Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 21 février 1994 présentée pour M. et Mme Michel Y... demeurant ... (Landes) par Me X... avocat ;
Les requérants demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 90 0416 F en date du 15 décembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Pau ne leur a accordé qu'une décharge partielle des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1982 ;
2°) de prononcer la décharge demandée de ces impositions ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 5.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 1995 :
- le rapport de M. J. L. LABORDE, conseiller ; - et les conclusions de M. BOUSQUET, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le tribunal administratif de Pau a été saisi de deux demandes distinctes, l'une émanant de M. et Mme Michel Y... et l'autre de M. et Mme Alain Y... relatives respectivement aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ces deux foyers fiscaux ont été assujettis au titre de l'année 1982 ; que compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu et quels que fussent, en l'espèce, les liens de fait et de droit entre ces deux impositions, le tribunal devait statuer par deux décisions séparées à l'égard de M. et Mme Michel Y... d'une part et de M. et Mme Alain Y... d'autre part ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal administratif a prononcé la jonction de ces deux instances ; que, dès lors, son jugement doit être annulé en tant qu'il a statué sur les impositions de M. et Mme Michel Y... en même temps que sur celles de M. et Mme Alain Y... ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif par M. et Mme Michel Y... ;
Sur l'assujettissement à l'impôt :
Considérant que selon les dispositions combinées des articles 38-1 et 39 duodecies du code général des impôts, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont imposables à l'impôt sur le revenu suivant les modalités prévues audit article 39 duodecies ; qu'il s'ensuit que, dans le cas de dissolution d'une société entrant dans le champ d'application des dispositions précitées du code, les anciens associés doivent être imposés à raison des plus- values dégagées par le retrait de l'actif social immobilisé de l'ensemble des biens qui le composent ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société de fait, constituée entre Mme Yvette Y... et son fils Alain, pour l'exploitation de cinq fonds de commerce de travaux photographiques et de vente de matériel photo, audio et vidéo, et soumise au régime d'imposition selon le bénéfice réel, s'est trouvée dissoute à partir du mois d'octobre 1982 en raison du retrait, par virement au compte courant de Mme Yvette Y... de la valeur de ses éléments d'actif et de la mise en location gérance par Mme Y... des cinq fonds de commerce comprenant le nom commercial, la clientèle, le matériel et mobilier servant à l'exploitation et le droit au bail des locaux restant à courir ; que si les deux associés qui, en application des articles 8 et 38 du code général des impôts ont été assujettis à des compléments d'impôt à raison des plus-values dégagées lors du retrait de l'actif social immobilisé soutiennent que la société de fait n'a pas été dissoute en se fondant sur un avenant au contrat de location gérance passé neuf ans plus tard, le 1er juin 1991, il ressort d'une part, de l'attestation du 21 octobre 1982 signée par la société de fait et relative à la taxe sur la valeur ajoutée sur immobilisations, et d'autre part, des déclarations faites à la même époque au registre du commerce, tant par Mme Yvette Y... qui déclarait personnellement louer des fonds de commerce que par la S.A.R.L. Y... et fils locataire gérante desdits fonds que Mme Yvette Y... était à la date du 29 octobre 1982 devenue seule propriétaire desdits fonds du matériel et des droits y attachés ; qu'ainsi, lesdits biens, auparavant compris dans l'actif social, ayant été transférés dans le patrimoine privé de Mme Yvette Y..., les plus-values réalisées par la société de fait par leur retrait de l'actif social ont revêtu le caractère de profit social et ont pu, en application des articles précités du code général des impôts être imposés à l'impôt sur le revenu entre les mains des deux associés suivant une quote part correspondant aux droits de chacun dans la société de fait ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les rehaussements envisagés par l'administration après vérification de la comptabilité de la société de fait
Y...
et fils ont été notifiés à celle-ci suivant la procédure contradictoire les 21 mars et 1er avril 1985 ; que les redressements qui concernaient la détermination de la plus-value taxable pour chaque fonds de commerce étaient assortis d'une motivation de nature à permettre à la société de faire parvenir son acceptation ou ses observations ; que, de même, par notifications adressées le 1er avril 1985 à Mme Yvette Y... associée de la société de fait, le vérificateur a fait connaître à celle-ci que les redressements qu'il se proposait d'apporter à la base d'imposition étaient consécutifs à la vérification de comptabilité de la société et lui a indiqué, pour la plus-value redressée de chaque fonds de commerce, la nature, le montant des redressements et les modalités de leur calcul ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des redressements au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit en tout état de cause être écarté ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 201 du code général des impôts : "1. Dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, ou d'une exploitation agricole dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi. Les contribuables doivent, dans un délai de trente jours déterminé comme il est indiqué ci-après, aviser l'administration de la cession ou de la cessation .... Si les contribuables imposés d'après leur bénéfice réel ne produisent pas les déclarations ou renseignements visés au 1 ..., les bases d'imposition sont arrêtées d'office ..." ; que la société de fait
Y...
