Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée le 19 janvier 1989 au greffe de la cour, par laquelle le président de la 7ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour M. Emile Y... ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 janvier et 18 mai 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Emile Y..., demeurant Domaine de Saint-Martin à Doux (79390) et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 16 octobre 1985 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, rejeté ses conclusions en réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1974 à raison de la taxation des plus-values de cession de son fonds de commerce, d'autre part, ordonné une expertise avant dire droit sur le surplus des conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre de ladite année à raison de la réintégration dans les résultats de son entreprise individuelle d'une perte sur exercice antérieur qu'il y avait portée ;
- annule le jugement du 25 novembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les dernières conclusions susvisées et mis à sa charge les frais d'expertise ;
- lui accorde la décharge des impositions et pénalités contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 1991 :
- le rapport de M. VINCENT, conseiller ;
- les observations de Me X... substituant la S.C.P. DELAPORTE, BRIARD, avocat de M. Y... ;
- et les conclusions de M. de MALAFOSSE, commissaire du gouvernement ;
Sur la plus-value de cession de fonds de commerce :
Considérant que, par décision du 2 octobre 1989, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a rejeté la requête de M. Y... dirigée contre le jugement du 16 octobre 1985 en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Poitiers n'a pas accueilli sa demande en décharge de l'imposition afférente à la plus-value de cession de son fonds de commerce ; que, par suite, eu égard à l'autorité de chose jugée attachée à la décision susrappelée du Conseil d'Etat, les conclusions de M. Y... tendant à l'annulation de l'article 5 du dispositif dudit jugement doivent être rejetées ;
Sur les opérations d'expertise :
Considérant, d'une part, que le moyen selon lequel l'expertise ordonnée par les premiers juges se serait déroulée dans des conditions non conformes aux exigences des articles R 200-6 et suivants du livre des procédures fiscales n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, dès lors, ce moyen n'est pas recevable ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les seules indications fournies par le requérant ne permettaient pas d'établir, comme il le soutient, que les erreurs entachant les opérations de clôture de l'exercice 1973 présentaient un lien avec l'informatisation de la comptabilité de l'entreprise ; que, par suite, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'expertise ordonnée par les premiers juges, qu'il a d'ailleurs sollicitée dans un mémoire enregistré le 24 octobre 1983 au greffe du tribunal administratif, présentait un caractère frustratoire ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que M. Y... a reporté sur les résultats de l'exercice clos le 14 octobre 1974, date à laquelle il a cédé son entreprise, une perte s'élevant à 2.579.586,88 F, correspondant à des erreurs commises lors des opérations de clôture de l'exercice 1973 ; que l'intéressé conteste la décision du 25 novembre 1987 par laquelle le tribunal administratif de Poitiers a jugé, après avoir ordonné par le premier jugement susvisé une expertise aux fins de déterminer la nature, la réalité et le montant des erreurs invoquées, d'apprécier leur gravité et le point de savoir si elles sont liées à l'informatisation de la comptabilité, qu'il n'était pas fondé à demander la décharge de l'imposition correspondant à la réintégration de ladite somme dans son bénéfice imposable ;
Considérant, d'une part, qu'il est constant que l'écriture litigieuse n'a pu être justifiée à concurrence d'une somme de 422.433,27 F ; que, pour le surplus, elle visait selon le requérant à corriger une erreur apparaissant au compte "fournisseurs" du bilan établi au 31 décembre 1973, présentant une différence de 2.157.163,61 F avec la balance des comptes "fournisseurs" établie à cette date, dont 2.117.704,11 F imputables à l'entreprise "Poitou-Plastique", appartenant à la famille de M. Y... ; qu'il ressort du rapport de l'expert qu'alors que les deux comptabilités étaient établies dans le même bureau, le compte "Poitou-Plastique chez Gerbier" présentait un solde égal à cette dernière somme, cependant que le compte "Gerbier chez Poitou-Plastique" présentait un solde limité à 1.273.591,42 F ; qu'outre la balance précitée, M. Y... avait également établi une seconde balance "fournisseurs" ne comportant pas le fournisseur "Poitou-Plastique" ; qu'il ne résulte pas dudit rapport que l'erreur dont s'agit ait été provoquée par le système mécanographique mis en place, comportant des comptes à piste magnétique, dont une éventuelle défaillance pouvait être palliée en totalisant les colonnes débits et crédits avec une machine à additionner ;
