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12/06/2023 | FRANCE | N°474732

France | France, Conseil d'État, 12 juin 2023, 474732


Vu la procédure suivante :

Mme C... D... et M. E... A..., agissant en leur nom propre et au nom de leurs filles mineures, Mme F... B... et Mme G... A..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner au directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de respecter les conditions matérielles d'accueil dont bénéficient leurs deux filles et d'attribuer à la famille un hébergement ainsi que de leur verser l'allocation pour demand

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Vu la procédure suivante :

Mme C... D... et M. E... A..., agissant en leur nom propre et au nom de leurs filles mineures, Mme F... B... et Mme G... A..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner au directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de respecter les conditions matérielles d'accueil dont bénéficient leurs deux filles et d'attribuer à la famille un hébergement ainsi que de leur verser l'allocation pour demandeur d'asile et de délivrer à leurs deux filles la carte prévue par l'article D. 553-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), sans délai, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2312519 du 1er juin 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... et autre demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'ils vivent dans la rue avec leurs deux filles âgées de deux mois et neuf ans, sans percevoir l'allocation pour demandeur d'asile, et ce malgré l'octroi des conditions matérielles d'accueil à ces dernières et des appels quotidiens au 115 ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au principe d'interdiction des traitements inhumains et dégradants, au principe de dignité de la personne humaine, à l'intérêt supérieur de l'enfant et au droit d'asile, dès lors qu'ils vivent dans la rue et sont sans ressources.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Mme D... et M. A... relèvent appel de l'ordonnance du 1er juin 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à ordonner au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de respecter les conditions matérielles d'accueil dont bénéficient leurs deux filles et d'attribuer à la famille un hébergement ainsi que de leur verser l'allocation pour demandeur d'asile et de délivrer à leurs filles la carte prévue par l'article D. 553-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le cadre juridique :

3. L'article 2 de la directive 2013/33/UE précise que les conditions matérielles d'accueil comprennent le logement, la nourriture et l'habillement, fournis en nature ou sous forme d'allocation financière ou de bons, ou en combinant ces trois formules, ainsi qu'une allocation journalière. Aux termes de l'article 17 de cette directive : " 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs aient accès aux conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils présentent leur demande de protection internationale. / 2. Les États membres font en sorte que les mesures relatives aux conditions matérielles d'accueil assurent aux demandeurs un niveau de vie adéquat qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mentale. / Les États membres font en sorte que ce niveau de vie soit garanti dans le cas de personnes vulnérables, conformément à l'article 21 (...) " et aux termes de l'article 18 de cette même directive : " (...) 9. Pour les conditions matérielles d'accueil, les États membres peuvent, à titre exceptionnel et dans des cas dûment justifiés, fixer des modalités différentes de celles qui sont prévues dans le présent article, pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, lorsque : / (...) b) les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées (...) ".

4. D'une part, aux termes de l'article L. 551-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile, au sens de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, comprennent les prestations et l'allocation prévues aux chapitres II et III. " Aux termes de l'article L. 551-9 du même code : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de sa demande par l'autorité administrative compétente. " Aux termes de l'article L. 551-10 de ce code : " Le demandeur est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, que le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut lui être refusé ou qu'il peut y être mis fin dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 551-15 et L. 551-16. " Aux termes de cet article L. 551- 15 : " Les conditions matérielles d'accueil peuvent être refusées, totalement ou partiellement, au demandeur dans les cas suivants : / (...) / 3° Il présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ; / (...). ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 521-1 du même code : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à la détermination de l'Etat responsable (...). " et de l'article L. 521-3: " Lorsque la demande d'asile est présentée par un étranger qui se trouve en France accompagné de ses enfants mineurs, elle est regardée comme présentée en son nom et en celui de ses enfants. ". En application de l'article L. 531-23 du même code : " Lorsqu'il est statué sur la demande de chacun des parents présentée dans les conditions prévues à l'article L. 521-3, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise également au bénéfice des enfants. Cette décision n'est pas opposable aux enfants qui établissent que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire. " Aux termes de l'article L. 521-13 du même code : " L'étranger est tenu de coopérer avec l'autorité administrative compétente en vue d'établir son identité, sa nationalité ou ses nationalités, sa situation familiale, son parcours depuis son pays d'origine ainsi que, le cas échéant, ses demandes d'asile antérieures. Il présente tous documents d'identité ou de voyage dont il dispose. "

