Vu la requête, enregistrée le 2 mars 1990 sous le n° 90BX00126 au greffe de la Cour présentée pour la S.A. VICARD dont le siège social est situé ..., représentée par son Président-Directeur général en exercice ; la S.A. VICARD demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 29 décembre 1989 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1981 au 30 septembre 1985 ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;
3°) d'ordonner que jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi, il soit sursis à l'exécution du jugement et de l'avis de mise en recouvrement correspondant ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 1991 :
- le rapport de M. LALAUZE, conseiller ; - les observations de Me BERGERES, avocat de la SARL VICARD ; - et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, le 22 avril 1985, les agents de la brigade d'intervention inter-régionale de la direction nationale des enquêtes fiscales, agissant à la demande du directeur de la concurrence et de la consommation, sur le fondement des dispositions de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, ont effectué une perquisition des locaux commerciaux de la S.A. VICARD à Barbezieux (Charente) à l'issue de laquelle ont été saisis divers documents ; qu'un avis de vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1981 au 30 septembre 1985 a été adressé le 7 novembre 1985 à cette société ; que cette dernière se pourvoit contre le jugement en date du 29 décembre 1989 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes, consécutif à cette vérification et auquel elle a été assujettie au titre de la période en cause ;
Considérant que la S.A. VICARD conteste la régularité des impositions litigieuses en soutenant qu'elles ont eu pour origine la perquisition susmentionnée, qui, diligentée à des fins fiscales, a constitué un détournement de procédure ;
Considérant, en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que, si le procès-verbal établi près de 5 mois après la perquisition relève des faits constitutifs d'infractions aux dispositions des ordonnances n° 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945, la preuve n'est pas apportée au dossier que ces infractions aient donné lieu à des poursuites pénales ni même que le procès-verbal ait été communiqué au parquet ; que, par ailleurs, l'administration ne produit devant le juge de l'impôt aucun élément de nature à justifier la perquisition effectuée sur le fondement de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 ; qu'il s'ensuit que l'administration a, en réalité, utilisé à des fins fiscales la procédure prévue pour la recherche et la répression d'infractions économiques ; qu'elle a ainsi commis un détournement de procédure ;
Considérant, en second lieu que le ministre soutient que les redressements contestés ont pour seule origine les constatations faites par le service, lors de la vérification de comptabilité, à la suite de la remise par le dirigeant de la S.A. VICARD d'un carnet retraçant les comptes d'une "caisse noire" ; qu'il résulte cependant de l'instruction que l'existence de cette "caisse noire" a été révélée à l'administration par l'examen du procès-verbal de perquisition dont elle a eu connaissance en vertu du droit de communication qu'elle tient de l'article 83 du livre des procédures fiscales ; que, contrairement aux allégations de l'administration, les redressements litigieux ont été assis sur les renseignements fournis par les documents saisis ; que par suite les impositions contestées procédent directement de la perquisition entachée d'un détournement de procédure ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la S.A. VICARD est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement en date du 29 décembre 1989 du Tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : Il est accordé décharge à la société S.A. VICARD du complément de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1981 au 30 septembre 1985.