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11/01/2024 | FRANCE | N°23VE01900

France | France, Cour administrative d'appel, 11 janvier 2024, 23VE01900


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Techni'cité a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Corbeil-Essonnes à lui verser, à titre de provision, la somme de 3 240 euros TTC au titre de la facture n° 2021-187 21 1666 02 du 31 août 2021, assortie des intérêts au taux légal, la somme de 6 000 euros au titre des frais de co

nseil juridique qu'elle a dû exposer, notamment lors de la médiation, ainsi que la somme de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Techni'cité a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Corbeil-Essonnes à lui verser, à titre de provision, la somme de 3 240 euros TTC au titre de la facture n° 2021-187 21 1666 02 du 31 août 2021, assortie des intérêts au taux légal, la somme de 6 000 euros au titre des frais de conseil juridique qu'elle a dû exposer, notamment lors de la médiation, ainsi que la somme de 4 000 euros au titre du préjudice subi du fait du retard du mandatement de la facture et de mettre à la charge de la commune de Corbeil-Essonnes la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2305315 du 24 juillet 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 11 août et le 17 octobre 2023, ainsi que par des pièces complémentaires, enregistrées le 24 novembre 2023, la société Techni'cité, représentée par Me Grienenberger-Fass, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté ses conclusions portant sur la somme de 6 000 euros, sollicitée au titre des frais de conseil juridique ;

2°) de condamner la commune de Corbeil-Essonnes à lui verser une provision de 6 000 euros, dans un délai de huit jours calendaires à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Corbeil-Essonnes la somme de 8 700 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête n'est pas tardive dès lors que c'est date de notification par voie postale à l'exposante qui a fait courir le délai d'appel puisqu'elle n'est pas inscrite dans l'application Télérecours ;

- sa demande contentieuse a été précédée d'une demande préalable le 30 novembre 2022 et d'une tentative de conciliation amiable ;

- le juge de première instance a méconnu le principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas respecté le calendrier de procédure qu'il avait établi en rendant son ordonnance avant l'expiration du délai qu'il lui avait imparti pour répondre au mémoire en défense de la commune de Corbeil-Essonnes, la privant ainsi, à défaut d'audience, de la possibilité de faire valoir ses observations ;

- sa créance de 6 000 euros, correspondant aux frais de conseil juridique pour le recouvrement de la facture litigieuse, n'est pas sérieusement contestable ; elle produit en appel les pièces établissant la réalité de cette dépense ; ce n'est que grâce à l'intervention d'un juriste, d'abord de manière amiable puis contentieuse, que la commune a accepté de procéder au paiement de la facture ; le règlement amiable du litige a été tenté à l'initiative de la commune et la rédaction d'un protocole de transaction était une garantie de paiement compte tenu de l'attitude de la commune, qui n'a d'ailleurs jamais remis en cause le principe de la rédaction de ce protocole.

Par trois mémoires en défense, enregistrés les 25 septembre, 7 novembre et 22 décembre 2023, la commune de Corbeil-Essonnes, représentée par Me Michelin, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Techni'cité la somme de 3 000 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive dès lors que, lorsque la requête est signée par un avocat, le point de départ du délai d'appel est la date de notification de l'ordonnance au mandataire ;

- les conclusions portant sur la somme de 6 000 euros sont irrecevables faute de décision rejetant une demande indemnitaire préalable ; la demande formée le 20 octobre 2023, soit au cours de l'instance d'appel, est sans incidence à cet égard ;

- l'ordonnance attaquée n'est pas entachée d'irrégularité ; les exigences de la contradiction doivent être adaptées à celles de l'urgence qui gouverne la procédure de référé-provision ; le juge n'est pas tenu d'attendre la production d'un mémoire complémentaire, ni d'un mémoire en réplique et n'est pas tenu de rouvrir l'instruction ; le juge de première instance disposait de suffisamment d'éléments pour statuer sans attendre un nouveau mémoire de la requérante ; si celle-ci se plaint d'avoir été empêchée de produire des justificatifs faute de respect du calendrier fixé par le juge, elle aurait pu produire ces justificatifs dès l'introduction de sa demande et ne produit toujours pas, en tout état de cause, ces justificatifs en appel ;

