Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée le 19 janvier 1989 au greffe de la cour, par laquelle le président de la 7ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour M. Jean X... ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er septembre 1987 et 28 décembre 1987, présentés pour M. Jean X..., demeurant à Saint-Palais-de-Phiolin (17800) et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 1er juillet 1987 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1980 à 1982 dans les rôles de la commune de Saint-Genis-de-Saintonge, département de Charente-Maritime ;
- lui accorde la décharge des impositions et pénalités contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 1990 :
- le rapport de M. VINCENT, conseiller ;
- et les conclusions de M. de MALAFOSSE, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X..., exploitant agricole imposé sous le régime du forfait, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant révélé que ses recettes excédaient la limite au-delà de laquelle il devait obligatoirement être imposé d'après son bénéfice réel ; qu'il demande la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1980 à 1982 à raison de l'évaluation d'office de ses bénéfices agricoles ;
Sur les conclusions à fin de sursis de paiement présentées devant le tribunal administratif :
Considérant que le moyen tiré par le requérant de ce que le jugement attaqué aurait à tort rejeté ses conclusions à fin de sursis de paiement n'est assorti d'aucun élément de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, ce moyen n'est pas recevable ;
Sur la régularité de la procédure de vérification :
Considérant, en premier lieu, que M. X... n'apporte aucune précision à l'appui de son moyen selon lequel la procédure de vérification serait irrégulière comme ayant porté sur les années 1978 à 1982 alors qu'elle n'aurait pu concerner que les années 1979 à 1982 ; qu'ainsi, ce moyen ne saurait être accueilli ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L 47 du livre des procédures fiscales : " ... une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ..." ; que ni cette disposition, ni aucun autre texte n'obligent l'administration à informer le contribuable, avant la vérification, de la nature des impôts sur lesquels celle-ci portera ; qu'ainsi la circonstance que l'avis de vérification adressé au requérant le 20 juin 1983, qui comportait les mentions susrappelées prescrites par la loi, n'ait pas indiqué les impôts concernés, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ; qu'en tout état de cause, le requérant ne saurait utilement invoquer, sur le fondement de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, le contenu d'une réponse ministérielle à M. Y..., député, publiée au journal officiel de l'assemblée nationale le 19 mai 1979, énonçant que l'avis doit comporter toutes indications utiles de nature à informer le contribuable sur la portée exacte de la vérification et, notamment, sur la nature des impôts ou taxes soumis au contrôle, dès lors que cette réponse, traitant de questions touchant à la procédure d'imposition, ne peut être regardée comme comportant une interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article susvisé ;
Considérant, en dernier lieu, que s'il est constant que le vérificateur a remis en main propre à M. X... le 26 juillet 1983 un avis de vérification visant exclusivement les bénéfices agricoles réels de 1979 à 1982 et précisant que les opérations de vérification débuteraient le jour même à neuf heures, une telle circonstance est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la procédure d'évaluation d'office des bénéfices agricoles de l'intéressé, dès lors qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas sérieusement contesté que le dépassement de la limite au-delà de laquelle un exploitant agricole est obligatoirement imposé d'après son bénéfice réel a été révélé antérieurement par une vérification distincte ayant débuté le 28 juin 1983 ;
Sur la date de changement de régime d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 69 A du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : I "Lorsque les recettes d'un exploitant agricole, pour l'ensemble de ses exploitations, dépassent une moyenne de 500.000 F mesurée sur deux années consécutives, l'intéressé est obligatoirement imposé d'après son bénéfice réel, à compter de la deuxième de ces années" ;
Considérant qu'il est constant qu'après redressement par l'administration des recettes encaissées au titre de l'année 1979, la moyenne des recettes des exploitations agricoles de M. X..., appréciée à partir de la déclaration de l'intéressé pour l'année 1978 et du montant ainsi fixé pour l'année 1979, était supérieure à 500.000 F ; que, par suite, c'est à bon droit que le requérant a été soumis au régime d'imposition selon le bénéfice réel à compter du 1er janvier 1979 ; que si le droit de reprise de l'administration était prescrit en ce qui concerne l'année 1978, ni les dispositions précitées, ni aucune autre disposition ne s'opposent à la prise en considération du chiffre d'affaires déclaré au titre d'une année prescrite afin de déterminer le régime d'imposition applicable à l'année suivante non prescrite ;
Sur la charge de la preuve :
