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21/12/2022 | FRANCE | N°469684

France | France, Conseil d'État, 21 décembre 2022, 469684


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 14 et 16 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre au premier président de la Cour des comptes de le rétablir sans délai dans ses fonctions ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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- il est porté atteinte aux deux libertés fondamentales que sont le libre exercice d'u...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 14 et 16 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre au premier président de la Cour des comptes de le rétablir sans délai dans ses fonctions ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est porté atteinte aux deux libertés fondamentales que sont le libre exercice d'une profession et le droit au respect de la vie privée ;

- l'atteinte portée est grave en ce que, d'une part, il est maintenu éloigné du service en dehors de toute base légale et pour une durée indéterminée, d'autre part, l'interdiction qui lui est faite a un impact dévastateur sur sa vie personnelle et son état de santé et, enfin, la situation contestée a une incidence financière particulièrement préjudiciable ;

- l'atteinte est manifestement illégale, dès lors qu'en s'abstenant de se prononcer sur sa situation alors que la mesure de suspension est arrivée à son terme et qu'il ne se trouve plus en congé maladie, la Cour des comptes a méconnu les articles L. 124-12 et L. 124-13 du code des juridictions financières et qu'en tout état de cause, le refus de le réintégrer est contraire à l'article L. 124-10 du même code ;

- la condition d'urgence est remplie, dès lors que la situation dénoncée, qui est exclusivement imputable à l'administration, porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées, le place dans un état de grande détresse psychologique et l'expose à des difficultés financières particulières.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des juridictions financières ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Aux termes de l'article L. 124-10 du code des juridictions financières : " Lorsqu'un magistrat de la Cour des comptes, y compris lorsqu'il a été nommé sur un emploi de président de chambre régionale des comptes ou de vice-président de chambre régionale des comptes, commet une faute grave qui rend impossible, eu égard à l'intérêt du service, son maintien en fonctions et si l'urgence le commande, il peut être immédiatement suspendu de ses fonctions par l'autorité investie du pouvoir de nomination. Celle-ci saisit d'office et sans délai le conseil supérieur de la Cour des comptes. / (...) La suspension ne peut être rendue publique ". Sur le fondement de ces dispositions, M. Bouricha, conseiller référendaire à la Cour des comptes, a été suspendu à titre conservatoire de ses fonctions par un décret du Président de la République en date du 18 juillet 2022, à raison d'agissements qui lui sont imputés et ayant donné lieu à une condamnation par le tribunal correctionnel de Paris par une décision du 6 juillet 2022 dont l'intéressé a fait appel. Il demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au premier président de la Cour des comptes de le rétablir sans délai dans ses fonctions.

3. Il appartient à toute personne demandant au juge administratif d'ordonner des mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Il revient au juge des référés d'apprécier, au vu des éléments que lui soumet le requérant comme de l'ensemble des circonstances de l'espèce, si la condition d'urgence particulière requise par l'article L. 521-2 est satisfaite, en prenant en compte la situation du requérant et les intérêts qu'il entend défendre mais aussi l'intérêt public qui s'attache à l'exécution des mesures prises par l'administration.

4. Si, pour soutenir que la condition d'urgence particulière requise par l'article L. 521-2 est en l'espèce satisfaite, M. B... se prévaut de l'atteinte grave et manifeste qu'il estime portée à ses libertés fondamentales, la circonstance qu'une atteinte à une liberté fondamentale serait avérée n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une situation d'urgence. Par ailleurs, il résulte de la lettre de la secrétaire générale de la Cour des comptes en date du 12 décembre 2022 en réponse à la demande de rétablissement dans ses fonctions présentée par l'intéressé le 21 novembre 2022, qu'il produit à l'appui de sa requête, qu'en raison de son placement en congé de maladie à compter du 25 août 2022, la mesure de suspension prise à son encontre a été regardée par la Cour des comptes comme abrogée implicitement et que l'éloignement du service et les incidences notamment financières dont il se plaint découlent ainsi de son placement en congé de maladie. Si M. B... fait valoir l'arrivée à son terme de son congé de maladie, ce même courrier lui fait connaître qu'il sera, de ce fait, proposé au Président de la République la prise d'une nouvelle mesure de suspension dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris. Il appartiendra alors à M. B... de saisir le juge, s'il s'y croit fondé, d'une telle décision. Dans ces conditions, le requérant ne caractérise pas, à la date de la présente ordonnance, une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative impliquant, sous réserve que les autres conditions posées par cet article soient remplies, qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures. En tout état de cause, à supposer que la mesure de suspension annoncée ait été prise depuis l'introduction de la requête, la décision, fût-elle illégale, suspendant un agent public n'est pas, par son seul objet, de nature à porter atteinte à une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, seuls les motifs sur lesquels se fonde cette décision pouvant, dans certains cas, révéler une telle atteinte.

5. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête de M. B..., y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....

Copie en sera adressée à la Première ministre et au premier président de la Cour des comptes.

Fait à Paris, le 21 décembre 2022

Signé : Anne Courrèges


Synthèse
Numéro d'arrêt : 469684
Date de la décision : 21/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2022, n° 469684
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP THOMAS-RAQUIN, LE GUERER, BOUNIOL-BROCHIER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:469684.20221221
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