Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 13 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Angoulême l'a suspendu de ses fonctions à compter du 15 septembre 2021 jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination et, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier d'Angoulême de l'autoriser à participer au comité technique d'établissement (CTE) du 4 octobre 2021 et de lui permettre de circuler librement dans l'établissement dans le cadre de ses activités syndicales.
Par une ordonnance n° 2102419 du 24 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance attaquée ;
2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
3°) de suspendre l'exécution de la décision du 14 septembre 2021 prononçant sa suspension de fonctions sans rémunération ;
4°) d'enjoindre au centre hospitalier d'Angoulême de l'autoriser à participer au CTE du 4 octobre 2021, de lui permettre de circuler ponctuellement dans l'établissement et d'accéder au local syndical dans le cadre de ses activités syndicales telles que l'accompagnement à des entretiens, la distribution de tracts, l'animation de réunions syndicales ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Angoulême la somme de 2 500 euros dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande, au profit de Me Bénédicte Rousseau, qui renoncerait alors au bénéfice de la partie contributive de l'État de l'aide juridictionnelle de sorte qu'il soit fait application à son profit des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ou, à défaut d'attribution de l'aide juridictionnelle, au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision du centre hospitalier le prive, d'une part, de la possibilité de préparer le congrès au cours duquel il présentera sa candidature pour être secrétaire syndical et, d'autre part, de participer aux réunions trimestrielles du comité technique d'établissement qui comportent un ordre du jour très important et dont la prochaine réunion se tient le 4 octobre 2021 ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- la décision contestée méconnaît la liberté syndicale, la libre expression des électeurs, le respect dû aux scrutins électoraux, la représentativité des élus issus de scrutin ainsi qu'à la liberté d'organisation d'expression syndicale eu égard à son impossibilité, en premier lieu, de prendre part aux débats du comité technique d'établissement dont il est un membre élu titulaire, en deuxième lieu, de préparer les échéances à venir et d'assister à l'ensemble des instances et réunions syndicales relatives à ses fonctions et mandats et, en dernier lieu, de tenir la permanence du local syndical, d'assurer l'accueil des agents, le standard téléphonique et la présence en cas d'incident ;
- la décision portant suspension de ses fonctions et de ses mandats syndicaux est entachée d'illégalité dès lors que, d'une part, en tant qu'agent totalement déchargé de ses fonctions, il n'est pas soumis à l'obligation vaccinale et se rend dans l'établissement uniquement de manière ponctuelle pour ses activités syndicales en l'absence de présence du public et, d'autre part, les activités syndicales sont exclues du champ d'application de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- l'acte contesté n'est ni proportionné, ni limité dans le temps, ni motivé par une impérieuse nécessité dès lors qu'il empêche la tenue de réunions ponctuelles auxquelles sa présence est indispensable au bon fonctionnement de l'activité syndicale du centre hospitalier, alors que ces réunions ne présentent pas de risque de propagation du virus auprès des patients du centre hospitalier ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 sur laquelle se fonde l'acte contesté est entachée d'inconventionnalité dès lors qu'elle méconnaît le droit à la liberté syndicale reconnu par plusieurs conventions internationales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution et son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la charte sociale européenne révisée ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
Sur le cadre juridique du litige :
2. En raison de l'amélioration progressive de la situation sanitaire, les mesures de santé publique destinées à prévenir la circulation du virus de la covid-19 prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ont été remplacées, après l'expiration de celui-ci le 1er juin 2021, par celles de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Mais après une diminution de l'épidémie, la situation sanitaire, à partir du mois de juin 2021, s'est dégradée du fait de la diffusion croissante du variant Delta qui présente une transmissibilité augmentée de 60 % par rapport au variant Alpha, avec une sévérité au moins aussi importante. Au 21 juillet 2021, le taux d'incidence était de 98,2 pour 100 000 habitants, soit une augmentation de 143 % par rapport à la semaine du 5 au 11 juillet alors que les admissions en service de soins critiques augmentaient de 76 %. Au regard de cette évolution de la situation épidémiologique et alors que la couverture vaccinale de la population, au 20 juillet 2021, n'était que de 46,4%, soit un taux insuffisant pour conduire à un reflux durable de l'épidémie, la loi du 31 mai 2021 a été modifiée et complétée par la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Ses articles 12 à 19 ont institué une obligation de vaccination pour un certain nombre de professionnels.
Sur la demande en référé :
3. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : 1° Les personnes exerçant leur activité dans : a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code (...); III. - Le I ne s'applique pas aux personnes chargées de l'exécution d'une tâche ponctuelle au sein des locaux dans lesquels les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3° et 4° du même I exercent ou travaillent ". Son article 13 dispose que " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12 (...). 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication (...) ". Aux termes du I B de l'article 14 de la même loi : " A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 " et aux termes de son III " Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit (...) ".
4. D'une part, l'article 12 de la loi du 5 août 2021 a défini le champ de l'obligation de vaccination contre la covid-19 en retenant, notamment, un critère géographique pour y inclure toutes les personnes exerçant leur activité dans un certain nombre d'établissements, principalement les établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux. Le législateur a ainsi entendu protéger les personnes accueillies par ces établissements qui présentent une vulnérabilité particulière au virus de la covid-19. C'est pourquoi l'obligation de vaccination concerne aussi des personnels, notamment administratifs, qui ne sont pas en contact direct avec les malades dès lors qu'ils entretiennent nécessairement, eu égard à leur lieu de travail, des interactions avec des professionnels de santé en contact avec ces derniers. Il en va ainsi aussi des personnels des établissements hospitaliers qui bénéficient d'une décharge, même totale, d'activité de service pour raison syndicale dès lors qu'ils exercent leur activité syndicale dans les locaux d'un tel établissement. Il s'ensuit que, eu égard à la gravité de l'épidémie que connaît le territoire, l'extension du champ de l'obligation de vaccination imposée par la loi du 5 août 2021 à l'ensemble des personnels d'un établissement de santé entrant dans le champ du I 1° de son article 12, y compris ceux y exerçant une activité syndicale, ne saurait être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté syndicale garantie notamment par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la charte sociale européenne et la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
5. D'autre part, il résulte de l'instruction devant le juge des référés du tribunal administratif que si M. A..., aide-soignant au sein du centre hospitalier d'Angoulême, bénéficie, pour l'année 2021, d'une décharge totale d'activité de service pour raison syndicale, il exerce toutefois son activité syndicale dans l'enceinte de cet établissement hospitalier où est situé le local syndical. Il est ainsi conduit à accompagner d'autres agents lors d'entretiens avec la direction de l'hôpital ainsi qu'à animer des réunions ou distribuer des tracts dans les locaux de l'établissement. Il s'ensuit qu'il entre dans le champ de l'obligation vaccinale prévue par les dispositions du 1° du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021, citées au point 3, sans pouvoir être regardé comme se bornant à exercer une tâche ponctuelle au sens du III du même article. Dès lors, la décision contestée du 13 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Angoulême, sur le fondement du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, cité au point 3, l'a suspendu de ses fonctions jusqu'à la présentation d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination ne porte pas d'atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale. M. A... n'est par suite pas fondé soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du même code et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sans qu'il y ait lieu de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....
Copie en sera adressée au centre hospitalier d'Angoulême.
Fait à Paris, le 20 octobre 2021.
Signé : Nathalie Escaut