Considérant qu'il est constant que M. X... n'a pas déposé dans le délai légal la déclaration annuelle de ses bénéfices imposables selon le régime réel ; qu'ainsi l'intéressé était, en application des dispositions de l'article L 73-1 du livre des procédures fiscales, en situation de voir lesdits bénéfices évalués d'office au titre des années 1979, 1980, 1981 et 1982 ; qu'ainsi il lui incombe d'apporter la preuve de l'exagération de l'évaluation de ses bases imposables par l'administration ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le redressement afférent aux amortissements :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable aux bénéfices agricoles selon les dispositions alors en vigueur de l'article 69 quater I du même code : 1 "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : ...2° ... les amortissements réellement effectués par l'entreprise ..." ;
Considérant que si le requérant fait valoir qu'il tenait un bilan et un livre d'inventaire et qu'il adressait chaque année un "bilan de gestion" au Crédit agricole, il ne produit à l'appui de cette affirmation que ce dernier document, mentionnant au titre des amortissements pour chacune des années litigieuses une somme globale non assortie de justifications ; qu'en tout état de cause cette seule référence aux amortissements qui auraient été pratiqués ne saurait faire regarder ceux-ci comme ayant été réellement effectués au sens des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts ;
En ce qui concerne le redressement afférent à l'évaluation des stocks :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 sexdecies OA de l'annexe III au code général des impôts, rendu applicable aux entreprises passant du régime du forfait au régime simplifié d'imposition selon le bénéfice réel par l'article 38 sexdecies OB de l'annexe III du même code : " ... les produits de la viticulture en stock à la date du changement de régime d'imposition sont évalués au cours du jour à la même date, sous déduction d'une décote forfaitaire. Un arrêté du ministre de l'économie et des finances fixe les taux de cette décote en fonction de l'âge des produits" ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions qui précèdent que le stock de vin blanc distillable, de cognac et de pineau détenu par M. X... devait être évalué au 1er janvier 1979, date à compter de laquelle l'intéressé a été imposé selon le régime du bénéfice réel ;
Considérant, d'autre part, que pour déterminer la valeur du stock au 1er janvier 1979, puis au 31 décembre des années 1979 à 1982, l'administration a eu recours à la cote officielle du bureau national interprofessionnel du cognac, à laquelle a été appliquée la décote fixée par les dispositions précitées, et a ainsi fait une exacte application des dispositions susvisées de l'annexe III du code général des impôts ; que si M. X... soutient que cette évaluation est erronée en ce que, la cote officielle susvisée ne comportant que sept comptes d'âge, tous les cognacs antérieurs à 1972 ont été regardés comme ayant la même valeur alors qu'il détenait des eaux-de-vie très anciennes de grande qualité, il n'apporte pas, en tout état de cause, la preuve qui lui incombe de la sous-évaluation de son stock par l'administration en se bornant à produire, d'une part, des attestations de ses clients qui n'établissent ni le cours réel des eaux-de-vie dont s'agit au 31 décembre de l'année de leur récolte, ni la quantité détenue pour chaque millésime, d'autre part, un tableau indiquant par année de récolte la quantité et la valeur des eaux-de-vie qu'il aurait détenues et non assorti d'une quelconque justification ;
Sur les pénalités :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les redressements notifiés à M. X... en matière de bénéfices agricoles proviennent pour chacune des années litigieuses, d'une part, de la substitution au chiffre d'affaires déclaré par l'intéressé du chiffre d'affaires non contesté tiré de sa comptabilité, duquel il ressort que, conformément aux dispositions précitées de l'article 69 A du code général des impôts, l'intéressé était de plein droit imposé selon son bénéfice réel à compter du 1er janvier 1979, d'autre part, de l'évaluation des stocks telle que pratiquée par l'administration et du refus de déduction des amortissements comme indiqué ci-dessus ; qu'en précisant notamment dans une lettre du 26 avril 1984 que le requérant avait "minoré ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée de 1.542.414 F, ce qui lui a permis de bénéficier indûment du régime du bénéfice agricole forfaitaire ...", l'administration a suffisamment motivé ses redressements en matière de bénéfices agricoles ;
Considérant, en second lieu, d'une part, que l'administration soutient sans être contredite que M. X... a cessé de porter les ventes à l'exportation sur les déclarations de chiffre d'affaires lorsqu'il a franchi la limite supérieure d'assujettissement au forfait, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction qu'à supposer que l'intéressé ait par erreur pris en considération les ventes et non les encaissements afin de déterminer le chiffre d'affaires afférent à une année déterminée comme il était tenu de le faire en application de l'article 298 bis - 2° du code général des impôts, les ventes réalisées auraient également conduit l'intéressé à être soumis au régime réel d'imposition à compter du 1er janvier 1979 ; qu'ainsi, alors même qu'après admission de certaines observations du contribuable, l'année 1979 s'est soldée par un déficit alors que l'intéressé avait été imposé primitivement pour ladite année sur la base de bénéfices agricoles forfaitaires s'élevant à 47.862 F, l'administration doit être regardée comme ayant établi la preuve de la mauvaise foi de M. X... ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande en décharge des impositions et pénalités contestées ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.