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10/07/2020 | FRANCE | N°441316

France | France, Conseil d'État, 10 juillet 2020, 441316


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juin et 7 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... I..., Mme M... L..., M. J... G..., M. E... K..., M. F... H..., M. D... N..., M. A... C... et l'association Union préventive gestion des crises sanitaires (UPGCS) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'avis du Haut Conseil de la santé publique du 24 mai 2020, de l'arrêté du

ministre des solidarités et de la santé du 26 mai 2020 complétant l'arrêt...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juin et 7 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... I..., Mme M... L..., M. J... G..., M. E... K..., M. F... H..., M. D... N..., M. A... C... et l'association Union préventive gestion des crises sanitaires (UPGCS) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'avis du Haut Conseil de la santé publique du 24 mai 2020, de l'arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 26 mai 2020 complétant l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, du communiqué de presse du ministre des solidarités et de la santé du 27 mai 2020, de l'avis du Haut Conseil de la santé publique du 18 mai 2020 relatif à l'usage des anti-infectieux dans la covid-19 et du courriel du directeur général de la santé du 9 juin 2020 (Réf. DGS-urgent 2020-INF37-Usage des anti-infectieux dans la Covid-19) ;

2°) d'enjoindre au ministre des solidarités et de la santé de communiquer, dès le lendemain de la décision à intervenir, les enregistrements et procès-verbaux des délibérations du Haut Conseil de la santé publique relatives aux avis des 5 et 23 mars 2020 ainsi que ceux relatifs à l'avis du 24 mai 2020, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les actes attaqués font grief ;

- ils justifient d'un intérêt et d'une qualité pour agir ;

- la condition d'urgence est remplie eu égard aux risques que représente encore le covid-19, à l'absence de remède en cas de contamination et à l'importance que représente la liberté de prescription des médecins ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des actes attaqués ;

- les avis du Haut Conseil de la santé publique des 5 et 23 mars ainsi que des 18 et 24 mai 2020, qui ont été rendus par des groupes de travail comportant des experts associés et n'ont été validés que par le président du Haut Conseil sont entachés d'incompétence, faute d'avoir été rendus par le collège ou une commission spécialisée, comme le prévoit l'article R. 1411-55-1 du code de la santé publique ;

- les quatre avis précités sont entachés d'irrégularités faute de préciser, d'une part, au regard des article R. 1411-53 du code de la santé publique et 16 du règlement intérieur les modalités selon lesquelles ils ont été votés, et d'autre part, d'analyser au regard des articles L. 1452-1 et L. 1452-2 du même code ainsi que de la charte de l'expertise sanitaire approuvée par le décret n° 2013-413 du 21 mai 2013, les éventuels conflits d'intérêts des membres du groupe de travail et du président du Haut Conseil ;

- l'incompétence et les irrégularités précitées ont eu une influence sur les décisions du ministre des solidarités et de la santé et ont privé d'une garantie les personnes intéressées, et s'agissant des deux derniers avis, entachent d'illégalité l'arrêté du 26 mai 2020, le communiqué de presse du 27 mai 2020 et le courriel du directeur général de la santé du 9 juin 2020 ;

- l'arrêté du 26 mai 2020 est entaché d'un vice d'incompétence dès lors que, premièrement, il est signé par le seul ministre en charge de la santé, sans être contresigné par le Premier ministre, deuxièmement, seul le Premier ministre était compétent pour restreindre la délivrance de médicaments appropriés pour l'éradication de la catastrophe sanitaire, troisièmement, cet arrêté ne définit pas une mesure individuelle nécessaire à l'application de mesures prescrites par le Premier ministre et, quatrièmement, il présente des caractéristiques générales et absolues ;

- il est entaché d'erreur d'appréciation en tant notamment qu'il s'appuie sur l'étude du journal scientifique " The Lancet " publiée le 22 mai 2020 puis retirée et d'irrégularité, faute que le conseil scientifique covid-19 ait été préalablement consulté ;

- les actes attaqués méconnaissent le droit de tout patient à bénéficier du traitement le plus approprié à son état de santé reconnu par l'article L. 1110-5 du code de la santé publique ;

- ils sont entachés d'un détournement de pouvoir et d'un détournement de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est propre, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des actes et décisions contestés.

