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03/08/2022 | FRANCE | N°466054

France | France, Conseil d'État, 03 août 2022, 466054


Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 466054, par une requête, enregistrée le 25 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2022-899 du 17 juin 2022 relatif au certificat de nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1

du code de justice administrative.

Le GISTI soutient que la condition d'urgence es...

Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 466054, par une requête, enregistrée le 25 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2022-899 du 17 juin 2022 relatif au certificat de nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le GISTI soutient que la condition d'urgence est satisfaite et que le décret contesté :

- est entaché d'incompétence, dès lors que la substitution d'un recours juridictionnel à un recours hiérarchique relève du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution ;

- peut être entaché d'irrégularité si son texte diffère à la fois du projet soumis au Conseil d'Etat et du texte adopté par la section de l'intérieur ;

- méconnaît le principe d'égal accès au service public en ce qu'il ne prévoit pas d'alternative à l'indication d'une adresse électronique ;

- il méconnaît l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme et le principe de sécurité juridique en ce qu'il confie au directeur des services de greffe le pouvoir de procéder à toutes vérifications utiles et de solliciter tous documents complémentaires ;

- porte atteinte au droit d'accès au juge et au principe de sécurité juridique en ce qu'il ne prévoit pas d'information du demandeur en cas de prorogation du délai d'instruction ;

- porte atteinte au droit d'accès au juge en ce qu'il ne prévoit pas la motivation du refus de délivrance d'un certificat de nationalité ;

- porte atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et au principe de sécurité juridique en ce qu'il prévoit que le délai de forclusion court à compter d'une notification par simple courrier électronique ;

- méconnaît le principe d'égalité des armes en ce que l'action négatoire de nationalité susceptible d'être exercée par le ministère public n'est enfermée dans aucun délai ;

- porte atteinte au droit d'accès au juge en ce qu'il soumet le recours qu'il instaure à l'obligation de ministère d'avocat ;

- porte atteinte au droit d'accès au juge en ce qu'il permet de rejeter pour irrecevabilité une requête contestant un refus de délivrance de certificat dès lors que certains documents n'auraient pas été joints à la requête, alors que ceux-ci peuvent être restés entre les mains du tribunal judiciaire ;

- porte atteinte au droit d'accès au juge en ce qu'il prévoit que la recevabilité d'un recours exercé après le 1er septembre 2022 contre un refus de délivrance de certificat ayant fait l'objet d'une demande antérieure à cette date est subordonnée à la production d'un formulaire qui n'était pas en vigueur avant cette date ;

- porte atteinte au droit à un recours juridictionnel et au principe de sécurité juridique en ce qu'il fait courir un délai de forclusion, dont la durée est de surcroît trop courte, pour la contestation de refus de certificats opposés avant le 1er septembre 2022.

2° Sous le n° 466118, par une requête, enregistrés les 26 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des barreaux (CNB) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le CNB soutient que la condition d'urgence est satisfaite et que le décret contesté :

- est entaché d'incompétence, dès lors que la substitution d'un recours juridictionnel à un recours hiérarchique relève du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution ;

- méconnaît le droit d'exercer un recours effectif et le principe d'égal accès au service public en ce que la communication avec le greffe et la notification d'un refus de délivrance d'un certificat se font exclusivement par voie électronique ;

- est entaché d'erreur d'appréciation en ce qu'il prévoit un formulaire unique pour le dépôt des demandes et en ce qu'il donne au directeur des services de greffe la possibilité de procéder à toutes vérifications ;

- méconnaît le principe constitutionnel de sécurité juridique, le droit d'exercer un recours effectif et le principe de clarté et d'intelligibilité de la norme en tant qu'il ne prévoit pas que le récépissé mentionne le délai de recours de six mois, en tant qu'il prévoit un tel délai, en tant qu'il impose le ministère d'un avocat sans garantir le bénéfice de l'aide juridictionnelle, en tant qu'il prévoit un délai trop bref pour contester les ordonnances d'irrecevabilité et en tant qu'il subordonne la recevabilité de la requête à la production d'un formulaire spécifique et de pièces qui peuvent avoir été retenues par le tribunal lors de l'examen de la demande ;

- méconnaît le principe de sécurité juridique et le droit à un recours effectif en ce qu'il prévoit un délai de forclusion pour les refus opposés à des demandes introduites avant le 1er septembre 2022.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 34 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de procédure civile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code des postes et des communications électroniques ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 86-145 L du 19 mars 1986 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-293 L du 15 avril 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une même décision, le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI) et le Conseil national des barreaux (CNB) demandent la suspension de l'exécution du décret du 17 juin 2022 relatif au certificat de nationalité française.

