Vu la requête enregistrée le 17 juin 1993 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux présentée pour M. Raymond X... demeurant ... à Saint-Nazaire (Pyrénées-Orientales), par Me Bellecave, avocat ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 9 avril 1993 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 17 janvier 1990 du directeur de l'office des migrations internationales rejetant son recours gracieux dirigé contre l'état exécutoire émis à son encontre le 29 juin 1989 et le déclarant débiteur de la somme de 89.280 F au titre de la contribution spéciale instituée par l'article L.341-7 du code du travail ;
2°) annule l'état exécutoire et la décision précités ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 novembre 1994 :
- le rapport de M. de MALAFOSSE, conseiller ;
- les observations de Me BELLECAVE, avocat de M. X... ;
- et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, postérieurement à l'introduction de l'appel, l'office des migrations internationales a ramené à 44.640 F le montant de la contribution spéciale mise à la charge de M. X... en application de l'article L.341-7 du code du travail ; que, dans cette mesure, la requête est devenue sans objet ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'eu égard aux termes de l'article 177 du traité instituant la communauté économique européenne, le tribunal administratif n'était pas tenu, avant de statuer sur la demande de M. X..., de saisir la cour de justice des communautés européennes afin qu'elle se prononce sur la question, soulevée par le requérant, de la compatibilité entre, d'une part le traité instituant la communauté économique européenne et la charte sociale européenne du 18 octobre 1961 et, d'autre part, les articles 55 et 56 du traité relatif à l'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République Portugaise aux communautés européennes ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R.188 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans le cas de demande en inscription de faux contre une pièce produite, le tribunal administratif ...fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, le tribunal peut sursoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux par le tribunal compétent, soit statuer au fond, s'il reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux" ; qu'il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif ne s'est pas fondé sur les énonciations du document daté du 30 mai 1988 arguées de faux par M. X... mais sur les constatations de fait retenues par la cour d'appel de Montpellier à l'appui de son arrêt du 14 mars 1990 par lequel elle a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Perpignan déclarant M. X... coupable du délit d'emploi d'étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée en France ; que, dès lors qu'ils estimaient que la solution du litige ne dépendait pas de la pièce arguée de faux, les premiers juges pouvaient ainsi statuer au fond sans faire droit à la demande de sursis à statuer qui leur était présentée ;
Au fond :
Considérant qu'aux termes de l'article L.341-6 du code du travail : "Il est interdit à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ..." et qu'aux termes de l'article L.341-7 du même code, "sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L.341-6, premier alinéa, sera tenu d'acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l'office des migrations internationales" ;
Considérant que, par jugement en date du 20 octobre 1989, confirmé en appel par l'arrêt de la cour de Montpellier du 14 mars 1990 précité dont l'office des migrations internationales affirme sans être démentie qu'il est devenu définitif, le tribunal correctionnel de Perpignan a reconnu M. X... coupable d'avoir employé, courant 1987, trois ressortissants espagnols non munis de titres les autorisant à exercer une activité salariée en France ; que les faits ainsi constatés par le juge pénal, auxquels s'attache l'autorité de la chose jugée, ne sauraient être remis en question devant le juge administratif ; que le requérant ne saurait utilement soutenir, à l'occasion du litige l'opposant à l'office des migrations internationales sur la contribution spéciale litigieuse, que le délit pour lequel il a été ainsi condamné serait au nombre des délits amnistiés par la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie ; que les faits à raison desquels la contribution spéciale litigieuse a été mise à la charge de M. X... doivent, par suite, être regardés comme établis sans qu'il y ait lieu ni de sursoir à statuer sur l'inscription de faux contre le document du 30 mai 1988 ni d'examiner la contestation par le requérant de la matérialité des faits litigieux ; que M. X... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la contribution litigieuse a été mise à sa charge sans que les conditions fixées à l'article L.341-6 du code du travail fussent réunies ;
Considérant, il est vrai, que M. X... soutient que les dispositions dudit article L.341-6 n'étaient pas, à la date des faits litigieux, applicables à l'emploi de ressortissants espagnols en raison tant des dispositions de l'article 48 du traité instituant la communauté économique européenne que de la déclaration de ladite communauté relative à l'accès des travailleurs espagnols et portugais aux emplois salariés dans les Etats membres actuels ;
Mais considérant qu'aux termes de l'article 55 du traité relatif à l'adhésion du Royaume d'Espagne et la République Portugaise aux communautés européennes : "L'article 48 du traité CEE n'est applicable, en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs entre l'Espagne et les autres Etats membres, que sous réserve des dispositions transitoires prévues aux articles 56 à 59 du présent acte" et qu'aux termes de l'article 56 du même traité : "Les articles 1er à 6 du règlement (CEE) n° 1612-68 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la communauté ne sont applicables en Espagne à l'égard des ressortissants des autres Etats membres et dans les autres Etats membres à l'égard des ressortissants espagnols qu'à partir du 1er janvier 1993. Le Royaume d'Espagne et les autres Etats membres ont la faculté de maintenir en vigueur jusqu'au 31 décembre 1992, respectivement à l'égard des ressortissants des autres Etats membres, d'une part, et des ressortissants espagnols, d'autre part, les dispositions nationales ou résultant d'accords bilatéraux soumettant à autorisation préalable l'immigration en vue d'exercer un travail salarié et/ou l'accès à un emploi salarié" ; qu'il résulte de ces stipulations et du règlement n° 2194/91 du conseil des communautés européennes du 25 juin 1991 qui a avancé au 31 décembre 1991 la fin de la période transitoire prévue par les articles 56 et 59 précités de l'acte d'adhésion, qu'avant le 1er janvier 1992, les ressortissants espagnols ne pouvaient bénéficier de la libre circulation prévue par l'article 48 du traité CEE que s'ils exerçaient déjà légalement une activité salariée en France ; qu'ainsi, et sans qu'il y ait lieu à renvoi d'une question préjudicielle devant la cour de justice des communautés européennes en application de l'article 177 du traité de Rome, M. X... n'est pas fondé à soutenir que l'article 48 dudit traité faisait obstacle à ce que fussent appliquées en 1987 aux ressortissants espagnols les dispositions nationales imposant aux étrangers la détention d'un titre les autorisant à exercer une activité salariée en France ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient le requérant, la déclaration de la communauté économique européenne relative à l'accès des travailleurs espagnols et portugais aux emplois salariés dans les Etats membres actuels, qui a été annexée à l'acte final du traité d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République Portugaise, ne déroge aucunement aux stipulations précitées dudit traité qui permettent aux Etats membres autres que l'Espagne de maintenir en vigueur pendant une période transitoire, à l'égard des ressortissants espagnols, les dispositions nationales soumettant à autorisation préalable l'immigration en vue d'exercer un travail salarié ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'état exécutoire émis à son encontre le 29 juin 1989 ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. X... à verser à l'office des migrations internationales la somme que réclame celui-ci au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1ER : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. X... dans la mesure où elle porte sur une somme supérieure à 44.640 F.
Article 2 : Le surplus de la requête de M. X... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l'office des migrations internationales tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.