La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 ;

- la loi n°2020-546 du 11 mai 2020 ;

- le décret n° 2013-413 du 21 mai 2013

- le décret n°2020-260 du 16 mars 2020 ;

- le décret n°2020-293 du 23 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-337 du 26 mars 2020

- le décret n°2020-545 du 11 mai 2020 ;

- le décret n°2020-548 du 11 mai 2020 ;

- le décret n° 2020-630 du 26 mai 2020 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Les parties ont été informées, sur le fondement de l'article 9 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, de ce qu'aucune audience ne se tiendrait et de ce que la clôture de l'instruction serait fixée le 8 juillet 2020 à 14 heures.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

Sur les circonstances ainsi que les mesures prises par le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé :

2. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Le législateur, par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020, puis, par l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. Au vu de l'évolution de la situation sanitaire, de nouvelles mesures générales ont été adoptées par deux décrets du 11 mai 2020, puis par un décret du 31 mai 2020, pour assouplir progressivement les sujétions imposées afin de faire face à l'épidémie.

3. Le sulfate d'hydroxychloroquine est commercialisé par le laboratoire Sanofi sous le nom de marque de Plaquenil, en vertu d'une autorisation de mise sur le marché initialement délivrée le 27 mai 2004, avec pour indications thérapeutiques le traitement symptomatique d'action lente de la polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux discoïde, le lupus érythémateux subaigu, le traitement d'appoint ou prévention des rechutes des lupus systémiques et la prévention des lucites. En application de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, et en l'absence de toute recommandation temporaire d'utilisation, cette spécialité ne pouvait être prescrite pour une autre indication, en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation, qu'à la condition que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient.

4. Suite à un avis sur les recommandations thérapeutiques dans la prise en charge du covid-19 du 25 mars 2020 du Haut Conseil de la santé publique, le Premier ministre, par un décret du 25 mars 2020 pris sur le fondement du 9° de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, modifié par un décret du lendemain 26 mars, a complété d'un article 12-2 le décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, pour prévoir notamment les conditions dans lesquelles l'hydroxychloroquine peut être prescrite, dispensée et administrée aux patients atteints de covid-19, en dehors des indications de l'autorisation de mise sur le marché du Plaquenil, spécialité pharmaceutique à base d'hydroxychloroquine. A ce titre, d'une part, par dérogation aux dispositions du code de la santé publique relatives aux autorisations de mise sur le marché, il a autorisé, sous la responsabilité d'un médecin, la prescription, la dispensation et l'administration de l'hydroxychloroquine aux patients atteints de covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile, en précisant que ces prescriptions interviennent, après décision collégiale, dans le respect des recommandations du Haut Conseil de la santé publique et, en particulier, de l'indication pour les patients atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe. D'autre part, il a prévu, au 5ème alinéa, que " La spécialité pharmaceutique PLAQUENIL (c), dans le respect des indications de son autorisation de mise sur le marché, et les préparations à base d'hydroxychloroquine ne peuvent être dispensées par les pharmacies d'officine que dans le cadre d'une prescription initiale émanant exclusivement de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie ou dans le cadre d'un renouvellement de prescription émanant de tout médecin ".

5. Ces dispositions ont été reprises à l'identique à l'article 17 du décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, qui abroge notamment l'article 12-2 du décret du 25 mars 2020 et prévoit son application les 11 et 12 mai 2020, puis à l'article 19 du décret n° 2020-548 du même jour ayant le même objet, qui abroge le précédent et est entré en vigueur dès sa publication au Journal officiel de la République française le 12 mai 2020.

6. A la suite d'un nouvel avis du Haut Conseil de la santé publique relatif à l'utilisation de l'hydroxychloroquine dans le covid-19 du 24 mai 2020, le Premier ministre a abrogé, par décret du 26 mai 2020, l'article 19 du décret précité et le ministre des solidarités et de la santé, par un arrêté du même jour pris sur le fondement de l'article L. 3131-16 du code de la santé publique, a repris les dispositions du 5ème alinéa cité au point 4, à l'article 6-2 de l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Dans un communiqué de presse du 27 mai 2020, le ministère des solidarités et de la santé a indiqué que le décret publié le même jour tirait les conclusions de l'avis du Haut Conseil de la santé publique et modifiait les conditions dérogatoires de prescription de l'hydroxychloroquine.

