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22/12/2023 | FRANCE | N°490109

France | France, Conseil d'État, 22 décembre 2023, 490109


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision du 8 novembre 2023 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a demandé aux éditeurs des services de radio et de télévision de le regarder comme une " personnalité poli

tique " pour l'application des dispositions de l'article 13 de la loi du 30 septembr...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 8 novembre 2023 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a demandé aux éditeurs des services de radio et de télévision de le regarder comme une " personnalité politique " pour l'application des dispositions de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite eu égard, d'une part, à la gravité de l'atteinte portée à sa liberté d'expression et à l'intérêt public qui s'attache au pluralisme de l'expression des points de vue et, d'autre part, au fait que le jugement de sa requête au fond n'interviendra vraisemblablement pas avant les élections européennes de 2024 ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- cette décision méconnaît les dispositions du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, faute d'être revêtue des mentions requises ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa qualité de " personnalité politique ", dès lors qu'il n'est plus affilié au mouvement Les Républicains depuis le 1er janvier 2023 ;

- cette décision porte une atteinte excessive à la liberté d'association, à la liberté de réunion, à la liberté d'expression et à la libre communication des idées et des opinions, en méconnaissance des stipulations des articles 10 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 11 et 12 de la charte européenne des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 22 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La communication au public par voie électronique est libre. / L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise (...) par le respect (...) du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion (...) ". Aux termes de l'article 13 de la même loi : " L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale. / Les services de radio et de télévision transmettent les données relatives aux temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique selon les conditions de périodicité et de format que l'autorité détermine. L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique communique chaque mois aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et aux responsables des différents partis politiques représentés au Parlement le relevé des temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes. Ce relevé est également publié dans un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé ".

3. M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 8 novembre 2023 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a demandé aux éditeurs des services de radio et de télévision de le regarder comme une " personnalité politique " pour l'application des dispositions citées au point 2.

4. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.

5. Pour justifier l'urgence qui s'attache, selon lui, à la suspension de l'exécution de la décision de l'Arcom, M. B... soutient que cette décision a pour effet de réduire sa présence dans les programmes de radio et de télévision auxquels il participe régulièrement et uniquement en qualité de juriste, essayiste et citoyen engagé dans le débat d'idées sur des sujets de société, si bien qu'elle porterait selon lui une atteinte grave à sa liberté d'expression et à l'intérêt public qui s'attache au pluralisme de l'expression des points de vue. Il fait également valoir que sa requête en annulation ne devrait pas pouvoir être jugée avant l'échéance des élections européennes, mentionnée dans les motifs de cette décision. Toutefois, ces allégations ne sauraient suffire, dans les circonstances de l'espèce, à caractériser une situation d'urgence, alors qu'il résulte des termes mêmes de la décision contestée que l'Arcom s'est bornée à inviter les éditeurs à décompter le temps des interventions de M. B... " pour les seuls propos tenus en sa qualité de personnalité politique ".

6. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas satisfaite. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée, la requête de M. B... doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....

Copie en sera adressée à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Fait à Paris, le 22 décembre 2023

Signé : Suzanne von Coester


Synthèse
Numéro d'arrêt : 490109
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 déc. 2023, n° 490109
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:490109.20231222
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