Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés le 21 décembre 1992 et le 26 février 1993 au greffe de la cour, présentés pour la COMMUNE D'AUBUSSON, représentée par son maire en exercice, dûment autorisé à cet effet par une délibération du conseil municipal du 7 décembre 1992 ;
LA COMMUNE D'AUBUSSON demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Limoges a, d'une part, annulé l'arrêté du 11 juin 1991 par lequel le maire d'AUBUSSON a retiré le permis de construire tacite dont bénéficiait la société civile immobilière "La Rozeille" et, d'autre part, condamné la COMMUNE D'AUBUSSON à payer à la société civile immobilière "La Rozeille" une somme de 5.000 F, en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société civile immobilière "La Rozeille" devant le tribunal administratif de Limoges ;
3°) de condamner la société civile immobilière "La Rozeille" à lui payer la somme de 20.000 F, en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
Vu la loi n° 90-1260 du 31 décembre 1990 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 1993 :
- le rapport de M. BOUSQUET, conseiller ; - les observations de Me PAULIAT-DEFAYE, avocat de la COMMUNE D'AUBUSSON ; - et les conclusions de M. CATUS, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, pour annuler l'arrêté du maire d'Aubusson du 11 juin 1991, retirant le permis de construire tacite dont bénéficiait la société civile immobilière "La Rozeille", le tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur la circonstance qu'aucun des motifs retenus par le maire n'était de nature à justifier cette décision ; que ni les motifs de l'arrêté attaqué, ni le mémoire de la commune devant les premiers juges ne mentionnaient que la demande de permis de construire aurait dû être accompagnée d'un justificatif de dépôt d'une demande de permis de démolir ; que, par suite, la COMMUNE D'AUBUSSON n'est pas fondée à soutenir qu'en s'abstenant de se prononcer sur cette question, le tribunal aurait entaché son jugement d'un défaut de motif ;
Sur la légalité du retrait du permis de construire :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 451-5 du code de l'urbanisme : "Ainsi qu'il est dit à l'article 29 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat : "Préalablement à l'octroi du permis de construire ... sont soumis pour autorisation à la commission départementale de l'urbanisme commercial les projets :
1°) de constructions nouvelles entraînant création de magasins de commerce de détail d'une surface de plancher hors oeuvre supérieure à 3.000 m2, ou d'une surface de vente supérieure à 1.500 m2, les surfaces précitées étant ramenées, respectivement, à 2.000 et 1.000 m2 dans les communes dont la population est inférieure à 40.000 habitants ..." ; qu'aux termes de l'article 29-1 de la loi du 27 décembre 1973 susvisée, issu de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1990 susvisée : "Pour la détermination des seuils de superficie prévus au 1° de l'article 29 ci-dessus, il est tenu compte de tous les magasins de commerce de détail qui font partie ou sont destinés à faire partie d'un même ensemble commercial. Sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : - soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches ... soit sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé, exerçant sur elle une influence au sens de l'article 357-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le permis de construire litigieux avait pour objet la construction, par la société civile immobilière "La Rozeille", d'un magasin à usage de jardinerie-animalerie-aquariophilie sur une parcelle du lotissement de "La Rebeyrette", précédemment autorisé par arrêté préfectoral du 31 décembre 1980 ; que, sur deux parcelles voisines, séparées uniquement par une voie de circulation du terrain d'assiette de la construction envisagée, sont implantés un magasin de bricolage et un supermarché ; qu'eu égard à cette proximité, ces trois magasins doivent être regardés comme étant réunis sur le même site ; qu'étant compris dans le même lotissement, alors même que celui-ci n'est pas à caractère exclusivement commercial, ils ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier ; qu'ainsi et indépendamment de leur structure juridique, ils font partie d'un même ensemble commercial, au sens des dispositions précitées ; que, dès lors, le maire d'AUBUSSON était fondé à prendre en compte la surface du magasin exploité par la société "Aubusson-Bricolage" pour estimer que le permis de construire sollicité par la société civile immobilière "La Rozeille" aurait dû être préalablement soumis à la commission départementale de l'urbanisme commercial ; que l'irrégularité tenant à ce défaut d'autorisation était de nature à justifier le retrait du permis tacite dont bénéficiait la société civile immobilière "La Rozeille" ; qu'il suit de là que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur la circonstance qu'aucun motif de cette décision ne justifiait ce retrait ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société civile immobilière "La Rozeille" devant le tribunal administratif de Limoges ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, relative à la motivation des actes administratifs : "La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision." ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société civile immobilière "La Rozeille", l'arrêté attaqué ne se borne pas à retranscrire le texte de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1990, mais mentionne des éléments de fait, tels que la localisation des magasins et la répartition du capital des sociétés en cause, qui, selon le maire, avaient pour effet de faire entrer le projet litigieux dans les prévisions dudit article ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué est suffisamment motivé au regard des dispositions précitées ;
Considérant, d'autre part, que si la société civile immobilière "La Rozeille" soutient que le maire aurait, sans raison, retardé l'instruction de sa demande de permis de construire afin qu'il y soit statué après l'entrée en vigueur de la loi susvisée du 31 décembre 1990, elle n'apporte pas, par cette allégation, la preuve que le retrait du permis tacite illégal serait entaché de détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE D'AUBUSSON est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par la société civile immobilière "La Rozeille" devant le tribunal administratif de Limoges ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la COMMUNE D'AUBUSSON, qui n'a pas, en l'espèce, la qualité de partie perdante soit condamnée à verser à la société civile immobilière "La Rozeille" la somme de 20.000 F que celle-ci réclame au titre des frais non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la société civile immobilière "La Rozeille" à payer à la COMMUNE D'AUBUSSON une somme de 4.000 F, sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 22 octobre 1992 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société civile immobilière "La Rozeille" devant le tribunal administratif de Limoges est rejetée.
Article 3 : La société civile immobilière "La Rozeille" versera à la COMMUNE D'AUBUSSON une somme de quatre milles francs (4.000 F), au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Les conclusions de la société civile immobilière "La Rozeille" tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.