Sur la demande en référé :

7. Les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à titre principal, de suspendre l'exécution, d'une part, de l'avis du Haut Conseil de la santé publique du 24 mai 2020 et de l'arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 26 mai 2020 mentionnés au point précédent ainsi que du communiqué de presse du ministre des solidarités et de la santé du 27 mai 2020 relatifs à l'utilisation de l'hydroxychloroquine et du plaquenil dans le cadre du covid-19, et d'autre part, de l'avis du Haut Conseil de la santé publique du 18 mai 2020 ainsi que du courriel du directeur général de la santé du 9 juin 2020 relatifs à l'utilisation, dans le même cadre, de l'antibiotique appelé azithromycine.

En ce qui concerne la légalité externe des avis du Haut conseil de la santé publique :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1411-4 du code de la santé publique : " Le Haut Conseil de la santé publique a pour missions : / (...) 2° De fournir aux pouvoirs publics, en liaison avec les agences sanitaires et la Haute Autorité de santé, l'expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires ainsi qu'à la conception et à l'évaluation des politiques et stratégies de prévention et de sécurité sanitaire ; / (...) / Il peut être consulté par les ministres intéressés (...) sur toute question relative à la prévention, à la sécurité sanitaire ou à la performance du système de santé ". En vertu de l'article R. 1411-55-1 du code de la santé publique, son règlement intérieur, qui est élaboré par le collège et approuvé par arrêté du ministre chargé de la santé, fixe notamment " les règles d'organisation et de fonctionnement du collège, des commissions spécialisées, des comités techniques permanents qui ne sont pas définies par les dispositions de la présente sous-section " et " prévoit les modalités selon lesquelles des groupes de travail temporaires peuvent être constitués et les conditions dans lesquelles il peut être fait appel à des experts extérieurs ". Aux termes du quatrième alinéa de cet article : " Toute question soumise au Haut Conseil par le ministre chargé de la santé est inscrite de plein droit à l'ordre du jour du collège qui l'attribue si nécessaire à la commission spécialisée ou au comité technique permanent compétent ". Aux termes de l'article R. 1411-56 du même code : " Les avis du collège ou d'une commission spécialisée sont rendus au nom du Haut Conseil de la santé publique ". En vertu des articles 16 et 17 du règlement intérieur du Haut Conseil de la santé publique, des groupes de travail peuvent être constitués par le président d'une commission spécialisée ou, s'ils sont transversaux, par le président du Haut Conseil, pour répondre à une question ou une thématique spécifique notamment à l'occasion d'une saisine, leur mise en place peut nécessiter le recours à des experts extérieurs dits associés, la productions des groupes dont la constitution a été décidée par le président du Haut Conseil font l'objet d'une inscription au bureau du collège et, enfin, leurs avis sont soumis pour validation aux commissions spécialisées intéressées, puis au président. Aux termes de l'article 8 de ce règlement intérieur relatif aux commissions spécialisées : " (...). b) Quand l'urgence ne permet pas la réunion physique des membres du groupe mis en place pour répondre à la saisine, les travaux peuvent être conduits par audio et/ou visioconférence complétés si besoin d'échanges écrits par courrier électronique ; / c) En cas d'extrême urgence, l'avis rendu est soumis à l'approbation du président du HCSP, si un vote électronique n'a pas pu être organisé dans le délai imparti auprès des membres de la commission. ". Ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'en cas d'extrême urgence, les avis du Haut Conseil de la santé publique soient préparés par des groupes de travail comportant des experts extérieurs, dès lors qu'ils sont validés par le président du Haut conseil.

