Vu le recours du MINISTRE DU BUDGET, enregistré au greffe de la cour les 24 et 30 décembre 1992 ;
Le MINISTRE demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 7 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a réduit de 900.000 F la base d'imposition de M. X... à l'impôt sur le revenu établi au titre de 1986 et lui a accordé la décharge de l'impôt correspondant ;
2°) de décider que la déduction à laquelle peut prétendre M. X... au titre de l'année 1986 est de 190.000 F, de rétablir l'intéressé au rôle de l'impôt sur le revenu à titre partiel en ce qui concerne l'année 1987, et en totalité pour les années 1988 à 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 1993 :
- le rapport de M. TRIBALLIER, conseiller ;
- et les conclusions de M. de MALAFOSSE, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts qui concerne l'imposition du revenu dans la catégorie des traitements et salaires : "Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordées : ... 3°) Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales ...» ; que l'article 156-I du code prévoit que « le déficit constaté pour une année donnée dans une catégorie de revenus » est déduit du revenu global du contribuable et que, dans la mesure où ce revenu « n'est pas suffisant pour que l'imputation soit intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement » ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les sommes qu'un salarié qui, s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est le dirigeant de droit ou de fait, a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle le paiement a été effectué, à condition que son engagement comme caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, qu'il ait été pris en vue de servir les intérêts de l'entreprise et qu'il n'ait pas été hors de proportion avec les rémunérations allouées à l'intéressé ou qu'il pouvait escompter au moment où il l'a contracté ; que si cette dernière condition n'est pas remplie, les sommes payées ne sont déductibles que dans la mesure où elles n'excèdent pas cette proportion ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., qui était à l'époque président-directeur général de la société anonyme Valette et X..., s'est en 1962, rendu caution, de manière illimitée, des obligations souscrites par cette dernière auprès de la Banque Nationale de Paris ; qu'après la liquidation judiciaire de la société, le 11 mars 1986, M. X... a dû, en exécution de son engagement de caution, payer une somme transactionnelle de 900.000 F, le 26 juin 1986 ;
Considérant que pour demander la réformation du jugement attaqué, le ministre fait valoir que M. X..., de 1964 à 1974, a perçu, en sa qualité de dirigeant, un revenu annuel moyen de 63.000 F et qu'en souscrivant en 1962 un engagement de caution illimité, l'intéressé a pris pour la fraction excédant 190.000 F, un engagement hors de proportion avec les rémunérations qu'il était alors en droit d'escompter ;
Considérant que pour déterminer la fraction déductible de l'engagement de caution de M. X..., le ministre a pris, ainsi qu'il vient d'être rappelé, pour base la moyenne des revenus perçus par ce dernier au cours de chacune des années 1964 à 1974 ; que s'il a retenu pour une année entière les salaires du début de l'année 1974 au cours de laquelle M. X... a pris sa retraite, il n'a pas intégré dans son calcul les revenus des années 1962 et 1963 dont le requérant ne soutient ni même n'allègue qu'ils auraient été d'un montant de nature à augmenter cette moyenne ; que, ce faisant, le ministre a suffisamment pris en compte, dans les circonstances de l'espèce, l'évolution des rémunérations de l'intéressé telle qu'elle pouvait être appréciée en 1962 ; qu'ainsi et pour son montant excédant 190.000 F, le versement litigieux ne peut être regardé comme une dépense effectuée en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un revenu, mais a constitué une perte en capital, dont aucun texte ne permet la déduction ; que par suite, le MINISTRE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux n'a pas limité à 69.240 F le déficit global de l'année 1986 reportable sur le revenu global de l'année 1987 ; qu'en revanche, il n'appartient pas à la cour de se substituer à l'administration pour rétablir M. X... au rôle de l'impôt sur le revenu des années 1987 à 1991, alors que le tribunal n'avait pas été saisi de litiges concernant ces dernières années ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que le bien fondé de ces conclusions doit être apprécié au regard des dispositions applicables à la date du présent arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel « Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens . Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée . Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant que M. X... succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 5.000 F au titre des frais qu'il a exposés, doit, en conséquence être rejetée ;
Article 1er : Les bases de l'imposition de M. X... à l'impôt sur le revenu seront calculées, au titre de l'année 1986, en déduisant de son revenu, dans la catégorie des traitements et salaires, la somme de 69.240 F.
Article 2 : L'impôt sur le revenu, au titre de l'année 1986, calculé conformément aux bases définies à l'article 1er, est remis à la charge de M. X....
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 7 mai 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions du MINISTRE DU BUDGET, les conclusions incidentes de M. X... et sa demande de remboursement des frais irrépétibles sont rejetés.