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28/06/2024 | FRANCE | N°495219

France | France, Conseil d'État, 28 juin 2024, 495219


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 21 mai 2024, par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, sous la forme d'une interdiction de se déplacer en dehors du territoire de la commune de Pessac pendant une durée de trois mois, sauf autorisation, et lui a fait obligat

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Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 21 mai 2024, par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, sous la forme d'une interdiction de se déplacer en dehors du territoire de la commune de Pessac pendant une durée de trois mois, sauf autorisation, et lui a fait obligation pour une même durée de se présenter une fois par jour au commissariat de Pessac, de faire connaître et de justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de lieu de résidence dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la décision à intervenir. Par une ordonnance n° 2403373 du 30 mai 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 30 mai 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 21 mai 2024 prononçant une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite et peut être présumée eu égard à l'atteinte grave et manifeste portée à sa situation personnelle et ses libertés fondamentales ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'expression, sa liberté d'aller et venir et à son droit de mener une vie familiale normale ;

- c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a considéré que la mesure était justifiée par des faits permettant d'apprécier sa dangerosité alors que, d'une part, il n'est pas démontré qu'il représente une menace actuelle à la sécurité et l'ordre publiques et, d'autre part, la note blanche du ministre de l'intérieur et des outre-mer ne révèle aucun propos de nature à soutenir, diffuser ou adhérer à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes ;

- la mesure contestée est disproportionnée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 228-2 du même code : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer et justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de lieu d'habitation. (...) Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre (...) ". Aux termes de l'article L. 228-5 : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à toute personne mentionnée à l'article L. 228-1, y compris lorsqu'il est fait application des articles L. 228-2 à L. 228-4, de ne pas se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité publique. Cette obligation tient compte de la vie familiale de la personne concernée. L'obligation mentionnée au premier alinéa du présent article est prononcée pour une durée maximale de six mois à compter de la notification de la décision du ministre. (...) ".

3. Il appartient au juge des référés de s'assurer, en l'état de l'instruction devant lui, que l'autorité administrative, opérant la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public, n'a pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale dans l'application de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure qui permet de prendre à l'égard d'une personne les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance prévues aux articles suivants, dont celles des articles L. 228-2 et L. 228-5. Par ailleurs, il résulte de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que ces mesures doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.

4. Il ressort de l'instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux que, par un arrêté du 21 mai 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, pris à l'encontre de M. A..., ressortissant nigérien domicilié à Pessac, une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance aux termes de laquelle, outre une interdiction de se rendre sur certains lieux le 23 mai 2024, il a interdiction de se déplacer sans autorisation préalable hors du territoire de la commune de Pessac pendant une durée de trois mois et doit, pendant la même durée, se présenter une fois par jour au commissariat de police de Pessac. Pour rejeter les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lever ces dernières mesures, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a relevé d'une part que M. A... n'apportait aucun élément de nature à établir l'inexactitude des faits invoqués par le ministre de l'intérieur pour justifier ces mesures et que ces faits, consistant en de nombreux propos, prises de positions et publications sur plusieurs réseaux sociaux par lesquelles M. A... " apporte son soutien aux thèses qui remettent en cause les valeurs républicaines, incitent au repli identitaire et contestent le principe de laïcité, ainsi qu'aux idéologies djihadistes et islamistes, qui font l'apologie du martyr, de la guerre sainte, en particulier à l'encontre des sociétés occidentales, et tendent à justifier des actions terroristes ", étaient de nature à justifier légalement la mesure litigieuse. Il a d'autre part estimé que la mesure n'était pas disproportionnée dès lors qu'il résultait de l'instruction " que l'intéressé, qui ne fait état d'aucune contrainte particulière d'ordre professionnel, peut à tout moment demander un aménagement de ses obligations, et qu'il a par ailleurs déjà bénéficié d'un sauf-conduit pour aller à un rendez-vous médical en dehors de son périmètre d'assignation ". M. A..., qui n'apporte devant le juge d'appel aucun élément de nature à remettre en cause ces constatations, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a jugé qu'en prenant, dans un contexte marqué par un risque élevé d'attentat terroriste pendant la période des jeux olympiques, la mesure litigieuse, le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'avait pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et de venir ni à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la requête de M. A... doit être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....

Fait à Paris, le 28 juin 2024

Signé : Gilles Pellissier


Synthèse
Numéro d'arrêt : 495219
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2024, n° 495219
Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:495219.20240628
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