9. Il résulte de l'instruction que les avis du Haut Conseil de la santé publique des 18 et 24 mai 2020 contestés, comme d'ailleurs ceux des 5 et 23 mars qui les avaient précédés, font suite à des saisines du ministre chargé de la santé adressées peu de temps auparavant, ont été préparés par des groupes de travail transversaux constitués selon l'article 16 du règlement intérieur et composés notamment d'experts associés comme l'autorise l'article 4, et ont été soumis à l'approbation du président du Haut conseil, compte tenu de l'extrême urgence, selon les modalités prévues par les articles 8 et 17. Il n'est pas sérieusement contesté, par ailleurs, qu'ils ont ensuite été présentés, ainsi que l'a indiqué le ministre, au bureau du collège.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 1411-53 du code de la santé publique : " Le collège et les commissions spécialisées ne peuvent délibérer valablement que si la moitié au moins de leurs membres ayant voix délibérative sont présents. Si le quorum n'est pas atteint, une nouvelle réunion est convoquée dans un délai n'excédant pas vingt et un jours. Les délibérations sont alors valables quel que soit le nombre de membres présents. Le vote a lieu à la majorité simple. En cas de partage des voix, la voix du président est prépondérante ".

11. Si les travaux des groupes de travail sont conduits, en vertu de l'article 16 du règlement intérieur du Haut conseil de la santé publique, selon les procédures du Haut conseil, il n'en résulte pas que leurs avis doivent, à peine de nullité, comporter une mention attestant du respect des règles en matière de vote mentionnées au point précédent.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1452-1 du code de la santé publique: " L'expertise sanitaire répond aux principes d'impartialité, de transparence, de pluralité et du contradictoire. ". Aux termes de l'article L. 1452-2 du même code : " Une charte de l'expertise sanitaire, approuvée par décret en Conseil d'Etat, s'applique aux expertises réalisées dans les domaines de la santé et de la sécurité sanitaire à la demande du ministre chargé de la santé ou à la demande des autorités et des organismes mentionnés au I de l'article L. 1451-1. Elle précise les modalités de choix des experts, le processus d'expertise et ses rapports avec le pouvoir de décision, la notion de lien d'intérêts, les cas de conflit d'intérêts, les modalités de gestion d'éventuels conflits et les cas exceptionnels dans lesquels il peut être tenu compte des travaux réalisés par des experts présentant un conflit d'intérêts ". En vertu de l'article 5 du règlement intérieur du Haut Conseil de la santé publique, les membres des groupes de travail, y compris les experts associés, doivent faire, en application notamment de dispositions mentionnées au point précédent, des déclarations publiques d'intérêts qui sont rendues publiques sur le site internet " DPI SANTE " et les liens d'intérêts déclarés font l'objet d'une analyse par le secrétariat général du Haut Conseil selon les modalités précisées dans un guide d'analyse élaboré par celui-ci. Il en va de même du président du Haut conseil qui ne peut, par ailleurs, exercer ses fonctions concernant le traitement des dossiers dans lesquels il aurait un conflit d'intérêt.

13. Il ne résulte pas des dispositions précitées que les avis du Haut conseil de la santé publique doivent, à peine de nullité, comporter une mention attestant du respect des règles qu'elles édictent par les personnes qui y ont pris part.

14. Par suite, et sans qu'il y ait lieu de faire droit aux conclusions des requérants tendant à ce que les enregistrements et procès-verbaux des délibérations du Haut Conseil de la santé publique relatives aux avis contestés leur soient communiqués, leurs moyens tirés, en premier lieu, de ce que ces avis seraient entachées d'incompétence, faute d'avoir été rendus par le collège ou une commission spécialisée, et en second lieu, de ce qu'ils seraient entachés d'irrégularités faute de préciser, d'une part, les modalités selon lesquelles ils ont été votés, et d'autre part, d'analyser les éventuels conflits d'intérêts des membres du groupe de travail et du président du Haut Conseil, ne sont propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux ni sur la légalité des avis des 18 et 24 mai 2020 ni, en tout état de cause, sur celle des autres décisions contestées.

En ce qui concerne les autres moyens de légalité externe :

15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 3131-16 du même code, applicable dans les mêmes conditions : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le ministre chargé de la santé peut prescrire, par arrêté motivé, toute mesure réglementaire relative à l'organisation et au fonctionnement du dispositif de santé, à l'exception des mesures prévues à l'article L. 3131-15, visant à mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l'article L. 3131-12. / (...) / Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement nécessaires et proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. ". Sur le fondement de ces dispositions, le ministre chargé de la santé est habilité, durant l'état d'urgence sanitaire et dans les circonscriptions territoriales où il est déclaré, à prescrire toute mesure réglementaire nécessaire pour adapter, de façon temporaire, l'organisation et le fonctionnement du dispositif de santé pour répondre à la situation sanitaire causée par la catastrophe mentionnée à l'article L. 3131-12, y compris pour modifier des dispositions législatives et réglementaires du code de la santé publique s'y rapportant.

