Vu la requête, enregistrée le 25 mars 1994 au greffe de la cour présentée pour le GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LES GUILLONS dont le siège est à Ladiville (Charente) ;
Le G.F.A. LES GUILLONS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 26 janvier 1994 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et de condamner l'Etat à lui payer une somme de 8.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 1995 :
- le rapport de M. LOOTEN, conseiller ;
- et les conclusions de M. BOUSQUET, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la régularité de la notification de redressement :
Considérant qu'une notification de redressement a été adressée au G.F.A. LES GUILLONS le 5 novembre 1986 ; que la circonstance que l'envoi de cette notification a été précédé de l'expédition, le 8 septembre 1986, d'une notification adressée personnellement à M. Michel X..., est sans influence sur la régularité de la notification du 5 novembre 1986 ;
En ce qui concerne la réponse aux observations du contribuable :
Considérant qu'à supposer que le G.F.A. LES GUILLONS n'ait pas reçu copie de la réponse aux observations du contribuable du 7 juillet 1989, il n'est pas contesté que M. Michel X... a effectivement reçu la lettre du 17 août 1989 par laquelle le vérificateur lui a adressé, es-qualité de gérant du G.F.A., copie de la réponse adressée au G.F.A. LES GUILLONS ; qu'ainsi il ne saurait utilement soutenir qu'il n'a pas été répondu aux observations du requérant conformément à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne la saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit :
Considérant que le requérant ne saurait utilement soutenir que du fait de la non-distribution de la réponse du 7 juillet 1989 à ses observations et des termes de la lettre du 17 août 1989 il n'a pu saisir le comité dans le délai prévu à l'article R.64-2 du livre des procédures fiscales dès lors que ce délai n'a été institué que par le décret n° 91-1386 du 26 décembre 1991, lequel n'est pas applicable en l'espèce ; qu'il ne saurait davantage soutenir que la lettre du 17 août 1989 aurait précisé "expressément qu'aucune nouvelle possibilité d'action n'était laissée en la matière au contribuable" dès lors que les termes de cette lettre ne font aucune référence à la saisine du comité consultatif ;
En ce qui concerne la date de début des opérations de vérification :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les opérations de vérifications auraient commencé avant la date du 7 mai 1986 mentionnée sur l'avis de vérification comme étant celle du début de la vérification de comptabilité ; qu'en se bornant à relever que l'administration a fait état, dans sa lettre du 25 mars 1986, de l'utilisation commune et indifférenciée par les deux sociétés des terres, du matériel d'exploitation et des chais d'exploitation, le requérant n'établit pas que l'administration n'a pu émettre cette hypothèse qu'au vu de renseignements recueillis sur place ; qu'en outre, l'examen critique des déclarations du contribuable ne constitue pas une vérification de comptabilité ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la vérification aurait commencé avant que le contribuable ait pu se faire assister par un conseil de son choix ne peut être retenu ;
En ce qui concerne la régularité de l'avis de mise en recouvrement :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : "L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 comporte :1°) les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2°) Les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités, ou intérêts de retard, qui constituent la créance. Toutefois les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement. De même, ils n'ont pas à être portés lorsque le contribuable n'a pas fait la déclaration nécessaire au calcul des droits" ;
Considérant que, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus le requérant n'avait pas fait au titre de la période vérifiée la déclaration nécessaire au calcul des droits de taxe sur la valeur ajoutée dont il était redevable, l'administration était dispensée de porter les éléments de ce calcul dans l'avis litigieux par la dernière phrase du texte précité ; qu'en outre la circonstance que l'avis de mise en recouvrement a mentionné la période de janvier 1981 à décembre 1986 alors que la vérification a porté sur la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985 est sans influence sur la régularité de la procédure ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 298 bis du code général des impôts que les exploitants agricoles sont soumis de plein droit au régime réel prévu par le I de ce texte lorsque