Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... E... épouse C..., Mme A... E..., agissant en leur qualité d'ayants droit d'Océane E... et en leur nom personnel, et M. H... C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de prescrire une expertise portant sur les conditions de la prise en charge d'Océane E..., respectivement leur fille, sœur et belle-fille, par l'hôpital de La Timone et le centre hospitalier universitaire de Montpellier, à compter du 1er janvier 2017 jusqu'à son décès le 18 octobre 2017.
Par une ordonnance n° 2304468 du 19 octobre 2023, il n'a pas été fait droit à leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2023, Mmes E... et M. C..., représentés par Me Jaubert, demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 19 octobre 2023 ;
2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande de première instance.
Ils soutiennent que le rapport établi par les experts désignés par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux comporte des erreurs, des lacunes et des incohérences ; qu'il ne permet pas de retenir que les recommandations du protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) sur les mucopolysaccharidoses ont été respectées ; qu'il ne permet pas d'établir que les médecins anesthésistes ont bien pris connaissance de l'avis émis par le praticien spécialisé en ORL du centre hospitalier universitaire de Montpellier ; que la conformité aux règles de l'art de l'absence tant d'un nouvel examen ORL avant l'intervention que d'un examen clinique lors de la visite pré-anesthésique de la veille n'a pas été discutée par les experts ; que le rapport n'a pas abordé la problématique du choix de la technique d'intubation ; que le centre hospitalier universitaire de Montpellier n'a pas participé à ces opérations d'expertise alors que le bien-fondé des préconisations du praticien spécialisé en ORL dont il relève doit être interrogé ; que le rapport comporte également des lacunes et des approximations concernant les modalités de réalisation de la procédure anesthésique ; que la nouvelle mesure d'expertise doit également être réalisée au contradictoire de l'ONIAM car elle doit déterminer quelle aurait été l'évolution de l'état d'Océane E... sans l'intervention ; qu'ils contestent avoir été informés sur les risques de l'anesthésie et la nécessité de prévoir la réalisation d'une trachéotomie de sauvetage.
Par un mémoire, enregistré le 6 novembre 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Fitoussi, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à sa mise hors de cause et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge des requérants, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que plusieurs critères de son intervention font défaut ; que le décès d'Océane E... est imputable à sa maladie génétique antérieure ainsi qu'à l'échec de l'intervention envisagée pour traiter celle-ci ; que son décès ne peut être qualifié d'anormal au sens de la loi et de la jurisprudence.
Par un mémoire, enregistré le 21 novembre 2023, l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille et le centre hospitalier universitaire de Montpellier, représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête.
Ils soutiennent que le rapport établi par les experts désignés par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux a dûment répondu à l'ensemble des missions qui leur ont été imparties ; que les requérants n'entendent pas solliciter une expertise complémentaire dès lors que les missions qu'ils souhaitent voir impartir au nouvel expert sont identiques ; qu'ils entendent, en réalité, solliciter une contre-expertise qu'il n'appartiendra qu'au juge du fond, éventuellement saisi, d'ordonner ; que la présence du centre hospitalier de Montpellier ne saurait justifier qu'une nouvelle expertise soit organisée dès lors que cet établissement n'est mis en cause qu'en raison de l'avis du praticien spécialisé en ORL, émis cinq mois avant l'intervention chirurgicale réalisée dans un autre établissement et qui ne s'imposait pas aux praticiens de cet établissement qui ont procédé à leur propre examen ; qu'ils s'en rapportent à justice quant à la mise en cause de l'ONIAM.
La requête a également été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.
2. Mme G... E... épouse C..., Mme A... E..., agissant en leur qualité d'ayants droit d'Océane E... et en leur nom personnel, et M. H... C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de prescrire une expertise portant sur les conditions de la prise en charge d'Océane E..., respectivement leur fille, sœur et belle-fille, par l'hôpital de La Timone et le centre hospitalier universitaire de Montpellier, à compter du 1er janvier 2017 jusqu'à son décès le 18 octobre 2017, survenu à l'âge de 17 ans. Par l'ordonnance attaquée du 19 octobre 2023, la juge des référés a refusé de faire droit à leur demande, au motif que l'organisation d'une nouvelle expertise ne présente pas le caractère d'utilité requis par les dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative dès lors qu'une telle mesure a déjà été diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, que les requérants ne se prévalent ni ne produisent aucun élément médical nouveau dont les experts ainsi missionnés n'auraient pas eu connaissance, qu'ils ne démontrent pas que ce rapport ne comporterait pas tous les éléments nécessaires pour apprécier le bien-fondé d'une éventuelle demande indemnitaire et que la mesure qu'ils sollicitent ne peut, dès lors, s'analyser que comme une demande de contre-expertise.
