Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 21 juillet 1989, présentée par Me X..., avocat, pour la COMMUNE de BESSIERES, représentée par son maire en exercice, dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 27 juin 1989 ;
La COMMUNE de BESSIERES demande à la cour :
- à titre principal, d'annuler le jugement du 25 avril 1989 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée solidairement avec l'Etat (ministère de l'agriculture) et la Société occitane de canalisations et travaux (SOCAT), à verser à M. et Mme Y..., la somme de 128.600 F et de rejeter leur demande d'indemnités ;
- à titre subsidiaire, de condamner l'Etat et l'entreprise SOCAT à la relever de toute condamnation et à supporter les dépens, enfin de réduire le montant de l'indemnisation accordée à M. et Mme Y... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 1992 :
- le rapport de M. TRIBALLIER, conseiller ; - et les conclusions de M. CATUS, commissaire du gouvernement ;
Sur la prescription quadiennale :
Considérant qu'aux termes de l'article 7, alinéa 1er, de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : "L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond" ; que si devant les premiers juges, la commune s'est bornée en défense à indiquer par le canal de son avocat, avoir opposé aux demandeurs la prescription quadriennale, elle produit, devant la cour, copie de la décision notifiée le 2 décembre 1988, par laquelle l'adjoint au maire, dûment habilité, a opposé la prescription aux époux Y..., avant que la juridiction saisie du litige se soit prononcée sur le fond ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Toulouse, la commune doit être regardée comme ayant régulièrement opposé la prescription quadriennale conformément aux dispositions précitées de la loi susvisée ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les époux Y... tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 "Sont prescrites ... toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du 1er jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif, que d'une part les dommages subis par leur immeuble sis à BESSIERES, et dont les époux Y... ont demandé réparation à la commune, se sont produits lors de la rupture, en janvier 1982, d'un branchement du réseau public d'adduction d'eau ; que, d'autre part compte tenu de la date de remise du rapport d'expertise en juin 1982, de la nature des travaux préconisés par l'expert pour remédier auxdits désordres et du délai raisonnable pour exécuter ces travaux, les requérants ne pouvaient solliciter de la COMMUNE DE BESSIERES, l'indemnisation, de pertes de loyers consécutives au sinistre et postérieure au 31 décembre 1982 ; qu'ainsi les droits dont peuvent se prévaloir les époux Y... à l'encontre de ladite commune ont été, en toute hypothèse, acquis dans leur ensemble à cette date ;
Considérant que les époux Y... ne justifient d'aucune demande ou démarche postérieure à la date de remise du rapport en juin 1982 et antérieure au 31 décembre 1986 ; que les diligences effectuées par la mairie et qui ont abouti à la démolition de l'immeuble, se sont, en tout état de cause , déroulées postérieurement à cette date et n'ont pu interrompre le cours de la prescription ; qu'ainsi, le délai de prescription était expiré à la date d'enregistrement de leur demande devant le tribunal administratif, le 1er décembre 1987 ;
Considérant qu'il s'ensuit que la commune de BESSIERES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée, solidairement avec l'Etat (ministère de l'agriculture) et la Société occitane de canalisations et travaux (SOCAT), à verser à M. et Mme Y..., la somme de 128.600 F ;
Sur la responsabilité de l'Etat et de la société occitane de canalisation et travaux :
Considérant que le présent arrêt aggrave les obligations mises à la charge de la société SOCAT et de l'Etat, dès lors qu'il admet l'appel principal de la COMMUNE DE BESSIERES ; que, par suite, les conclusions d'appel provoqué présentées par l'entreprise et l'Etat et tendant à leur mise hors de cause, sont recevables ;
Mais considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que l'affaissement des fondations et le mouvement de l'immeuble appartenant aux époux Y... ont eu pour origine le tassement du sol dû au déversement et à la présence, rue des Prêtres, d'une grande quantité d'eau dans le sol à la suite de la rupture d'un tuyau du réseau d'eau potable de la commune ; qu'il n'est pas contesté que la rupture du branchement s'est produite à l'occasion de la réalisation des travaux d'assainissement dans cette même rue, par l'entreprise SOCAT, pour le compte de la commune et sous la maîtrise d'oeuvre de la direction départementale de l'agriculture ; que la circonstance que l'inondation des fondations de l'immeuble des époux Y... puisse avoir été facilitée par l'état très avancé de corrosion du tuyau et les trépidations dues aux mouvements d'une pelle mécanique n'est pas de nature à faire écarter la responsabilité de l'entrepreneur et du maître d'oeuvre au regard des propriétaires dudit immeuble ; que les constructeurs sont ensemble responsables, en raison même de leur intervention conjuguée sur le chantier, des dommages causés aux immeubles riverains, dont les propriétaires sont des tiers par rapport à l'ouvrage litigieux ; que dans ces conditions, ni l'Etat ni la SOCAT ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif les a déclarés solidairement responsables du préjudice subi par les époux Y... ;
Sur l'évaluation du coût des réparations :
Considérant que le montant du préjudice indemnisable doit être fixé à la date à laquelle, les causes des dommages et leur étendue étant connues ainsi les moyens d'y mettre fin, il pouvait être procédé aux réparations ; que le coût des travaux de restauration, réfections extérieures indispensables comprises, avait été chiffré à la somme non sérieusement contestée de 128.600 F par l'expert en juin 1982 ; qu'il n'est pas prouvé que cette appréciation excédait la valeur vénale de l'immeuble au jour du sinistre ; qu'en conséquence les époux Y..., qui n'établissent pas s'être trouvés dans l'impossibilité d'effectuer les travaux utiles en 1982, ne sont fondés ni à réclamer l'actualisation du coût des réparations à la date du présent arrêt, ni, faute d'avoir procédé à sa réfection en temps opportun, à se prévaloir de l'aggravation du montant des dommages à la suite de la ruine totale du bâtiment et à sa démolition en 1987 ;
Considérant, en outre, qu'il résulte de l'instruction et, notamment des pièces produites devant la cour, que l'immeuble appartenant aux époux Y... était, à l'époque du sinistre, loué pour un montant mensuel de 470 F ; que, compte tenu du délai raisonnable à l'issue duquel les propriétaires eussent pu remettre les lieux en état d'être occupés, à savoir la fin de l'année 1982 comme indiqué précédemment, l'indemnité à laquelle ces derniers peuvent prétendre doit être limitée à la somme de 5.170 F ; qu'il s'ensuit que les époux Y... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a limité la réparation à leur allouer à la somme de 128.600 F et à demander que cette indemnité soit portée à 133.770 F ; qu'en revanche, la SOCAT n'est pas fondée à solliciter la réduction de ladite indemnité ;
Sur l'appel en garantie formé par la société SOCAT contre la COMMUNE DE BESSIERES :
Considérant que, devant les premiers juges, la société SOCAT n'avait pas demandé à être garantie par la COMMUNE DE BESSIERES ; que les conclusions incidentes présentées à cette fin pour la première fois en appel sont nouvelles et par suite, irrecevables ;
Article 1 : L'Etat et la Société occitane de canalisations et travaux sont condamnés à payer, conjointement et solidairement, aux époux Y... la somme de 133.770 F ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions présentés par l'Etat et la SOCAT, ainsi que le surplus de l'appel incident des époux Y..., sont rejetés.