Vu la requête, enregistrée le 31 août 1993 au greffe de la cour présentée pour la S.A.R.L. PLAGE ET SOLEIL dont le siège est Camping Mar Estang, Route de Saint-Cyprien, Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Atlantiques) ;
La S.A.R.L. PLAGE ET SOLEIL demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 17 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 1979 à 1984 et de la période du 1er octobre 1978 au 30 septembre 1984 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 1995 :
- le rapport de M. LOOTEN, conseiller ; - et les conclusions de M. BOUSQUET, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision en date du 6 mai 1994 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux des Pyrénées-Orientales a prononcé le dégrèvement des pénalités, à concurrence d'une somme de 417.172 F, dont a été assorti le complément d'impôt auquel la S.A.R.L. PLAGE ET SOLEIL a été assujettie au titre des années 1978 à 1982 ; que les conclusions de la requête de la S.A.R.L. PLAGE ET SOLEIL relatives à ces pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Considérant en outre qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'amende prévue à l'article 1763 A du code général des impôts, d'un montant de 2.704.334 F a été dégrevée par décision du 31 août 1992 ; qu'il y a lieu par suite d'en donner acte ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que par son mémoire enregistré le 3 juin 1993 au greffe du tribunal, lequel mémoire venait confirmer le texte transmis par télécopie en date du 2 juin 1993, enregistrée au greffe du tribunal le même jour, la S.A.R.L PLAGE ET SOLEIL soulevait notamment le moyen tiré du défaut de motivation des notifications de redressement en date des 20 décembre 1983, 27 novembre 1984, 11 avril 1985 et 30 mai 1986 ; que le tribunal s'est cependant abstenu de répondre à ce moyen ; que par suite, la S.A.R.L. PLAGE ET SOLEIL est fondée à soutenir que cette omission est de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué et à demander, en conséquence, que celui-ci soit annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la S.A.R.L. PLAGE ET SOLEIL devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'application de l'article L.51 du livre des procédures fiscales :
Considérant qu'aux termes de l'article L.51 du livre des procédures fiscales : "Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. Toutefois, il est fait exception à cette règle lorsque la vérification a été limitée à des opérations déterminées ainsi que dans les cas prévus aux articles L.176 en matière de taxes sur le chiffre d'affaires et L.187 en cas d'agissements frauduleux". ;
Considérant qu'un premier avis de vérification a été adressé le 12 avril 1983 et informait la société de la vérification de la comptabilité des exercices clos de 1979 à 1982 ; que les notifications de redressements des 20 décembre 1983, 27 novembre 1984 et 11 avril 1985 ne concernaient respectivement qu'une partie des opérations vérifiées en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, soit l'exercice clos en 1979 et la période du 1er octobre 1978 au 30 septembre 1979 pour la première notification, l'exercice clos en 1980 pour la seconde et du 1er octobre 1979 au 30 septembre 1980 pour la seconde et les exercices clos en 1981 et 1982 ainsi que la période du 1er octobre 1980 au 30 septembre 1982 pour la troisième ; que la vérification des exercices clos en 1983 et 1984 en matière d'impôt sur les sociétés et de la période du 1er octobre 1982 au 30 septembre 1984 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, a été précédée d'un second avis de vérification adressé le 27 août 1985 à la société requérante et a été clôturée par la notification de redressement du 29 août 1986 ; que si une nouvelle notification a été adressée le 29 août 1986, elle ne résulte pas de nouvelles investigations au sein de la société ; qu'enfin aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de porter sur une notification de redressement mention de ce qu'elle interrompt la prescription ; que par suite la S.A.R.L. PLAGE ET SOLEIL n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées de l'article L.51 du livre des procédures fiscales auraient été méconnues, ainsi que, en tout état de cause, la doctrine issue de la documentation administrative 13 L 1315 ;
En ce qui concerne l'envoi d'avis de vérification :