3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée au vu des pièces du dossier et notamment, s'agissant d'une éventuelle action en responsabilité du fait des conséquences dommageables d'un acte médical, de l'expertise, le cas échéant, déjà réalisée à l'initiative de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon la demande, la mesure sollicitée (CE, 4.10.2010, n° 332836).
4. Il résulte de l'instruction que Mmes E... ont saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, le 26 juillet 2019. En application des articles L. 1142-9 et suivants du code de la santé publique, la commission a diligenté une expertise confiée au professeur D... B..., chirurgien cardiaque pédiatrique, et au docteur I... F..., anesthésiste-réanimateur, lesquels ont déposé leur rapport le 9 décembre 2019. Par un avis du 13 février 2020, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation a rejeté la demande d'indemnisation présentée par Mmes E.... Il résulte également de l'instruction qu'Océane E..., porteuse d'une maladie génétique rare, une mucopolysaccharidose de type 1 ou maladie de Hurler, est décédée des suites d'un œdème aigu du poumon (OAP) massif provoqué par une valvulopathie mitro-aortique évolutive dont elle était porteuse et qui était l'une des anomalies secondaires sévères liées à sa maladie, consécutivement à une intervention de chirurgie cardiaque destinée à l'implantation d'une prothèse mécanique qui n'a finalement pas pu être réalisée, l'intubation trachéale nécessaire n'ayant elle-même pu être pratiquée. Aux termes du rapport susmentionné, les experts concluent que " le décès d'Océane E... est lié à la sévérité des anomalies secondaires à la maladie génétique : anomalies de la sphère ORL conduisant à un échec d'intubation malgré les précautions d'usage, anomalies valvulaires cardiaques entraînant un OAP massif en phase de réveil. La tentative d'intubation est non fautive. Elle n'a été qu'un élément déclencheur ".
5. Les requérants, d'une part, soulignent les " erreurs, lacunes et incohérences du rapport " s'agissant de l'appréciation portée par les experts sur les conditions dans lesquelles la tentative d'intubation trachéale a été réalisée et, d'autre part, contestent avoir reçu une information complète sur les difficultés anticipées de l'intubation trachéale et les risques de l'intervention. Toutefois, sur le premier point, le rapport des experts missionnés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux conclut, de façon claire et précise, que " l'échec d'intubation est liée aux anomalies morphologiques de la sphère ORL secondaires à la maladie génétique. Il ne s'agit pas d'un accident médical mais d'un échec de résultat malgré le respect des recommandations connues " et que " le décès est imputable à l'évolution de la maladie génétique (atteintes ORL et cardiaques associées). L'échec d'intubation a été un élément déclencheur non fautif ". Sur le second point, le rapport conclut, également de façon claire et précise, que " la patiente et sa famille (mère et sœur) ont reçu une information complète par le chirurgien (nécessité de l'intervention cardiaque étant donné la décompensation récente de la cardiopathie, espérance de vie réduite à moyen terme en l'absence d'intervention, risques de l'intervention) et par l'équipe d'anesthésie (difficultés anticipées de l'intubation trachéale, risques de l'intervention) ". L'appréciation de l'utilité d'une nouvelle mesure d'expertise qui suppose d'examiner la pertinence des contestations soulevées par les requérants à l'encontre du rapport ainsi établi, dans des conditions procédurales analogues à celles d'une expertise juridictionnelle et qui ne sont, du reste, pas contestées par eux, ne relève pas de l'office du juge des référés mais, le cas échéant, du seul juge du fond. Au demeurant, sur le second point, le débat contradictoire est susceptible, à lui seul, d'éclairer le juge du fond, sans qu'il soit nécessairement besoin, du moins pour établir la réalité de l'information donnée à la famille, de recourir à une nouvelle mesure d'expertise.
6. Par ailleurs, si le centre hospitalier universitaire de Montpellier, dont relève le professeur en ORL qui suivait Océane E... et qui avait été consulté pour donner un avis sur une éventuelle intubation, le 3 mai 2017, soit cinq mois avant l'intervention finalement pratiquée le 13 octobre 2017, ainsi que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) n'étaient pas présents aux opérations d'expertise conduites par les experts missionnés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, les conclusions claires et précises de leur rapport selon lesquelles le décès d'Océane E... " est lié à la sévérité des anomalies secondaires à la maladie génétique " dont elle était atteinte, s'opposent à l'utilité d'une nouvelle mesure d'expertise qui associerait tant le centre hospitalier universitaire de Montpellier que l'Office.
7. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme demandée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de Mme G... E... épouse C..., Mme A... E... et M. H... C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme G... E... épouse C..., à Mme A... E..., à M. H... C..., à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, au centre hospitalier universitaire de Montpellier, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.
Fait à Marseille, le 29 décembre 2023
N° 23MA026102
LH