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23/02/2023 | FRANCE | N°471562

France | France, Conseil d'État, 23 février 2023, 471562


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner à la cheffe d'établissement du centre pénitentiaire de Marseille et au ministre de la justice de l'autoriser à s'absenter au titre des délais de route pour assister à des réunions syndicales organisées les 20 février et 1er mars 2023 à Seysses, en Haute-Garonne. Par une ordonnance n° 2301536 du 20 février 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Marsei

lle a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 21 février 2023...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner à la cheffe d'établissement du centre pénitentiaire de Marseille et au ministre de la justice de l'autoriser à s'absenter au titre des délais de route pour assister à des réunions syndicales organisées les 20 février et 1er mars 2023 à Seysses, en Haute-Garonne. Par une ordonnance n° 2301536 du 20 février 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 21 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'ordonner à la cheffe du centre pénitentiaire de Marseille et au garde des sceaux, ministre de la justice de l'autoriser à s'absenter au titre des délais de route correspondant aux autorisations spéciales d'absence des 20 février et 1er mars 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, devant lequel elle faisait valoir l'imminence des réunions de travail prévues les 20 février et 1er mars 2023 en vue desquelles des mesures de sauvegarde de la liberté syndicale étaient nécessaires, ne l'a pas remise en cause ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale ;

- la circulaire du directeur de l'administration pénitentiaire du 30 juillet 2021 relative à la mise en œuvre du dialogue social dans les services de l'administration pénitentiaire, laquelle est invocable dès lors qu'elle comporte des dispositions réglementaires, peu important qu'elle n'ait pas fait l'objet d'une publication dans les conditions fixées à l'article R. 312-10 du code des relations entre le public et l'administration, et, en tout état de cause, la circulaire du ministre en charge de la fonction publique du 3 juillet 2014 relative à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique dont elle est la traduction, qui a fait l'objet d'une publication dans les conditions fixées par ce texte, prévoient toutes les deux explicitement que la durée d'absence de l'agent qui sollicite une autorisation spéciale d'absence comprend les délais de route ;

- l'absence de demande expresse de délais de route par son organisation syndicale ne saurait lui être opposée dès lors que, d'une part, les formulaires de demande prévus à cet effet et imposés par l'administration ne le permettent pas, et, d'autre part, une telle demande suppose de connaître l'emploi du temps de l'agent et son cycle de travail ;

- le courriel de la cheffe d'établissement du centre pénitentiaire de Marseille du 18 janvier 2023, qui confirme que des délais de route ont été accordés aux représentants d'autres organisations syndicales, caractérise l'existence d'une discrimination syndicale, laquelle ressort également d'agissements antérieurs de l'administration.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Le syndicat pénitentiaire des surveillants non gradés (SPS) a sollicité du centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille, le 25 janvier 2023, l'octroi d'autorisations spéciales d'absence pour les journées du 20 février et du 1er mars 2023, au bénéfice de Mme Ferchichi, secrétaire locale de ce syndicat à Marseille, afin qu'elle participe aux réunions syndicales organisées à ces deux dates au siège du syndicat, à Seysses, en Haute-Garonne. Cette dernière a constaté sur les plannings arrêtés par la cheffe de l'établissement que les autorisations spéciales d'absence qui lui ont été accordées à la suite de cette demande ne portaient que sur ces deux journées et que l'administration ne l'avait pas autorisée, en sus, à s'absenter pour effectuer les trajets retour entre Seysses et Marseille, villes distantes d'un peu plus de 400 km, le lendemain de chacune des deux réunions, les 21 février et 2 mars 2023, aucune autorisation d'absence n'étant par ailleurs nécessaire pour les trajets aller des 19 et 28 février en l'absence d'obligations de service ces jours-là. Par une ordonnance dont la requérante interjette appel, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de la justice et à la cheffe du centre pénitentiaire de Marseille de lui accorder, en sus des autorisations spéciales d'absence imputées sur le crédit de temps syndical du SPS, une autorisation d'absence les 21 février et 2 mars 2023 au titre des délais de route.

3. En premier lieu, dès lors que Mme A... a introduit la présente requête d'appel postérieurement à la réunion organisée à Seysses par le SPS le 20 février 2023, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de l'autoriser à s'absenter au titre du délai de route pour regagner Marseille depuis le lieu de cette réunion étaient, dès l'origine, privées d'objet et ne peuvent qu'être rejetées comme manifestement irrecevables.

