce chef de préjudice à la somme de 5.000 F ; que, dès lors, les conclusions de la requête tendant à ce que l'indemnité accordée pour ce chef de préjudice soit réévaluée doivent être rejetées ;
Considérant, d'autre part, que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 1er décembre 1992 étant rejetées par le présent arrêt, le requérant n'est pas fondé à invoquer un préjudice né de l'illégalité de ladite décision ; que, par suite, les conclusions tendant à la condamnation de la commune de Juvignac à verser à M. X... une indemnité pour résiliation abusive du contrat doivent être rejetées ;
Considérant, enfin, que la commune de Juvignac n'invoquant aucune des exceptions prévues par l'article 44 du décret du 15 février 1988, doit verser au requérant l'indemnité de licenciement prévue à l'article 43 dudit décret, calculée suivant les modalités prévues aux articles 45 à 49 du même décret ; que l'état de l'instruction ne permet pas de calculer le montant de ladite indemnité ; qu'il y a lieu de renvoyer le requérant devant le maire de Juvignac pour y être procédé à la liquidation de cette indemnité de licenciement ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant, d'une part, que la commune de Juvignac succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que M. X... soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner la commune de Juvignac à payer à M. X... une somme de 5.000 F au titre des sommes exposées et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La somme de 4.500 F que la commune de Juvignac a été condamnée à verser à M. X... par le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 octobre 1993 est augmentée de l'indemnité de licenciement calculée et liquidée suivant les modalités prévues aux article 45 à 49 de décret n° 88-145 du 15 février 1988.
Article 2 : M. X... est renvoyé devant la commune de Juvignac afin qu'il soit procédé au calcul et à la liquidation de l'indemnité de licenciement.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 20 octobre 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté ainsi que les conclusions de la commune de Juvignac tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.