Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 1993 au greffe de la cour, présentée pour la COMMUNE DE BIGNOUX (Vienne), représentée par son maire en exercice, dûment habilité à cet effet par une délibération du conseil municipal du 18 décembre 1992 ;
La COMMUNE DE BIGNOUX demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a, à la requête de M. Y..., annulé le permis de construire délivré le 30 janvier 1992 par le maire de Bignoux à M. X... et a condamné la commune à verser la somme de 2.500 F à M. Y..., au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Poitiers ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 1994 :
- le rapport de M. BOUSQUET, conseiller ; - les observations de Me LACHAUME, substituant Me HAIE, avocat de la COMMUNE DE BIGNOUX et de Me PIELBERG, avocat de M. Y... ; - et les conclusions de M. CATUS, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 421-2 du code de l'urbanisme : "Conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, la demande de permis de construire ne peut être instruite que si la personne qui désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation de construire a fait appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant l'objet de la demande de permis de construire ..." ; qu'aux termes du quatrième alinéa du même article : "Conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, par dérogation au deuxième alinéa ci-dessus, ne sont pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance dont les caractéristiques, et notamment la surface maximale de plancher sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ..." ; que l'article R. 421-I-2 du code de l'urbanisme dispose que "Conformément à l'article 1er du décret n° 77-190 du 3 mars 1977 modifié, ne sont pas tenues de recourir à un architecte pour établir le projet architectural à joindre à la demande d'autorisation de construire les personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes : a) Une construction à usage autre qu'agricole dont la surface de plancher hors oeuvre nette n'excède pas 170 mètres carrés ..." ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1977 susmentionnée, que l'exonération du recours obligatoire à un architecte en faveur des personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction, ne se limite pas, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, à celles de ces personnes qui entendent affecter la construction à un usage personnel pour y habiter ou pour y exercer leur profession, mais s'étend à l'ensemble des personnes qui construisent en vue de conserver pour elles-mêmes la propriété de l'immeuble, que celui-ci soit destiné à un usage personnel ou à être donné en location ; qu'il n'est pas contesté, en l'espèce, que la construction d'un immeuble à usage locatif, envisagée par M. X..., n'excède pas la surface mentionnée à l'article R. 421-I-2 précité du code de l'urbanisme ; que c'est, par suite, à tort que, pour annuler le permis de construire délivré par le maire de Bignoux à M. X..., le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur la circonstance que le projet de construction n'avait pas été établi par un architecte ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... à l'appui de sa demande devant le tribunal administratif ;
En ce qui concerne la qualité du pétitionnaire :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-I-I du code de l'urbanisme : "La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ..., soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de permis de construire, M. X... a justifié de sa qualité de propriétaire du terrain par la production de l'acte notarié d'acquisition, en date du 14 août 1991, qui ne comportait aucune restriction quant à son droit de propriété ; que, si M. Y... fait valoir, en produisant des titres de propriétés antérieurs, que la parcelle litigieuse est grevée à son profit d'une servitude de cour commune, il n'appartenait pas à l'autorité administrative de s'immiscer dans ce litige d'ordre privé ; que, compte tenu du titre de propriété produit par M. X..., il n'existait, au jour de la délivrance du permis de construire, date à laquelle il y a lieu de se placer pour apprécier la légalité de cet acte, aucune contestation sérieuse sur le droit de propriété qui aurait pu autoriser le maire à refuser ce permis ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de qualité du pétitionnaire doit être écarté ;
En ce qui concerne la composition du dossier :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme : "Le dossier joint à la demande de permis de construire est constitué par le plan de situation du terrain, le plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions, ainsi que les plans des façades. Lorsque la demande concerne la construction de bâtiments ou d'ouvrages devant être desservis par des équipements publics, le plan de masse visé à l'alinéa précédent indique le tracé de ces équipements et les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages y seront raccordés. A défaut d'équipements publics, le plan de masse indique les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement" ;
Considérant, d'une part, que si aucun plan de situation ne figurait au dossier de la demande déposée par M. X... le 19 décembre 1991, il ressort des pièces du dossier de première instance que ce document avait été produit à l'administration à l'appui d'une précédente demande concernant le même projet, présentée le 1er octobre 1991 ; qu'ainsi, l'administration disposait, en ce qui concerne la situation de l'immeuble, des renseignements lui permettant de prendre une décision en connaissance de cause ;
Considérant, d'autre part, que si le plan de masse n'indique pas le tracé des équipements publics et les modalités selon lesquelles le bâtiment y sera raccordé, il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux porte sur la restauration et l'agrandissement d'un immeuble existant, déjà desservi par les réseaux publics ; que, dès lors, le deuxième alinéa de l'article R. 421-2 précité ne saurait être regardé comme ayant été méconnu ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant que M. Y... soutient qu'en s'abstenant de prévoir les dispositions permettant de vérifier si la réglementation en matière sanitaire a bien été respectée, le permis de construire méconnaît l'article UB 4 du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE BIGNOUX, en tant qu'il prescrit que l'assainissement des constructions, ainsi que l'évacuation, l'épuration et le rejet des eaux résiduaires doivent être assurés dans des conditions conformes aux règlements en vigueur ;
Considérant que le permis de construire litigieux prescrit le raccordement de l'immeuble au réseau d'égout communal ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué que le projet envisagé méconnaîtrait la réglementation sanitaire à laquelle se réfère l'article UB 4 du plan d'occupation des sols ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de cette disposition ne peut qu'être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE BIGNOUX est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Poitiers ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 novembre 1992 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.