La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/2023 | FRANCE | N°471429

France | France, Conseil d'État, 22 février 2023, 471429


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Enfance Avenir, la Confédération française pour l'adoption - comité Brive, M. et Mme I... et G... H..., M. et Mme F... et E... B... ainsi que M. et Mme A... et D... C..., demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères du 24 octobre 2022 portant susp

ension temporaire des procédures d'adoption internationale concernant les enf...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Enfance Avenir, la Confédération française pour l'adoption - comité Brive, M. et Mme I... et G... H..., M. et Mme F... et E... B... ainsi que M. et Mme A... et D... C..., demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères du 24 octobre 2022 portant suspension temporaire des procédures d'adoption internationale concernant les enfants résidant à Madagascar et de la décision du 14 décembre 2022 de la même ministre rejetant leur recours gracieux contre cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à chaque association et famille requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les décisions retardent les procédures d'adoption engagées par des familles françaises à Madagascar, au risque de les compromettre, que l'engagement d'une nouvelle procédure dans un autre pays ne pourrait aboutir que dans plusieurs années, que ces décisions portent préjudice aux enfants malgaches en attente d'adoption et mettent en péril la viabilité financière des organismes autorités pour l'adoption et porte atteinte aux intérêts de leurs représentants à Madagascar et que le ministère n'a engagé aucune démarche auprès des autorités malgaches ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté et de la décision de rejet contestés ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut de motivation ;

- le rapport du comité des droits de l'enfant de l'ONU du 9 mars 2022, sur les conclusions desquelles les décisions litigieuses sont fondées, ne mentionne ni l'adoption ni les questions d'état civil parmi ses préoccupations ;

- il n'est pas fait état d'une absence de garanties nécessaires en termes de sécurité et d'éthique des procédures d'adoption dès lors notamment qu'aucune illégalité dans les procédures d'adoption à Madagascar n'a été signalée ni par le consulat de France à Antananarivo, ni par la mission de l'adoption internationale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale du 29 mai 1993 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. En vertu du 4° de l'article R. 148-10 du code de l'action sociale et des familles, le ministre des affaires étrangères prend les décisions, préparées par l'Autorité centrale pour l'adoption internationale, en matière de suspension des adoptions en fonction des circonstances et des garanties apportées par les procédures mises en œuvre par les pays d'origine des enfants, afin notamment d'assurer le respect de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.

3. Par un arrêté du 24 octobre 2022, publié le 26 octobre suivant, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères a suspendu, pour une durée d'un an, toutes les procédures d'adoption internationale concernant des enfants ayant leur résidence habituelle à Madagascar par toute personne résidant habituellement en France, à l'exclusion des procédures ayant donné lieu, à la date de la publication de cet arrêté, à un apparentement par l'Autorité centrale de l'adoption malagasy (ACAM), autorité centrale malgache pour la mise en œuvre de la convention du 29 mai 1993.

4. Deux organismes autorisés pour l'adoption à Madagascar et trois couples ayant engagé une procédure d'adoption d'un enfant dans ce pays par l'intermédiaire de ceux-ci demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 24 octobre 2022 et celle de la décision du 14 décembre 2022 par laquelle la ministre de l'Europe et des affaires étrangères a rejeté leur recours gracieux contre cet arrêté.

5. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

6. Pour justifier de l'urgence qui s'attache, selon eux, à la suspension de l'exécution de ces décisions, les requérants font valoir que celles-ci retardent de plusieurs mois, voire davantage en cas de reconduction de la mesure de suspension, le projet d'adoption à Madagascar de quinze familles, dont les trois familles requérantes, qu'une démarche d'adoption dans un autre pays ne pourrait aboutir que dans trois à quatre ans au mieux, que la mission d'adoption internationale n'a entrepris aucune démarche avec l'autorité malgache afin de mettre en place des mesures correctives, que ces mesures pénalisent les enfants susceptibles d'être adoptés par les familles françaises, placent les organismes autorisés pour l'adoption et leurs représentants à Madagascar en difficulté financière et augmentent le risque que ces organismes ne soient plus en capacité d'assurer leur mission en cas de reprise tardive des procédures, ne bénéficient pas du renouvellement de leur autorisation par les autorités françaises et de celui de leur accréditation par les autorités malgaches.