et fils n'ayant pas déposé dans le délai prescrit la déclaration de cessation de son activité s'est ainsi placée en situation de voir ses résultats évalués d'office ;
Considérant enfin qu'aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : "En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'Administration des impôts et la société elle-même" ; qu'il résulte de ces dispositions que dans le cas d'une société de fait, le rehaussement du bénéfice réalisé par la société et le redressement des bases d'imposition de l'associé à raison de sa part de bénéfices sociaux constituent les éléments d'une même procédure ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartient aux requérants d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition qu'ils contestent ;
Sur le montant des impositions :
Considérant, que les plus-values de cession des fonds de commerce ayant conduit aux redressements contestés mis en recouvrement le 30 juin 1986 ont été calculées par le vérificateur en fixant la valeur réelle de cession desdits fonds à 70 % de leur chiffre d'affaires moyen des trois dernières années ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la S.T.E.F. Y... a déclaré au titre des trois derniers exercices précédant sa dissolution un montant de chiffre d'affaires s'élevant à 6.557.954 F TTC selon l'administration et 6.656.162 F selon les propres écritures de la société dans sa demande au tribunal administratif de Pau ; que les redressements de recettes, par la suite abandonnés par le service, ne sont pas compris dans cette somme ; que le vérificateur a procédé à une ventilation des recettes à partir des éléments d'exploitation propres à chacun des fonds figurant sur les documents comptables et a chiffré à 6.113.779 F le total du chiffre d'affaires triennal après déduction du chiffre d'affaires réalisé par le fonds de Soustons, situé route du Vieux Boucau, et de la part estimée de chiffre d'affaires non représentative de clientèle ; que si le vérificateur a apprécié cette dernière déduction ainsi que la part des recettes correspondant aux "dépôts-exonérés-cessions", de façon globale et l'a répartie en fonction du rapport existant entre le chiffre d'affaires propre à chaque fonds et le chiffre d'affaires global, cette circonstance ne suffit pas à démontrer que la méthode d'évaluation adoptée par lui a été excessivement sommaire ou viciée en son principe dès lors que le vérificateur a appliqué un taux de valorisation uniforme à l'ensemble des recettes réalisées par chacun des fonds ; que les requérants qui ne proposent pas d'autre méthode susceptible d'aboutir à une meilleure appréciation ne justifient ni de l'inscription en comptabilité d'un chiffre d'affaires total de 5.585.620 F pour trois ans ni que la comptabilité de certains fonds aurait permis d'individualiser des recettes non représentatives de chiffre d'affaires d'un montant supérieur à celui retenu par le vérificateur pour les déduire de ses bases de calcul ;
Considérant cependant que les requérants apportent au dossier des éléments de nature à établir que le pourcentage retenu de 70 % du chiffre d'affaires pour évaluer le fonds de commerce est exagéré, eu égard à l'activité réelle desdits fonds, de leur situation particulière et des taux couramment pratiqués pour procéder à l'évaluation de tels fonds à partir du chiffre d'affaires ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, il y a lieu de limiter cette évaluation en appliquant au chiffre d'affaire le taux de 40 % admis par les requérants ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme Michel Y... sont fondés à demander la réduction à partir des bases définies ci-dessus de leurs cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1982 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner l'Etat à payer à M. et Mme Michel Y... la somme de 8.000 F ;
Sur la demande de sursis de paiement :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, le tribunal administratif ne pouvait connaître des demandes de sursis de paiement formulées par les contribuables à l'occasion de leurs réclamations que par la voie d'un appel interjeté contre la décision du juge du référé administratif, lui-même saisi de la décision prise par le comptable chargé du recouvrement de l'impôt ;
Considérant qu'il est constant que la demande de M. et Mme Michel Y... n'a pas été soumise au juge du référé administratif ; que, par suite, lesdites conclusions ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 15 décembre 1993 est annulé.
Article 2 : Le montant de la plus-value imposable réalisée par M. et Mme Michel Y... est fixée en tenant compte d'une valeur de cession des fonds de commerce égale à 40 % du chiffre d'affaire moyen retenu par le service, soit 93.500 F de plus-value à court terme 295.250 F de plus value à long terme.
Article 3 : M. et Mme Y... sont déchargés des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 2.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Pau et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 5 : L'Etat versera à M. et Mme Michel Y... une somme de 8.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.