Sur les moyens relatifs à la procédure d'examen des demandes de certificat de nationalité :

3. En premier lieu, le nouvel article 1045-1 du code de procédure civile, introduit par le décret contesté, prévoit que la demande de certificat de nationalité doit être accompagnée de l'indication d'une adresse électronique à laquelle le greffe du tribunal judiciaire, saisi de la demande, adressera au demandeur différentes communications liées à l'instruction de cette demande. Il prévoit également qu'en cas de refus de délivrance du certificat demandé, ce refus est notifié par courrier électronique à cette adresse.

4. En se bornant à exiger d'un demandeur de certificat de nationalité qu'il possède, ou qu'il crée spécifiquement à cet effet, auprès d'un fournisseur d'accès, une adresse électronique qu'il sera en mesure de consulter régulièrement, le décret contesté, qui n'instaure par ailleurs aucune obligation d'effectuer par voie informatique les démarches liées à la demande, lesquelles peuvent être accomplies par courrier ou en se présentant au guichet compétent, n'a pas fait obstacle à l'accès normal des usagers au service public et n'a pas porté atteinte à l'exercice effectif de leurs droits par les personnes concernées. Le moyen tiré de ce que le décret méconnaîtrait, pour ce motif, le principe d'égal accès au service public, n'est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité.

5. En deuxième lieu, le même article 1045-1 du code de procédure civile, introduit par le décret contesté, prévoit que la demande de certificat de nationalité est adressée au moyen d'un formulaire dont le contenu est fixé par arrêté, qu'elle doit être accompagnée de pièces dont la liste est également fixée par arrêté et, enfin, que le directeur des services de greffe judiciaires, qui a qualité pour se prononcer sur la demande en vertu des dispositions de l'article 31 du code civil, peut solliciter du demandeur la production de tous documents complémentaires.

6. D'une part, il résulte des termes mêmes du décret contesté que le directeur des services de greffe judiciaires, qui est tenu de délivrer au demandeur un récépissé attestant de la complétude de son dossier, ne peut demander de pièces complémentaires que lorsque celles-ci sont nécessaires à l'instruction de la demande. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret contesté permettrait des demandes arbitraires de l'administration et méconnaîtrait, ainsi, le principe de sécurité juridique et l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme n'est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité.

7. D'autre part, compte tenu de la faculté ainsi prévue de faire compléter la demande par tout document nécessaire, les requérants ne peuvent sérieusement soutenir qu'en ayant prévu un unique formulaire de demande, le décret contesté serait, au motif que le droit de la nationalité présente une grande complexité, entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Ce moyen n'est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.

8. En troisième lieu, le même article 1045-1 du code de procédure civile, introduit par le décret contesté, prévoit que le récépissé mentionné au point 6 indique au demandeur qu'une décision sera prise dans un délai de six mois. Il prévoit en outre que, pour les besoins de l'instruction, ce délai de six mois peut être prorogé deux fois pour la même durée par le directeur des services de greffe judiciaires.

9. D'une part il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que le récépissé mentionné au point 6 doive porter mention des voies et délais de recours contre un éventuel refus de certificat de nationalité. Le moyen tiré de ce que le décret contesté méconnaîtrait, pour ce motif, le principe de sécurité juridique ou le droit à un recours juridictionnel effectif n'est, par suite, manifestement pas de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité.

10. D'autre part, le moyen tiré de ce que le décret contesté méconnaîtrait le principe de sécurité juridique et le droit d'accès au juge, faute d'avoir expressément prévu l'information du demandeur en cas de prorogation du délai d'instruction de six mois n'est, manifestement, pas davantage de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité. En effet, en cas d'omission d'une telle information, une décision implicite de refus sera réputée avoir été prise au terme du délai indiqué dans le récépissé.