7. La suspension des procédures d'adoption à Madagascar a été prononcée en octobre 2022 à titre temporaire, pour une durée d'un an, près de quatre mois s'étant déjà écoulés depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté litigieux. La 2ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat est en tout état de cause en mesure d'inscrire le jugement de la requête au fond au rôle d'une séance permettant son jugement avant l'été. La reprise provisoire des procédures d'adoption qui résulterait de la suspension de l'exécution des décisions contestées ne porterait ainsi que sur une durée limitée, inférieure à cinq mois. Il appartient au surplus à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, le cas échéant, d'abroger sans délai l'arrêté litigieux dès l'instant que la suspension n'apparaît plus adaptée, nécessaire ou proportionnée au regard des circonstances prévalant à Madagascar et des garanties offertes par les procédures mises en œuvre dans ce pays en matière d'adoption internationale.

8. En premier lieu, il n'est pas établi que le décalage temporel limité mentionné au point précédent, bien que préjudiciable aux intérêts des familles engagées dans cette démarche, compromettrait ou réduirait très sérieusement leurs chances d'adoption d'un enfant à Madagascar. En effet, d'une part, l'agrément que les trois familles requérantes ont obtenu en 2021 est valable cinq ans et est renouvelable, et en principe renouvelé lorsque les conditions en restent remplies. D'autre part, alors que les procédures d'adoption internationale d'enfants à Madagascar s'étendent en tout état de cause sur plusieurs années, les demandes en cours ont été enregistrées par l'ACAM entre septembre 2021 et août 2022, soit relativement récemment. Enfin, l'arrêté litigieux exclut de son champ les procédures ayant déjà donné lieu, à la date de sa publication, à un apparentement de sorte que les familles ayant engagé leur démarche d'adoption internationale de plus longue date ne sont pas affectées par les décisions contestées.

9. En deuxième lieu, il n'est pas davantage établi, au vu des éléments fournis par les requérants, qu'un tel report, eu égard à sa durée limitée, mettrait en péril la santé ou le bien-être psychologique des enfants susceptibles d'être adoptés, la viabilité financière des organismes requérants et de leurs représentants, leur capacité à assurer leurs missions en cas de reprise des procédures et leurs chances d'obtenir le renouvellement de l'autorisation à l'échéance fixée par la loi, au plus tard le 20 février 2024, ou le renouvellement de leur accréditation par l'ACAM.

10. En troisième lieu, la mesure de suspension contestée, qui fait suite à un rapport du comité des droits de l'enfant des Nations unies du 9 mars 2022 mettant en lumière certaines insuffisances du cadre juridique de l'adoption internationale et du dispositif opérationnel mis en place à Madagascar, entend répondre à l'intérêt public consistant à entourer les procédures d'adoption internationale d'enfants malgaches par des personnes résidant en France de l'ensemble des garanties nécessaires au respect des engagements internationaux de la France et, à travers eux, à la satisfaction de l'intérêt supérieur de l'enfant.

11. En quatrième et dernier lieu, la circonstance alléguée que les diligences des autorités françaises à l'égard de l'ACAM seraient insuffisantes pour prévenir la reconduction de la mesure de suspension n'est, en tout état de cause, pas de nature à caractériser une situation d'urgence dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 7, le Conseil d'Etat statuera avant l'expiration de la suspension en vigueur sur le recours pour excès de pouvoir contre les décisions litigieuses.

12. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas satisfaite. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées, la demande de suspension doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de l'association Enfance Avenir, la confédération française pour l'adoption - comité Brive, M. et Mme H..., M. et Mme B..., et M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Enfance Avenir, première dénommée pour l'ensemble des requérants.

Copie en sera adressée à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Fait à Paris, le 22 février 2023

Signé : I... Lallet


Synthèse
Numéro d'arrêt : 471429
Date de la décision : 22/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2023, n° 471429
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:471429.20230222
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award