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08/06/2023 | FRANCE | N°474448

France | France, Conseil d'État, 08 juin 2023, 474448


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mai et 5 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Getir France, Abitbol et Rousselet, El Baze-Charpentier, BTSG et MJA demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 22 mars 2023 du ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement, modifiant l

a définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mai et 5 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Getir France, Abitbol et Rousselet, El Baze-Charpentier, BTSG et MJA demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 22 mars 2023 du ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement, modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées dans les plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution de l'arrêté contesté porte une atteinte grave et immédiate à la situation de la société Getir France, en ce qu'elle lui fait courir le risque d'une fermeture immédiate de l'ensemble de ses magasins, notamment à Paris, s'ils devaient être qualifiés d'entrepôts en application des dispositions de cet arrêté ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;

- cet arrêté a été adopté au terme d'une procédure irrégulière au regard de l'article L. 462-2 du code de commerce, en l'absence de consultation préalable de l'Autorité de la concurrence, et au regard des prescriptions de la directive du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015, en l'absence de notification préalable à la Commission européenne ;

- il méconnaît l'objectif d'intelligibilité de la norme, le principe d'égalité et de non-discrimination, la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie ;

- il porte une atteinte excessive et non justifiée à la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi qu'au principe de sécurité juridique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.

3. Par l'arrêté du 22 mars 2023 dont la suspension est demandée, le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement, a modifié l'arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées dans les plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu. Les requérants contestent la formulation des dispositions prévoyant, d'une part, que la sous-destination " artisanat et commerce de détail " recouvre, notamment, " les constructions commerciales avec surface de vente destinées à la présentation ou à l'exposition de biens et de marchandises proposées à la vente au détail à une clientèle, ainsi que les locaux dans lesquels sont exclusivement retirés par les clients les produits stockés commandés par voie télématique " et, d'autre part, que la sous-destination " entrepôt " recouvre " les constructions destinées à la logistique, au stockage ou à l'entreposage des biens sans surface de vente, les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d'achats au détail commandés par voie télématique, ainsi que les locaux hébergeant les centres de données ".

4. Pour caractériser l'urgence qui s'attache, selon eux, à la suspension de l'exécution de ces dispositions, la société Getir France, placée en redressement judiciaire depuis le 2 mai 2023, et ses administrateurs et mandataires judiciaires soutiennent que l'exécution de l'arrêté du 22 mars 2023 porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts de cette société, en ce qu'elle l'expose au risque que ses magasins dits " open store ", voués non seulement à la livraison à domicile mais aussi à l'accueil de sa clientèle, pour des achats au comptoir et le retrait de produits achetés en ligne, soient regardés comme des entrepôts, alors qu'une telle qualification la contraindrait à mettre fin à leur exploitation, à Paris comme dans les communes qui opteraient pour leur interdiction en pied d'immeuble. Toutefois, d'une part, le plan local d'urbanisme de la ville de Paris actuellement en vigueur assimile déjà aux entrepôts tous les locaux d'entreposage liés à une activité commerciale, dès lors que leur taille représente plus d'un tiers de la surface de plancher totale. D'autre part, s'agissant de la situation dans d'autres communes, les requérants se bornent à faire état de craintes liées à l'adoption de nouvelles réglementations, sans apporter de précisions sur les effets propres de l'arrêté contesté, qui, ainsi qu'il est dit au point 3, a pour seul objet de modifier la définition des sous-destinations de constructions susceptibles de faire l'objet de règles particulières dans les plans locaux d'urbanisme, sans édicter par lui-même de telles règles. Dans ces conditions, la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut pas être regardée comme remplie.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté contesté, que la présente requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête des sociétés Getir France et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Getir France, première dénommée pour l'ensemble des requérants.

Fait à Paris, le 8 juin 2023

Signé : Suzanne von Coester


Synthèse
Numéro d'arrêt : 474448
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2023, n° 474448
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP THOMAS-RAQUIN, LE GUERER, BOUNIOL-BROCHIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:474448.20230608
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