Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des papillons libres de France demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'enjoindre au ministre des solidarités et de la santé de demander à l'Agence nationale de santé publique de prendre toutes les mesures appropriées pour garantir, de manière pérenne et en quantité suffisante, la distribution sur le territoire national de la spécialité Levothyrox ayant pour excipient le lactose fabriquée par la société Merck Serono à Darmstadt (Allemagne), pour les malades intolérants aux alternatives commercialisées en France, d'ordonner aux sociétés Merck Serono et Merck santé la distribution de cette spécialité sur le territoire français et de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir aux malades de la thyroïde présentant des effets indésirables persistants avec la nouvelle formule du Levothyrox ou un traitement de substitution leur droit d'accéder à un traitement thérapeutique adapté ;
2°) d'enjoindre à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d'autoriser à nouveau la mise sur le marché de l'ancienne formule du Levothyrox, ayant pour excipient le lactose, par la société Merck Serono ;
3°) d'enjoindre au gouvernement de saisir sans délai l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en vue de l'élaboration d'une recommandation temporaire d'utilisation destinée à permettre la prescription de l'ancienne formule du Levothyrox, ayant pour excipient le lactose, et de prendre sans délai les mesures nécessaires à la production et à la constitution de stocks de cette spécialité ;
4°) subsidiairement, d'ordonner, avant dire droit, une expertise de l'ensemble des médicaments commercialisés en France, au Sénégal et en Tunisie afin de déterminer les différences de composition et leurs effets sur les malades intolérants et d'établir que l'ancienne formule est toujours fabriquée à Darmstadt et commercialisée au Sénégal et en Tunisie, en réquisitionnant le stock nécessaire à la réalisation cette expertise ;
5°) à titre encore plus subsidiaire, d'enjoindre au ministre des solidarités et de la santé de saisir et réunir l'Agence nationale de santé publique et le Haut Conseil de la santé publique dans un délai de quarante-huit heures à compter de l'ordonnance à intervenir, de prendre, sans attendre leur avis, toutes les mesures imposées par l'urgence vitale des malades et notamment de réquisitionner les stocks existants de Levothyrox ayant pour excipient le lactose fabriqué à Darmstadt et d'en assurer une distribution pérenne sur le territoire national, y compris outre-mer, puis, dès réception de ces avis, de prendre toutes les mesures prévues par l'article L. 3131-1 du code de la santé publique et notamment de procéder à cette réquisition et, enfin, de saisir l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé afin qu'elle délivre une autorisation de mise sur le marché pour cette spécialité, distribuée au Sénégal et en Tunisie.
Elle soutient que :
- l'abstention du ministre chargé de la santé de mettre tout en oeuvre pour que les patients traités avec l'ancienne formule du Levothyrox continuent d'en bénéficier constitue une atteinte grave et manifestement illégale au droit de recevoir le traitement approprié, au droit au respect de la vie, à l'objectif de sauvegarde de santé public et au principe constitutionnel de précaution ;
- la nouvelle formule du Levothyrox, qui ne répond à aucune nécessité, est à l'origine d'effets secondaires importants pour beaucoup de patients, alors que l'ancienne formule ayant le lactose pour excipient continue d'être fabriquée en vue de sa commercialisation dans d'autres pays tels la Tunisie et le Sénégal, avec des dates de péremption identiques, et que l'Euthyrox mis à disposition des patients, de même que l'Eutirox, diffèrent du Levothyrox.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Il appartient à la personne qui saisit le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de justifier de circonstances particulières caractérisant une situation d'urgence impliquant, sous réserve que les autres conditions posées par cette disposition soient remplies, qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale soit prise dans les quarante-huit heures.
3. L'Association des papillons libres de France, dans la requête par laquelle elle saisit le juge des référés du Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, n'apporte aucun élément propre à justifier de l'urgence que présenterait l'adoption des mesures qu'elle sollicite.
4. Au surplus, l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article L. 521-2 du code de justice administrative est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Or les différentes demandes présentées par l'Association des papillons libres de France, qui tendent à l'autorisation de mise sur le marché, à la production et à la distribution en France, de façon pérenne, de l'ancienne formule du " Lévothyrox ", ayant pour excipient le lactose, ont pour objectif des mesures d'ordre structurel reposant sur des choix de politique publique qui sont insusceptibles d'être mises en oeuvre, et ainsi de porter effet, à très bref délai, et ne sont dès lors pas, dans les circonstances de l'espèce, au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. La saisine de l'Agence nationale de santé publique, du Haut Conseil de la santé publique ou de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ne saurait en outre et en tout état de cause constituer les mesures de sauvegarde nécessaires à la préservation à très bref délai des libertés invoquées.
5. Par suite, il y a lieu de rejeter la requête, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'Association des papillons libres de France est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Association des papillons libres de France.
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.