le montant annuel moyen des recettes de l'ensemble de leurs exploitations, calculé sur deux années civiles consécutives, dépasse 300.000 F ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction en vigueur en 1986 : "Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : c) qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention ; L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. Si elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit ou ne s'est pas rangée à l'avis de ce comité, il lui appartient d'apporter la preuve du bien-fondé du redressement" ; que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles qu'elle supporte la charge de la preuve, elle doit pour pouvoir écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le G.F.A. LES GUILLONS dont le gérant, M. Michel X..., détenait plus de 90 % des parts au début de la période vérifiée et plus de 98 % depuis 1984, a conclu pour l'exploitation en fermage du domaine dont il est propriétaire sur les communes de Ladiville et Jurignac (Charente), des baux à long terme en date du 9 mars 1981 avec la société civile d'exploitation agricole "Moitié et fils" et la S.C.E.A. "du Petit Guillon" ; que ces deux sociétés associent d'une part M. Michel X..., qui en est également le gérant et en détient 80 % des parts, et d'autre part ses deux fils Pierre et Jean-Michel X... ; que les deux S.C.E.A. susmentionnées ne versaient aucun fermage au G.F.A. LES GUILLONS, ne tenaient aucune comptabilité et n'avait aucune activité sociale ; qu'elles employaient le même personnel et utilisaient en commun les mêmes bâtiments et les mêmes matériels, lesquels appartenaient à M. Michel X... ou avait été acquis en commun par les deux S.C.E.A. ; que la livraison des récoltes de céréales étaient effectuées de manière groupée, leur facturation et paiement étant établis au nom des deux sociétés ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance que Mme X... étaient associée du G.F.A. et non des S.C.E.A., l'administration doit être regardée comme établissant le caractère fictif de ces sociétés qui n'avaient aucune activité autonome et par voie de conséquences des baux passés avec elles par le G.F.A. LES GUILLONS ; que par suite, elle doit également être regardée comme établissant que ce dernier est l'exploitant des terres qu'il posséde et qu'il doit seul être imposé au titre des recettes provenant de cette exploitation ; qu'eu égard au montant de ces recettes, qui s'élevaient pour les années 1982, 1983, 1984 et 1985 aux sommes respectives de 668.130 F, 398.823 F, 506.762 F et 552.322 F, le G.F.A. LES GUILLONS relevait à compter du 1er janvier 1983 du régime réel prévu par le I de l'article 298 bis du code général des impôts ;
Sur les pénalités :
Considérant en premier lieu que les circonstances de fait entraînant l'application de la pénalité de 80 %, soit la dissimulation de la portée véritable d'un contrat entraînant la mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit et la base légale de cette pénalité, l'article 1729 du code général des impôts, ont été indiquées dans la réponse aux observations du contribuable ; qu'ainsi la décision de l'administration d'appliquer ces pénalités a été motivée au sens des dispositions de l'article 1er de la loi 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Considérant en second lieu qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l'administration d'informer le contribuable qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations sur la décision d'appliquer des pénalités ; que le moyen tiré par le requérant de ce que l'instruction administrative 13 A-1-84 du 4 juin 1984 prévoirait pour l'administration l'obligation d'informer le contribuable, lors de la motivation des pénalités, de ce qu'il dispose d'un délai de trente jours pour faire connaître ses observations ne peut être utilement soutenu ni sur le fondement de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 dès lors qu'une telle obligation n'est pas prévue par la loi ni, s'agissant d'une doctrine relative à la procédure contentieuse, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi le G.F.A. LES GUILLONS n'est pas fondé à soutenir qu'il y aurait lieu d'appliquer en l'espèce les dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales en vertu duquel la juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le G.F.A. LES GUILLONS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que le G.F.A. LES GUILLONS succombe en la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui rembourser les frais irrépétibles qu'il a exposés au cours de l'instance doit être rejetée ;
Article 1er : La requête du G.F.A. LES GUILLONS est rejetée.