Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 6 avril 1989, présenté pour le MINISTRE DELEGUE CHARGE DU BUDGET, et tendant à ce que la cour :
- réforme le jugement du 7 décembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a accordé à M. Raoul X... une réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il demeurait assujetti au titre des années 1980, 1981, 1982 et 1983 ;
- remette intégralement à sa charge les impositions déchargées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 avril 1992 :
- le rapport de M. BAIXAS, conseiller ;
- les observations de Maître Robert, avocat de M. X... ;
- et les conclusions de M. CATUS, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 69 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : "Lorsque les recettes d'un exploitant agricole, pour l'ensemble de ses exploitations, dépassent une moyenne de 500.000 F mesurée sur deux années consécutives, l'intéressé est obligatoirement imposé d'après son bénéfice réel, à compter de la deuxième de ces années" ; qu'aux termes de l'article 69 quinquies du même code : "Pour l'application des articles ..., 69 A, ..., il est tenu compte des recettes réalisées par les sociétés et groupements non soumis à l'impôt sur les sociétés dont le contribuable est membre à proportion de ses droits dans les bénéfices de ces sociétés et groupements. Toutefois, le régime fiscal de ceux-ci demeure déterminé uniquement par le montant global de leurs recettes" ;
Considérant que les impositions litigieuses procèdent de ce que l'administration estimant que les exploitations agricoles de MM. Raoul et Michel X... avaient été exploitées au cours des années 1980 à 1983 par une société de fait existant entre eux et dont la moyenne des recettes excédait 500.000 F, a en application des dispositions combinées des articles 69 A et 69 quinquies du code général des impôts précités considéré que chacun des deux exploitants devait être imposé en proportion de ses droits dans le bénéfice réel évalué d'office de ladite société ;
Considérant que l'existence d'une société de fait suppose que deux ou plusieurs personnes aient fait des apports à l'entreprise commune, concourent à la direction et au contrôle de l'affaire et participent aux bénéfices et aux pertes ;
Considérant qu'en observant que les terres dont M. Michel X... est propriétaire lui ont été transférées par son père par voie de donations successives et faisaient, avant 1972, partie de l'exploitation agricole de ce dernier, l'administration n'établit pas l'existence d'apports effectués par chacun des deux intéressés à une entreprise commune ; que l'acquisition en commun d'une machine à vendanger ainsi que l'existence d'une seule distillerie commune aux deux exploitations qui ne constituent qu'une partie des équipements de ces exploitations agricoles dont l'une est exclusivement viticole alors que l'autre avait également une activité de polyculture ne saurait suffire à établir une mise en commun d'apports personnels en biens et en industrie ; que, par ailleurs, aucun document n'établit que le père et le fils aient exercé ensemble la responsabilité de la gestion des exploitations ; que cette gestion commune ne saurait résulter du seul fait que M. Raoul X... se serait porté garant des emprunts contractés par son fils ; qu'enfin, en relevant une certaine corrélation entre les recettes annuelles de chacune des exploitations et un certain parallélisme entre l'évolution globale des achats et recettes des deux exploitations l'administration n'établit pas que MM. Michel et Raoul X... participaient à parts égales aux recettes et aux charges de la prétendue société de fait ; qu'elle ne conteste pas que les résultats nets de chaque exploitation sont appréhendés directement par chaque exploitant et résultent d'une comptabilité distincte enregistrant des recettes et des dépenses faisant l'objet de facturations individualisées et des opérations financières effectuées sur des comptes bancaires personnels distincts ; que par suite l'administration n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a accordé à M. Raoul X... la décharge contestée ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'Etat à verser à M. Raoul X... une somme de 5.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DELEGUE AU BUDGET est rejeté.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. Raoul X... une somme de 5.000 F au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.