Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Deveryware demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution des articles 2 et 3 de la délibération n° 2021-70-2 de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, en tant qu'elle a mis en demeure la société requérante de se conformer à ses obligations de déclaration prévues à l'article 18-3 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;
2°) de mettre à la charge de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable dès lors qu'elle a introduit son recours dans un délai de deux mois ;
- le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, la société Deveryware encourt une peine d'emprisonnement d'un an et une amende de 15 000 euros si elle ne respecte pas le délai de deux mois qui lui est imparti, et d'autre part, suite à la publication de la délibération attaquée sur la page d'accueil de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, est porté atteinte à l'image, à la réputation et à la crédibilité de la société ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a insuffisamment motivé sa décision et a commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher si les dix entrées en communication de la société Deveryware avec des représentants publics visaient à influer sur la décision publique ;
- la délibération attaquée est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle se borne à énoncer que le président de la société Deveryware est entré en communication avec des représentants publics au moins dix fois sur une période continue de douze mois entre le 11 janvier 2018 et le 10 janvier 2019 sans rechercher le nombre de ces entrées en communication qui sont intervenues au cours des douze derniers mois ;
- la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a inexactement qualifié les faits ou au moins commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que la société Deveryware constitue un représentant d'intérêts alors que les contacts qu'elle avait eus avec des représentants publics avaient pour objet l'exécution de contrats en cours.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;
- le décret n° 2017-867 du 9 mai 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 521-1 du code de justice administrative que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
3. Aux termes de l'article 18-1 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique : " Un répertoire numérique assure l'information des citoyens sur les relations entre les représentants d'intérêts et les pouvoirs publics. / Ce répertoire est rendu public par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. (...) / Ce répertoire fait état, pour chaque représentant d'intérêts, des informations communiquées en application de l'article 18-3 de la présente loi. (...) ". Aux termes de l'article 18-2 de la même loi : " Sont des représentants d'intérêts, au sens de la présente section, les personnes morales de droit privé, les établissements publics ou groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale, les organismes mentionnés au chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de commerce et au titre II du code de l'artisanat, dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière d'influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d'une loi ou d'un acte réglementaire en entrant en communication avec " un certain nombre de personnes exerçant des fonctions publiques. L'article 1er du décret du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d'intérêts prévoit que les dispositions précitées de l'article 18-2 sont " également applicables à toute personne mentionnée au premier alinéa de l'article 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 susvisée, dont un dirigeant, un employé ou un membre entre en communication, à son initiative, au moins dix fois au cours des douze derniers mois avec des personnes désignées aux 1° à 7° du même article en vue d'influer sur une ou plusieurs décisions publiques, notamment une ou plusieurs mesures législatives ou réglementaires ". L'article 18-3 de la même loi dispose que " Tout représentant d'intérêts communique à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, par l'intermédiaire d'un téléservice les informations suivantes ".
4. Aux termes de l'article 18-6 de la même loi : " La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s'assure du respect des articles 18-3 et 18-5 par les représentants d'intérêts. (...) ". L'article 18-7 dispose que " Lorsque la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique constate, de sa propre initiative ou à la suite d'un signalement, un manquement aux règles prévues aux articles 18-3 et 18-5, elle : 1° Adresse au représentant d'intérêts concerné une mise en demeure, qu'elle peut rendre publique, de respecter les obligations auxquelles il est assujetti, après l'avoir mis en état de présenter ses observations ; (...) " Enfin, l'article 8 du décret du 9 mai 2017 dispose que " La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique notifie au représentant d'intérêts le ou les manquements aux obligations lui incombant. Ce dernier peut adresser ses observations dans un délai d'un mois. / A l'issue de ce délai, la Haute Autorité peut, conformément au 1° de l'article 18-7 de la loi du 11 octobre 2013 susvisée, adresser une mise en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au représentant d'intérêts concerné. / Cette mise en demeure est susceptible de recours dans un délai de deux mois à compter de sa réception. "
5. En application des dispositions précitées, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a, par une délibération du 22 juin 2021, mis en demeure la société Deveryware de se conformer à son obligation de déclaration prévue à l'article 18-3 de la loi du 11 octobre 2013 dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente délibération et décidé de publier cette mise en demeure sur son site internet. La société Deveryware demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre l'exécution de cette mise en demeure et de sa publication.
6. La société requérante soutient que l'exécution de ces décisions porte une atteinte grave et immédiate à sa situation dans la mesure où la mise en demeure l'expose à une sanction au cas où elle ne s'y conformerait pas dans le délai imparti et où sa publication sur le site internet de la HATVP porte atteinte à son image, à sa réputation et à sa crédibilité. Toutefois, en premier lieu, le risque de prononcé d'une sanction en cas de non respect de la mise en demeure dans un délai de deux mois n'est pas de nature à constituer une situation d'urgence. En second lieu, la société requérante, qui ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'elle se conforme à la mise en demeure le temps que sa requête au fond soit jugée, n'établit pas que la publication de cette mise en demeure porterait une atteinte grave et immédiate à son image ou à sa réputation.
7. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence posée par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie. Ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner si l'un au moins des moyens soulevés par la société est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la délibération litigieuse, la demande de la société Deveryware tendant à ce que soit ordonnée la suspension de son exécution doit être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la société Deveryware est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Deveryware.
Copie en sera adressée à la Haute Autorité de la transparence de la vie publique.