Considérant, d'autre part, que cette erreur a eu pour effet de faire ressortir un résultat bénéficiaire de l'exercice clos en 1973 se montant à 390.000 F ; qu'il n'est pas établi que le requérant se soit préoccupé de la corriger en déposant une réclamation auprès du service des impôts ; qu'il résulte de l'instruction que M. Y... était en pourparlers avec le futur acquéreur de son entreprise lorsqu'il a arrêté les écritures de l'exercice clos en 1973 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ce n'est pas par erreur ou inadvertance, mais volontairement, que M. Y... a sous-estimé le montant de ses dettes à court terme à la clôture de l'exercice 1973 ; qu'en raison du caractère délibérément erroné de ces écritures, celles-ci sont opposables à l'intéressé ; que le caractère involontaire de l'erreur dont s'agit n'est pas établi par la seule circonstance que le repreneur aurait eu connaissance des deux balances fournisseurs établies par M. Y... ; que ce dernier ne saurait davantage utilement soutenir ni qu'il aurait pu, afin de faire apparaître un résultat positif en 1973, rattacher en profit une partie du compte "emballages consignés", dès lors que la réintégration opérée par l'administration sur l'exercice 1974, à laquelle il s'est d'ailleurs opposé, est uniquement motivée par la cession de l'entreprise survenue au terme de cet exercice et n'aurait donc pu être effectuée l'année précédente, ni qu'il aurait été en mesure de substituer un déficit au bénéfice déclaré pour l'exercice 1973 si la vérification de sa comptabilité était intervenue en 1977 et non l'année suivante dès lors, d'une part, que les erreurs entachant le bilan du dernier exercice prescrit peuvent être corrigées à l'initiative du contribuable dans les bilans de clôture des exercices non prescrits à la seule condition qu'elles revêtent un caractère involontaire, d'autre part et en tout état de cause, que l'administration aurait pu le cas échéant rehausser les résultats de cet exercice ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande en décharge de l'imposition litigieuse et mis à sa charge les frais d'expertise ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le complément d'impôt sur le revenu auquel M. Y... a été assujetti au titre de l'année 1974 a été assorti des majorations prévues par les dispositions alors en vigueur de l'article 1729 du code général des impôts lorsque la mauvaise foi du redevable est établie ; que ces pénalités n'avaient pas donné lieu à un acte interruptif de prescription lorsqu'elles ont été mises en recouvrement le 31 août 1979 ; qu'à cette date, le délai de reprise de l'administration était expiré ; que l'autorité de chose jugée attachée à la décision susmentionnée le Conseil d'Etat s'opposant toutefois à la recevabilité d'un moyen tiré de la prescription des pénalités afférentes à l'imposition résultant de la plus-value de cession de son fonds de commerce, M. Y... est par suite seulement fondé à demander la décharge des pénalités relatives au redressement notifié à raison de la réintégration dans les résultats de son entreprise individuelle du report déficitaire sur exercice antérieur ; qu'il y a lieu de leur substituer, dans la limite de leur montant, les intérêts de retard prévus aux dispositions alors applicables de l'article 1734 du code général des impôts, dès lors que l'insuffisance des chiffres déclarés excède le dixième de la base d'imposition ;
Article 1er : Les intérêts de retard sont substitués, dans la limite du montant desdites pénalités, aux pénalités de 50 % mises à la charge de M. Y... et afférentes au complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1974 à raison de la réintégration dans ses bénéfices industriels et commerciaux d'une somme de 2.579.586,88 F.
Article 2 : M. Y... est déchargé de la différence entre le montant des pénalités qui lui ont été assignées au titre de l'année 1974 et celui résultant de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.