16. Aux termes du second alinéa du I de l'article L. 5121-12-1 du même code : " En l'absence de recommandation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées, une spécialité pharmaceutique ne peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché qu'en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation et sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient ".

17. Après que le Premier ministre eut abrogé les dispositions par lesquelles il avait autorisé par décret, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, jusqu'au 26 mai 2020, la prescription, la dispensation et l'administration, sous certaines conditions dans les établissements de santé, de la spécialité pharmaceutique Plaquenil, en dehors des indications de son autorisation de mise sur le marché, le ministre de la santé était compétent, sur le fondement de l'article L. 3131-16 du même code, pour reprendre, par arrêté, les dispositions prévoyant que sa délivrance par les pharmacies d'officine est strictement réservée à ces indications. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 26 mai 2020 aurait été incompétemment pris par le ministre des solidarités et de la santé n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité. En outre, dès lors qu'aucun des actes contestés n'émane du Premier ministre, le moyen tiré de ce qu'ils méconnaitraient la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 en ce qu'elle n'investirait celui-ci que d'un pouvoir de mettre à disposition des médicaments, et non d'un pouvoir d'interdire l'accès à un médicament déjà en circulation, ne saurait être de nature à créer un doute sérieux quant à leur légalité.

18. En second lieu, aux termes de l'article L. 3131-19 du code de la santé publique : " En cas de déclaration de l'état d'urgence sanitaire, il est réuni sans délai un comité de scientifiques. (...) Le comité rend périodiquement des avis sur l'état de la catastrophe sanitaire, les connaissances scientifiques qui s'y rapportent et les mesures propres à y mettre un terme y compris celles relevant des articles L. 3131-15 à L. 3131-17, (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le comité scientifique covid-19 rend périodiquement des avis sur les mesures propres à mettre un terme à la catastrophe sanitaire, il n'a pas à être systématiquement saisi de chacune de ces mesures. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 26 mai 2020 serait entaché d'irrégularité, faute que le conseil scientifique covid-19 ait été préalablement consulté n'est pas propre à créer, en l'état de l'instruction, de doute sérieux quant à sa légalité.

En ce qui concerne la légalité interne :

19. L'arrêté du 26 mai 2020 mentionne, dans ses visas, les dernières données scientifiques concernant les risques qui s'attachent à l'utilisation de l'hydroxychloroquine dans la prise en charge des patients atteints du covid 19 et l'avis du Haut Conseil de la santé publique du 24 mai 2020, qui ne s'appuie pas exclusivement sur l'étude du journal scientifique " The Lancet " publiée le 22 mai 2020 mais, plus largement, sur des recommandations internationales, nationales et celles d'experts consultés qui ne sont pas favorables à l'utilisation de l'hydroxychloroquine en dehors du cadre d'essais cliniques aux motifs que les données actuelles disponibles n'apportent pas la preuve d'un bénéfice sur l'évolution du covid-19 lié à l'utilisation de l'hydroxychloroquine isolément ou en association à un macrolide, comme l'azithromycine, qu'il existe une toxicité cardiaque de l'hydroxychloroquine, particulièrement en association avec l'azithromycine, et que la balance bénéfice/risque seule et en association à un macrolide est défavorable. Ainsi, en l'état de l'instruction, les moyens tirés de ce que l'arrêté du 26 mai 2020 serait entaché d'une erreur d'appréciation des faits en ce qu'il s'appuie sur l'étude publiée puis retirée par le journal scientifique " The Lancet " et d'une méconnaissance du droit de tout patient à bénéficier du traitement le plus approprié à son état de santé tel qu'apprécié par le médecin, découlant de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, ne sont pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des actes contestés. Les moyens tirés de ce que les actes contestés procèderaient d'un détournement de pouvoir et d'un détournement de procédure ne sont pas plus de nature à créer un doute sérieux quant à leur légalité.

20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que les conclusions de la requête, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme B... I... et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... I..., premier requérant dénommé, et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressé au Premier ministre.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 441316
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2020, n° 441316
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:441316.20200710
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