Sur les moyens relatifs à la contestation des refus de certificat de nationalité :

En ce qui concerne la compétence du pouvoir réglementaire :

11. En remplaçant, à l'article 31-1 du code civil, les mots " le ministre de la justice ", dont le Conseil constitutionnel a jugé, par sa décision du 15 avril 2021 visée ci-dessus, qu'ils avaient un caractère réglementaire, par les mots " le tribunal judiciaire ", l'article 1er du décret contesté substitue à un recours hiérarchique devant le ministre de la justice un recours juridictionnel, dont l'article 2 du même décret organise la procédure, en introduisant un nouvel article 1045-2 dans le code de procédure civile.

12. Aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi fixes les règles concernant (...) la nationalité (...) ". Ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 mars 1986 visée ci-dessus, l'existence d'une procédure de délivrance d'un certificat de nationalité relève, en ce qu'elle constitue une garantie donnée à ceux qui se réclament de la nationalité française, du domaine réservé au législateur, mais la détermination, au sein de l'ordre judiciaire, des compétences pour la mise en œuvre de cette garantie relève, eu égard à l'objet de cette procédure, du domaine réglementaire.

13. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en prévoyant que le refus de délivrance d'un certificat de nationalité est désormais susceptible de faire l'objet, non plus d'un recours administratif mais d'un recours juridictionnel devant le tribunal judiciaire, le décret contesté aurait empiété sur la compétence réservée au législateur par l'article 34 de la Constitution, n'est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité.

En ce qui concerne la notification des refus par voie électronique :

14. L'article 1405-2 du code de procédure civile, introduit par le décret contesté, dispose que l'action en contestation de refus de délivrance d'un certificat de nationalité doit, à peine de forclusion, être introduite dans un délai de six mois à compter de la notification de ce refus, celle-ci étant, ainsi qu'il a été dit au point 3, effectuée par envoi d'un message électronique à l'adresse indiquée par le demandeur.

15. D'une part, cette notification du refus de certificat par simple courrier électronique, qui ne constitue ni un envoi recommandé électronique au sens de l'article L. 100 du code des postes et des communications électroniques, ni un autre procédé électronique se substituant à une lettre recommandée, prévu par l'article L. 112-15 du code des relations entre le public et l'administration, doit être regardé comme équivalent à un envoi par courrier simple à une adresse donnée par le destinataire.

16. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret contesté, faute de prévoir les garanties permettant d'établir que les envois ont été remis à leur destinataire, porterait atteinte au principe de sécurité juridique, n'est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité.

17. D'autre part, en l'absence de texte en disposant autrement, la date à laquelle le demandeur est réputé avoir reçu la notification d'un refus de certificat de nationalité est celle à laquelle il la consulte à son adresse électronique, date qu'il incombe, le cas échéant, à l'administration d'établir en cas de contestation.

18. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du décret contesté seraient susceptibles de faire courir un délai de forclusion à partir d'une date qui ne serait pas celle de la réception effective du refus de certificat de nationalité et qu'elles porteraient, ainsi, atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, n'est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité.

En ce qui concerne les autres moyens relatifs à la contestation des refus de certificat de nationalité :

19. En premier lieu, la circonstance qu'un refus de certificat de nationalité n'est pas motivé ou est insuffisamment motivé n'est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif contre une telle décision. Par suite, le moyen tiré de ce que, faute d'avoir prévu la motivation des refus de certificat, le décret contesté porterait atteinte au droit d'accès au juge et au droit à un recours juridictionnel effectif n'est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité.

20. En deuxième lieu, les requérants ne sauraient sérieusement soutenir que le délai de forclusion de six mois prévu, pour l'application de l'article 31-3 du code civil, par le décret litigieux méconnaît " l'égalité des armes " au motif que, dans le cadre de la procédure distincte d'action déclaratoire prévue par l'article 29-3 du même code, le droit d'agir du ministère public pour faire juger qu'une personne a, ou n'a pas, la qualité de Français, n'est enfermé dans aucun délai.