- la créance de 6 000 euros est sérieusement contestable dès lors qu'il n'est pas justifié que la contestation relative à la facture aurait nécessité des frais de conseils juridiques, a fortiori pour un montant qui correspond au double de la facture ; l'engagement de ces frais n'était pas justifié dès lors que des discussions amiables étaient en cours ; l'exposante n'a pas cherché à éluder le paiement de cette facture ;

- la somme de 8 700 euros sollicitée par la société requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est manifestement excessive.

Par une décision du 1er septembre 2023, le président de la cour a désigné Mme Signerin-Icre, présidente de la 5ème chambre, pour statuer en qualité de juge des référés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La société Techni'cité, chargée par la commune de Corbeil-Essonnes d'une mission partielle de maîtrise d'œuvre dans le cadre des travaux d'éclairage du stade Robinson, fait appel de l'ordonnance du 24 juillet 2023 en tant que la vice-présidente du tribunal administratif de Versailles, juge des référés, a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune à lui verser une provision de 6 000 euros au titre des frais de conseil juridique engagés pour obtenir le règlement de la facture de 3 240 euros TTC émise en exécution de ce marché.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Corbeil-Essonnes :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 541-3 du code de justice administrative : " L'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire. ". Aux termes de l'article R. 751-3 du même code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...). ". Et aux termes de son article R. 751-4-1 : " Par dérogation aux articles R. 751-2, R. 751-3 et R. 751-4, la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application ou du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 aux parties qui en ont accepté l'usage pour l'instance considérée. / Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai. (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 431-1 du code de justice administrative que, contrairement à ce que soutient la commune de Corbeil-Essonnes, le délai d'appel court à compter de la notification à la partie, et non à son mandataire, de la décision de première instance. En l'espèce, il ressort des pièces produites par la société Techni'cité que l'ordonnance attaquée lui a été notifiée par voie postale le 28 juillet 2023. Dans ces conditions, sa requête, enregistrée le 11 août 2023, a été introduite dans le délai de quinze jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 541-3 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête de la société Techni'cité doit être écartée.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

5. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence (...). ". Et aux termes de l'article R. 541-1 du même code : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ".

6. L'ordonnance de référé accordant ou refusant une provision en application de l'article R. 541-1 précité est rendue à l'issue d'une procédure particulière, adaptée à la nature de la demande et à la nécessité d'une décision rapide. Le juge du référé-provision n'a pas l'obligation de communiquer au demandeur le mémoire en défense de la partie adverse, dès lors que celui-ci ne comporte pas d'élément nouveau susceptible d'exercer une influence sur sa décision. Toutefois, lorsqu'il décide de communiquer le mémoire en défense au requérant et lui impartit un délai pour y répondre, ce même juge ne peut, sans irrégularité, statuer sur la demande de provision avant que ce délai soit expiré.

7. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la commune de Corbeil-Essonnes a produit, devant le juge des référés du tribunal administratif, un mémoire en défense le 20 juillet 2023, que le greffe du tribunal a communiqué ce mémoire à la société Techni'cité, qui l'a reçu le 21 juillet 2023, en lui laissant un délai de dix jours pour produire sa réplique. Dès lors, en rejetant la demande de la société Techni'cité par une ordonnance en date du 24 juillet 2023, soit avant l'expiration du délai imparti à la société requérante pour produire sa réplique, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a méconnu le principe du contradictoire.

8. Il résulte de que ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée en tant qu'elle rejette les conclusions de la société Techni'cité tendant à la condamnation de la commune de Corbeil-Essonnes à lui verser une provision de 6 000 euros au titre des frais de conseil juridique.

9. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur lesdites conclusions.