4. En deuxième lieu, en vertu de l'article 16 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique, une organisation syndicale qui s'est vue octroyer des crédits de temps syndical dans les conditions prévues aux II à V de cet article désigne librement les bénéficiaires de ces crédits parmi ses représentants, soit par le biais de décharges de service, soit par celui de crédits d'heures utilisés sous forme d'autorisations d'absence d'une demi-journée au minimum. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve des nécessités du service, le chef de service compétent accorde au bénéficiaire désigné le crédit d'heures demandé par l'organisation syndicale dont ce dernier relève, dans la limite de la durée sollicitée, exprimée en demi-journées, celle-ci étant censée correspondre au temps nécessaire à la réalisation de l'activité en cause, trajets inclus. Contrairement à ce qui est soutenu, ni les dispositions de cet article, ni, en tout état de cause, la circulaire du ministre de la décentralisation et de la fonction publique du 3 juillet 2014 relative à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique et la circulaire du directeur de l'administration pénitentiaire du 30 juillet 2021 relative à la mise en œuvre du dialogue social dans les services de l'administration pénitentiaire, lesquelles se bornent à énoncer que la durée totale de l'absence de l'agent imputée sur le crédit de temps syndical comprend l'autorisation spéciale d'absence et les éventuels délais de route, n'ouvrent droit, au profit des agents, à l'octroi d'autorisations d'absence pour délais de route s'ajoutant aux autorisations spéciales d'absence imputées sur les crédits d'heures de l'organisation syndicale.

5. D'une part, il est constant que, dans sa demande du 25 janvier 2023, le SPS s'est borné à solliciter de l'administration l'octroi d'autorisations spéciales d'absence au profit de Mme A... au titre de crédits d'heures syndicales pour les deux journées du 20 février et du 1er mars 2023. La seule mention du lieu de ces réunions sur le formulaire adressé par ce syndicat ne saurait s'interpréter comme une demande tendant à l'utilisation de crédits d'heures pour les trajets aller et retour vers et depuis celui-ci, alors au surplus que l'intéressée indique elle-même qu'une telle demande aurait été sans objet pour les trajets aller compte tenu du congé annuel et du repos compensateur dont elle devait respectivement bénéficier la veille de chacune des réunions et qu'il ne pouvait être exclu qu'elle soit en mesure de rejoindre Marseille le jour même, à l'issue de chaque réunion, dont la durée n'était pas précisée dans la demande. Au demeurant, il ressort des échanges entre la cheffe du centre pénitentiaire de Marseille et le SPS que ce dernier n'a pas entendu imputer les trajets de Mme A... sur son crédit de temps syndical mais réclamait que celle-ci puisse bénéficier d'autorisations d'absence en sus. C'est donc à bon droit que l'administration s'est bornée à octroyer l'autorisation spéciale d'absence sollicitée pour la journée du 1er mars 2023, sans autoriser Mme A... à s'absenter le lendemain au titre du délai de route.

6. D'autre part, il ne ressort ni du courriel que la cheffe du centre pénitentiaire de Marseille a adressé à la requérante le 18 janvier 2023, qui se borne à indiquer que les délais de route ont vocation à être octroyés au titre du crédit de temps syndical et que cette règle est appliquée aux demandes formulées par les autres organisations syndicales, ni des éléments produits par Mme A..., que le refus opposé à sa demande d'autorisation d'absence au titre des délais de route, en sus des autorisations spéciales d'absence prévues à l'article 16 du décret du 28 mai 1982, traduirait une discrimination à son détriment ou à celui du SPS.

7. Dans ces conditions, la mesure contestée ne porte pas à la liberté syndicale une atteinte manifestement illégale. Au surplus, à supposer même qu'il soit prévu que la réunion du 1er mars 2023, qui doit débuter à huit heures et dont la durée n'est pas précisée, se termine à un horaire ne permettant pas à Mme A... de regagner Marseille en voiture en toute sécurité le jour même, l'obligation dans laquelle elle se trouverait d'écourter sa participation pour effectuer ce trajet dans de bonnes conditions et être à même d'exercer ses fonctions au centre pénitentiaire le lendemain matin ne constituerait pas une atteinte grave à cette même liberté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est manifestement pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris les conclusions qu'elle présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A....

Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice.

Fait à Paris, le 23 février 2023

Alexandre Lallet


Synthèse
Numéro d'arrêt : 471562
Date de la décision : 23/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 fév. 2023, n° 471562
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:471562.20230223
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