6. Enfin, aux termes de l'article L. 531-41 du même code : " Constitue une demande de réexamen une demande d'asile présentée après qu'une décision définitive a été prise sur une demande antérieure. / Le fait que le demandeur ait explicitement retiré sa demande antérieure, ou que la décision définitive ait été prise en application des articles L. 531-37 ou L. 531-38, ou encore que le demandeur ait quitté le territoire, même pour rejoindre son pays d'origine, ne fait pas obstacle à l'application des dispositions du premier alinéa. (...) ". En application de l'article L. 531-9 du même code : " Si des éléments nouveaux sont présentés par le demandeur d'asile alors que la procédure concernant sa demande est en cours, ils sont examinés, dans le cadre de cette procédure, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides s'il n'a pas encore statué ou par la Cour nationale du droit d'asile si elle est saisie. "

7. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile de présenter une demande en son nom et, le cas échéant, en celui de ses enfants mineurs qui l'accompagnent. En cas de naissance ou d'entrée en France d'un enfant mineur postérieurement à l'enregistrement de sa demande, l'étranger est tenu, tant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile, ne s'est pas prononcé, d'en informer cette autorité administrative ou cette juridiction. La décision rendue par l'Office ou, en cas de recours, par la Cour nationale du droit d'asile, est réputée l'être à l'égard du demandeur et de ses enfants mineurs, sauf dans le cas où le mineur établit que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire.

8. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les parents d'un enfant né après l'enregistrement de leur demande d'asile présentent, postérieurement au rejet définitif de leur propre demande, une demande au nom de leur enfant. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point précédent que la demande ainsi présentée au nom du mineur doit alors être regardée, dans tous les cas, comme une demande de réexamen au sens de l'article L. 531-41 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. La demande ainsi présentée au nom du mineur présentant le caractère d'une demande de réexamen, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être refusé à la famille, conformément aux dispositions de l'article L. 551-15, sous réserve d'un examen au cas par cas tenant notamment compte de la présence au sein de la famille du mineur concerné.

Sur le litige :

10. D'une part, il ne résulte pas des pièces versées à l'instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif que, ainsi que le soutiennent les requérants, l'OFII ait accordé les conditions matérielles d'accueil à leurs filles, le courrier du 4 mai 2023 se bornant à les inviter à se présenter au service d'accompagnement des demandeurs d'asile. Ainsi, les conclusions tendant à enjoindre au directeur de l'OFII de respecter les conditions matérielles d'accueil allouées ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.

11. D'autre part, il résulte de l'instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif que l'une des enfants est en très bas-âge et que ses parents font état de la difficulté à trouver un hébergement ou un logement, ne disposant d'aucune offre dans le cadre du 115, la famille étant ainsi contrainte de vivre dans la rue. Si une telle situation peut donner lieu à une prise en charge au titre de l'hébergement d'urgence, elle ne révèle cependant pas, s'agissant des droits octroyés aux personnes sollicitant l'asile, une situation telle qu'elle justifie une mesure à prendre dans un délai de quarante-huit heures, alors qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être refusé à la famille puisque la demande d'asile de Mme D..., qui valait également à l'égard de ses enfants mineurs, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 14 avril 202, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 juillet 2021, de sorte que la demande introduite au nom de leurs filles en mai 2023 doit être regardée comme une demande de réexamen.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et autre ne sont pas fondés à soutenir que c'est tort que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Leurs conclusions, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent par suite être rejetées, selon la procédure de l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme D... et M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... D... et M. E... A....

Fait à Paris, le 12 juin 2023

Signé : Damien Botteghi


Synthèse
Numéro d'arrêt : 474732
Date de la décision : 12/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2023, n° 474732
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:474732.20230612
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