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12/06/2023 | FRANCE | N°474708

France | France, Conseil d'État, 12 juin 2023, 474708


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté par lequel le préfet de Mayotte a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, ainsi que de tous autres arrêtés pris en son exécution fixant le pays de renvoi, portant interdiction de retour sur le territoire français et placement en rétention administrative.

Par une ordonnance n° 2302345

du 29 mai 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a reje...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté par lequel le préfet de Mayotte a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, ainsi que de tous autres arrêtés pris en son exécution fixant le pays de renvoi, portant interdiction de retour sur le territoire français et placement en rétention administrative.

Par une ordonnance n° 2302345 du 29 mai 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de suspendre l'exécution des décisions dont elle fait l'objet ;

3°) d'enjoindre au préfet de Mayotte d'organiser son retour à Mayotte, aux frais de l'Etat, dans un délai maximal de 30 jours à compter de la décision à venir ;

4°) d'enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) d'assortir les injonctions prononcées d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, à liquider intégralement à son profit tous les sept jours ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a entaché son ordonnance d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation en estimant que la condition d'urgence n'était pas remplie, alors que contrairement à ce qu'il a retenu, elle a effectivement été reconduite à Madagascar et que l'urgence concernant cette décision ne se distingue pas de celle valant pour l'obligation de quitter le territoire, qu'il a admise, peu important qu'elle ait ou non été éloignée ;

- en ne lui communiquant pas les décisions attaquées, en ne visant pas la réponse faite à la note en délibéré du préfet et en raisonnant comme il l'a fait, le juge des référés du tribunal a méconnu le droit au respect de l'équité procédurale, dont découlent le caractère contradictoire de la procédure et le principe d'impartialité ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'obligation de quitter le territoire et l'interdiction de retour ne lui permettent plus de prendre soin de son fils et sa nièce, tous deux mineurs ;

- les décisions attaquées méconnaissent les articles 3-1 et 9-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et l'intérêt supérieur des enfants dont elle prend soin, dans des conditions portant atteinte au droit de ne pas être torturé ;

- les décisions litigieuses portent atteinte au droit d'accès au juge.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que Mme B..., ressortissante malgache née en 1986, a fait l'objet de décisions du préfet de Mayotte refusant de l'admettre au séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et lui interdisant de revenir sur le territoire. Elle fait appel de l'ordonnance du 29 mai 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à ce que soit suspendue l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction d'y retourner.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. En premier lieu, il ressort des pièces de la procédure devant le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte que l'ensemble des éléments versés aux débats devant lui ont pu faire l'objet d'échanges contradictoires. Eu égard aux moyens soulevés en première instance et à l'office du juge administratif en matière de référé-liberté, la circonstance que certaines pièces demandées par la requérante n'aient pas été produites devant le juge des référés ne saurait avoir porté atteinte à " l'équité procédurale ".

4. En deuxième lieu, l'absence de mention dans les visas de l'ordonnance attaquée du mémoire de la requérante, produit après l'audience, en réponse à une " note en délibéré " du préfet, mais avant la clôture de l'instruction qui avait été différée, n'est pas, en elle-même, de nature à en entraîner l'annulation dès lors que ce mémoire ne comportait pas de conclusions nouvelles ni, d'ailleurs, d'élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu.

5. Enfin, les allégations de la requérante relatives au manque d'impartialité du juge des référés ne sont assorties d'aucune précision de nature à les étayer.

Sur les conclusions relatives à l'obligation de quitter le territoire français sans délai :

6. Pour rejeter la demande de Mme B..., le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a estimé que si l'intéressée alléguait résider à Mayotte depuis 2013 avec son fils mineur, né en 2005, qui y est scolarisé, et sa nièce, la mesure d'éloignement litigieuse ne révélait pas, en l'état du dossier, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, notamment à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de l'enfant. A cet effet, il a relevé que le fils de la requérante est né à Madagascar, que la continuité du séjour de la requérante depuis 2013 n'est pas établie par les seules factures d'achats et documents médicaux qu'elle verse au dossier, que l'intéressée ne justifie pas pourvoir aux besoins de son fils, ni même qu'il résiderait avec elle, ni être démunie d'attaches personnelles à Madagascar et ne fait état d'aucune circonstance qui l'empêcherait de reconstituer sa cellule familiale à Madagascar. Mme B... n'apporte en appel aucun élément susceptible d'infirmer l'appréciation retenue par le juge des référés de première instance.

7. Par ailleurs, la seule circonstance qu'un recours relatif à son droit au séjour serait pendant devant le tribunal administratif de Mayotte ne suffit pas à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale au " droit d'accès au juge " du seul fait de la mesure d'éloignement litigieuse.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai.

Sur les conclusions relatives à l'interdiction de retour sur le territoire français :

9. Les conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire n'étant motivées que par les mêmes moyens et par voie de conséquence de l'illégalité alléguée de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 qu'elles ne peuvent qu'être rejetées en l'absence d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il suit de là que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

10. Il résulte de tout ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de Mme B... ne peut être accueilli. Sa requête ne peut dès lors qu'être rejetée, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B....

Fait à Paris, le 12 juin 2023

Signé : Anne Courrèges


Synthèse
Numéro d'arrêt : 474708
Date de la décision : 12/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2023, n° 474708
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:474708.20230612
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