Considérant qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier que les opérations de vérification concernant chacune des périodes vérifiées auraient commencé avant les dates indiquées par les avis de vérification des 12 avril 1983 et 27 août 1985, dont il a été accusé réception les 14 avril 1983 et 30 août 1985, soit respectivement les 27 avril 1983 et 11 septembre 1985 ; qu'en particulier, l'avis de vérification en date du 12 avril 1983 se borne à fournir les indications prévues par l'imprimé n° 3927 de la direction générale des impôts ; qu'ainsi, pour chacune des vérifications dont s'agit, la société requérante a disposé d'un délai suffisant pour préparer sa défense ;
En ce qui concerne la motivation des notifications de redressement sus-mentionnées :
Considérant que par la notification de redressements sus-mentionnée du 20 décembre 1983, l'administration a fait connaître à la société requérante, les impôts concernés, le montant des bases, les motifs des redressements et la catégorie des revenus concernés ; qu'en particulier, en qualifiant de recettes imposables à l'impôt sur les sociétés les versements de 109.881 F, 11.000 F, 144.000 F et 23.000 F effectués au Crédit du Nord au bénéfice de la société en juillet, août et septembre 1979, l'administration doit être regardée comme ayant suffisamment motivé sa notification ;
Considérant que s'agissant des autres notifications, elles indiquent les motifs de rejet de la comptabilité, le montant des redressements que l'administration se proposait d'apporter aux recettes en précisant les éléments pris en compte pour la reconstitution desdites recettes à savoir les recettes perçues sur le compte personnel de M. X..., sur les comptes sociaux de l'entreprise, sur les fiches clients du camping, et sur les facturations établies, les erreurs de taux en matière de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a été amenée à corriger, la réintégration de dépenses seulement susceptibles d'amortissements ou ne concernant pas l'entreprise, les cessions immobilières n'ayant pas fait l'objet de reversement de taxe sur la valeur ajoutée par des tiers ; que ces notifications étaient ainsi suffisamment motivées au sens de l'article L.76 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que la société requérante se borne à soutenir que la motivation insuffisante des notifications de redressement ne lui a pas permis de vérifier le bien-fondé de l'imposition ; qu'il résulte cependant de ce qui précède que l'administration a fait connaître au contribuable sa méthode de reconstitution des recettes imposables qu'il appartenait à la société requérante de critiquer ;
Sur les pénalités appliquées :
En ce qui concerne les pénalités d'assiette mises à la charge de la société :
Considérant que s'agissant des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles la société a été assujettie au titre des exercices clos de 1979 à 1982 et des périodes du 1er octobre 1978 au 30 septembre 1982 et du 1er octobre 1982 au 30 septembre 1983 seuls demeurent contestés les intérêts et indemnités de retard ; que ceux-ci ne constituent ni une décision administrative individuelle défavorable au sens de l'article 1er de la loi 79-587 du 11 juillet 1979 ni une sanction fiscale au sens de l'article 42 de la loi du 30 décembre 1986 portant loi de finances pour 1987 ; que par suite le moyen tiré de ce que la doctrine administrative BODGI 13L-3-81 et 13L-9-85 prévoierait la motivation des intérêts de retard ne peut être utilement soutenue sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 ; qu'en tout état de cause, pour critiquer l'application de ces intérêts par l'administration, la société ne saurait utilement invoquer les articles 6-1 et 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que du protocole additionnel à ladite convention, dès lors que lesdits intérêts ne constituent pas des sanctions ainsi qu'il a été dit ci-dessus ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat, en application des dispositions précitées, à payer à la société requérante la somme de 25.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1ER : Le jugement en date du 17 juin 1993 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : A concurrence des sommes de 2.704.334 F et de 417.172 F, en ce qui concerne les pénalités dont était assorti le complément d'impôt sur les sociétés auquel la S.A.R.L. PLAGE ET SOLEIL a été assujettie au titre des années 1978 à 1982, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la S.A.R.L. PLAGE ET SOLEIL.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de la S.A.R.L. PLAGE ET SOLEIL est rejeté.