Sur les conclusions à fin de provision :

10. Il résulte des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, citées au point 5, que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions :

11. Il résulte de l'instruction que, par une mise en demeure du 30 novembre 2022, la société Techni'cité a demandé à la commune de Corbeil-Essonnes, outre le règlement de sa facture de 3 240 euros TTC, la prise en charge des frais exposés par elle pour recouvrir sa créance, qui s'élevaient alors à la somme de 1 800 euros TTC. Il résulte également de l'instruction que le protocole transactionnel proposé par la société Techni'cité portait notamment sur le paiement des frais de conseil et d'assistance juridique exposés, à hauteur de 6 000 euros TTC, dont les 1 800 euros évoqués dans la mise en demeure du 30 novembre 2022, pour le recouvrement de la même créance. Il résulte, enfin, de l'instruction que la commune de Corbeil-Essonnes a refusé de donner suite à ce protocole transactionnel par une lettre du 18 avril 2023. Dans ces conditions, une décision de refus a bien été opposée à la demande de la société requérante tendant à la prise en charge de ses frais de conseil et d'assistance juridique. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Corbeil-Essonnes tirée de l'absence de liaison du contentieux doit être écartée.

En ce qui concerne le bien-fondé des conclusions :

12. D'une part, il résulte de l'instruction que la commune de Corbeil-Essonnes n'a procédé au règlement de la facture n° 2021-187 21 1666 02 émise le 31 août 2021 pour un montant de 3 240 euros, que le 17 juillet 2023, soit après la saisine du juge des référés de première instance le 1er juillet 2023. Il résulte des termes non contestés de la mise en demeure précitée du 30 novembre 2022 que la société Techni'cité a relancé la commune au sujet du paiement de cette facture par téléphone le 1er décembre 2021 et que ce n'est que par un mail du 27 janvier 2022 qu'un agent de la commune l'a informée de ce que la collectivité n'entendait pas régler cette facture en raison du délit de favoritisme qu'elle lui imputait. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une réunion tenue entre les parties le 4 janvier 2023, le conseil de la société Techni'cité a élaboré un protocole transactionnel, qui a été refusé par la commune par un courrier du 18 avril 2023 dans lequel celle-ci se désolidarisait toutefois de l'accusation de délit de favoritisme portée contre la société Techni'cité par l'un de ses agents et affirmait souhaiter régler la somme de 3 240 euros à la société requérante. Dans ces conditions, la société Techni'cité établit avoir dû engager des frais d'assistance juridique aux fins d'obtenir le règlement de la facture du 31 août 2021 auquel la commune de Corbeil-Essonnes refusait de se livrer.

13. Par ailleurs, par les pièces nouvellement produites en appel, la société Techni'cité justifie avoir engagé la somme de 1 800 euros de frais d'assistance de son conseil en 2022 et la somme de 4 200 euros, réglée en janvier 2023, pour la rédaction du protocole transactionnel par son conseil. Dans ces conditions, la créance de 6 000 euros dont elle se prévaut au titre des frais de conseil juridique exposés pour obtenir le paiement de la facture du 31 août 2021 n'est pas sérieusement contestable.

Sur les frais liés au litige :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Corbeil-Essonnes une somme de 2 000 euros à verser à la société Techni'cité sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Techni'cité, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la commune de Corbeil-Essonnes et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2305315 du 24 juillet 2023 de la vice-présidente du tribunal administratif de Versailles, juge des référés, est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions de la société Techni'cité tendant à la condamnation de la commune de Corbeil-Essonnes à lui verser une provision de 6 000 euros au titre des frais de conseil juridique.

Article 2 : La commune de Corbeil-Essonnes est condamnée à verser à la société Techni'cité une provision de 6 000 euros.

Article 3 : La commune de Corbeil-Essonnes versera à la société Techni'cité la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Techni'cité et à la commune de Corbeil-Essonnes.

Fait à Versailles le 11 janvier 2024.

La présidente de la 5ème chambre,

Juge des référés

Corinne Signerin-Icre

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE01900


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Numéro d'arrêt : 23VE01900
Date de la décision : 11/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL CABANES & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-11;23ve01900 ?
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