21. En troisième lieu, l'article 1405-2 du code de procédure civile, introduit par le décret contesté, dispose que, pour contester devant le tribunal judiciaire un refus de certificat de nationalité, le demandeur doit constituer avocat.

22. Eu égard notamment aux dispositions du troisième alinéa de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, qui permet d'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle, quelle que soit leur nationalité, leur lieu de résidence ou la régularité de leur séjour en France, les personnes dont la situation " apparaît particulièrement digne d'intérêt au regard de l'objet du litige ou des charges prévisibles du procès ", le moyen tiré de ce que cette constitution d'avocat, d'ailleurs analogue à celle requise pour l'action déclaratoire que le même demandeur est susceptible d'introduire en application de l'article 29-3 du code civil, méconnaîtrait le droit à un recours juridictionnel effectif, n'est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.

23. En quatrième lieu, l'article 1405-2 du code de procédure civile, introduit par le décret contesté, dispose que la requête présentée devant le tribunal judiciaire doit, à peine d'irrecevabilité, être notamment accompagnée des mêmes pièces que celles qui avaient été déposées, au soutien de la demande de certificat, au greffe du même tribunal ou de la chambre de proximité.

24. D'une part, le moyen tiré de ce que, faute d'avoir expressément prévu l'obligation de restitution, par le tribunal judiciaire, des pièces présentées lors de la demande de certificat, le décret contesté introduirait un formalisme excessif faisant obstacle à l'accès au juge, n'est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité.

25. D'autre part, le moyen tiré de ce que le décret contesté porterait atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, en ce qu'il permettrait au tribunal judiciaire de retenir certaines pièces originales communiquées lors de la demande de certificat et de rejeter ensuite pour irrecevabilité la requête contestant le refus de certificat, faute qu'elle soit accompagnée de ces mêmes pièces, n'est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité.

26. Enfin, le moyen tiré de ce qu'en prévoyant un délai de quinze jours pour faire appel d'une ordonnance d'irrecevabilité, l'article 1405-2 du code de procédure civile, introduit par le décret contesté, méconnaîtrait le droit à un recours juridictionnel effectif, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur les moyens dirigés contre les dispositions transitoires :

27. En premier lieu, l'article 3 du décret contesté dispose que les recours contre les refus de délivrance de certificat de nationalité opposés après le 1er septembre 2022 obéissent aux nouvelles dispositions de l'article 1405-2 du code de procédure civile, y compris si la demande de certificat a été déposée avant cette date.

28. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance qu'un tel recours doive, par conséquent, être accompagné du formulaire prévu par le nouvel article 1405-1 du code de procédure civile, alors même que la demande de certificat a pu, compte tenu de sa date, être présentée sans avoir à remplir ce formulaire, ne saurait méconnaître le droit à un recours juridictionnel effectif. Le moyen tiré de la violation, pour ce motif, des dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.

29. En deuxième lieu, le même article 3 du décret contesté dispose que, lorsqu'un refus de délivrance de certificat de nationalité a été opposé avant le 1er septembre 2022, sa contestation doit, à peine de forclusion, intervenir dans un délai de six mois à compter de cette date.

30. Ni le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif en ce qu'elles introduisent un délai de contestation pour des actes qui étaient, jusque-là, susceptibles de faire l'objet d'un recours administratif sans condition de délai, ni le moyen tiré de ce que ce même droit serait méconnu en raison d'une trop grande brièveté du délai de six mois ne sont, manifestement, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.

31. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la requête du GISTI, qui, en outre, se borne à indiquer que " rien ne permet d'affirmer " que les dispositions du décret contesté sont conformes soit au texte soumis au Conseil d'Etat soit au texte adopté par lui, ainsi que, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, la requête du CNB, ne peuvent qu'être rejetées, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : Les requêtes présentées par le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI) et le Conseil national des barreaux (CNB) sont rejetées.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI) ainsi qu'au Conseil national des barreaux (CNB).

Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice et à la Première ministre.

Fait à Paris, le 3 août 2022

Signé : Denis Piveteau


Synthèse
Numéro d'arrêt : 466054
Date de la décision : 03/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 aoû. 2022, n° 466054
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:466054.20220803
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